Difficile de dresser le portrait du cancre, comme pour la Grèce, lorsque l’on évoque le meilleur élève de la classe. D’autant que la crise irlandaise n’est en rien liée à des dépenses publiques qui pourraient être jugées trop importantes ! Le « Tigre celtique » était assis sur des zones franches et une bulle immobilière. Lorsque le système bancaire s’effondra, le gouvernement renfloua les banques. D’où une dette publique importante (32 % en 2010), alors qu’elle était auparavant quasiment inexistante.
Le gouvernement irlandais n’a pas supplié pour obtenir l’aide du FMI et de la Commission européenne. C’est la crainte de l’effet domino qui a poussé Bruxelles à convaincre le Premier ministre Brian Cowen d’accepter un « plan d’aide » au plus vite. Celui-ci tente maintenant de le faire passer en Irlande avant de devoir vraisemblablement céder la place aux élections début 2011, tout en laissant peu de marge de manœuvre à son successeur.
Il a dévoilé le 24 novembre les grandes lignes de son budget pour l’an prochain. Il s’agit du 3e plan d’austérité imposé à la population depuis 2006, et c’est sans conteste le plus violent.
Les 140 pages du projet sont censées contenir la formule magique pour revenir aux fameux 3 % de déficit. Deux tiers des 15 milliards d’euros d’économies nécessaires doivent provenir de coupes budgétaires, un tiers de recettes fiscales supplémentaires. Les crédits d’impôts sont réduits et le seuil d’imposition diminué, ce qui signifie que des salariéEs aujourd’hui non imposables vont le devenir. La TVA augmente d’un point en 2013, la taxe carbone est doublée, l’eau et l’immobilier seront taxés.
Du côté des coupes, c’est une véritable avalanche, qui va violemment réduire le niveau de vie de la population, déjà éprouvée par les précédentes purges, et alors que le chômage atteint les 13 %. On taille dans les dépenses de santé (à hauteur d’1,4 milliard d’euros) et dans la protection sociale, 25 000 postes de fonctionnaires sont supprimés, les retraites sont réduites dans le secteur public, et les salaires des nouveaux embauchés seront inférieurs de 10 %. Les droits d’inscription en fac augmentent de 25 %, passant à 2 000 euros. Les allocations familiales baissent de 10 % et le salaire minimum horaire baisse de 13 %, passant à 7,65 euros.
Au total et en moyenne, chaque ménage devra verser à l’État un chèque annuel supplémentaire de 4 600 euros… pour financer les banques responsables de la banqueroute ! Aucun poste budgétaire ne semble avoir été négligé. Aucun ? Voire ! Pas question de toucher au chiffre de l’impôt sur les sociétés, ces ridicules 12,5 % censés être garants de la croissance qui attend au coin de la rue. Il y a là une politique de classe qui ne prend même pas la peine de se dissimuler. Sur les 85 milliards consentis par Bruxelles, entre 20 et 40 iront directement aux banques, qui en ont déjà touché 46 depuis le début de la crise !
Au scandale que constitue la politique d’austérité prévue par le gouvernement irlandais vient s’en ajouter un autre : le prêt de l’Union européenne est négocié encore au-dessus du taux d’intérêt infligé à la Grèce. Pour l’Irlande, ce ne sera pas 5 mais 6,3 % ! Évidemment, les enchères montent, puisque le prêt est l’addition d’emprunts contractés par les États, non auprès de la BCE, qui a interdiction de financer un État, mais auprès des marchés, qui spéculent sur les dettes publiques.
Plus que jamais, l’échelle européenne est la plus pertinente pour poser le problème de la coordination des résistances à une politique globale qui est incapable de sortir l’Europe de la crise.
Ingrid Hayes
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 80 (02/12/10).
IRLANDE. L’ANGOISSE ET LA COLÈRE !
Le mouvement syndical irlandais n’est pas marqué par une forte tradition de confrontation. Mais un syndicalisme modéré qui négocie à la marge n’a plus de fonctionnalité dans le contexte social et politique que connaît l’ex « Tigre celtique ».
Certains dirigeants syndicaux ont d’ailleurs été hués à la manifestation du samedi 27 novembre qui fut un grand succès, avec 100 000 personnes dans les rues de Dublin malgré le froid et la neige. Elle était appelée par l’Ictu, l’union syndicale irlandaise, contre la gestion de la crise par le gouvernement et le plan d’austérité. Composée de cortèges syndicaux mais aussi de milliers de manifestantEs venuEs individuellement ou en famille, elle a vu fleurir les slogans, pancartes et prises de parole dénonçant les banquiers et leurs valets et exigeant avec force le départ du gouvernement. La question des suites est posée.
Les syndicats appelleront-ils à une grève générale, comme les y invitent les secteurs les plus radicaux ? Les mêmes secteurs appellent à un rassemblement devant le Parlement le 7 décembre, jour du vote du budget. Ils ont tenu un meeting devant plusieurs milliers de personnes en fin de manifestation, auquel Joe Higgins, député du Socialist Party au Parlement européen, a pris la parole.
Après l’annonce du plan d’austérité, l’angoisse et la colère cohabitent dans la population. L’angoisse parce que si les salariéEs avaient pu se laisser abuser la première fois, ils savent maintenant que la crise va durer : comment des mesures qui sont de la même nature que celles qui leur ont été imposées précédemment et ont conduit à l’échec pourraient-elles avoir des conséquences différentes ? Et colère… pour les mêmes raisons.
La situation irlandaise a l’avantage d’éclairer les responsables et les victimes de la crise d’une lumière crue. Le discrédit des banquiers et des financiers est énorme. Celui du gouvernement le surpasse peut-être. Au point que Brian Cowen, Premier ministre, a dû avancer la date des prochaines élections, qui auront lieu début 2011. En difficulté au Parlement, le gouvernement, et notamment Fianna Fail, le parti de droite qui le conduit, semble assuré de les perdre. Il vient d’ailleurs de perdre une élection partielle dans le Donegal, un comté qui avait pourtant toujours majoritairement voté Fianna Fail.
C’est le Sinn Féin (le parti de Gerry Adams, longtemps aile politique de l’IRA) qui a remporté l’élection. Signe des temps, Gerry Adams lui-même a annoncé son intention de se présenter aux élections législatives, dans une Irlande qui n’accordait jusque-là aux Républicains que des scores fort modestes.
En effet, plus généralement, c’est tout l’échiquier politique qui semble bouleversé. Les Verts ont fait le choix incompréhensible d’être en alliance avec la droite au gouvernement. Fine Gael, principal parti d’opposition, classé au centre droit et qui assure traditionnellement l’alternance en coalition avec d’autres, semble en bonne position, mais certains de ses membres expliquent qu’il faudrait aujourd’hui unifier Fine Gael et Fianna Fail.
Dans cette situation, l’alliance « People before profit », constituée autour du SWP irlandais, et plusieurs groupes d’extrême gauche ont pris la décision de s’unir pour participer aux élections, sur un programme d’urgence face à la crise, au sein de l’United Left Alliance. C’est un événement important, dont il faut espérer qu’il puisse cristalliser la colère sociale.
Ingrid Hayes
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 80 (02/12/10).
LE PEUPLE IRLANDAIS VA PAYER POUR LES BANQUES EN FAILLITE.
COMMUNIQUÉ DU NPA
La crise du capitalisme n’en finit pas de rebondir ! Il est loin le temps où l’Irlande, « le tigre celtique », pratiquant le dumping fiscal et les droits sociaux a minima, pour le plus grand profit des sociétés, affichait des taux de croissance du PIB à hauteur de 7%.
L’éclatement de la bulle immobilière a laissé les banques irlandaises sur le sable, avec à la clef un gros paquet de produits toxiques, soit des dizaines de milliards d’euros de dette.
L’état irlandais a dû refinancer les banques mais les il se retrouve maintenant dans la ligne de mire des marchés financiers qui font payer chèrement leurs lignes de crédit.
L’éventuelle faillie des banques irlandaises mettant en danger des banques anglaises, du fait de leurs connexions, l’Union européenne et le Fonds monétaire international vont voler au secours des banquiers et des capitalistes irlandais mais en dernier ressort ce sera le peuple irlandais qui paiera la facture.
Le gouvernement irlandais qui avait déjà durement frappé à la caisse les salariés, par des baisses de salaire, des allocations familiales, une hausse des impôts, la suppressions de dizaines de milliers d’emplois et des coupes budgétaires, va imposer un nouveau plan d’austérité pour économiser 15 milliards d’euros d’ici 2014.
Une fois de plus, c’est l’emploi et le niveau de vie des salariés qui vont trinquer, alors que dans le même temps le taux d’imposition très bas sur les entreprises et les sociétés ne va pas bouger.
Après la Grèce, l’Espagne, le Portugal, la Roumanie, la Hongrie, c’est au tour de l’Irlande. Les résistances sociales qui se font jour dans ces différents pays doivent s’unifier pour que les salariés ne payent pas la crise du système capitaliste.
Le 23 novembre 2010.