Usaam Mukwaya est un paria. Depuis que la presse ougandaise l’a outé, photo et nom à l’appui, sa vie est devenue un enfer. Sa famille et ses amis l’ont rejeté, son employeur renvoyé, les passants l’appellent « sodomite ». Sur un marché, il a même été battu et des musulmans ont appelé à l’assassiner. Quant aux forces de l’ordre : « La deuxième fois que la police m’a arrêté, j’ai été torturé, explique le militant LGBT et anti-sida de 25 ans. J’ai déposé un dossier à la Commission des droits humains d’Ouganda, et j’ai été débouté. »
Le 14 février dernier, dans la capitale Kampala, Usaam Mukwaya a rencontré Louis-Georges Tin, président du comité IDAHO. Touché par son histoire, le militant français a lancé une procédure de demande d’asile, et mobilisé le consulat français en Ouganda ainsi que les ministères de l’Immigration et des Affaires étrangères. Une aide ayant permis à Usaam Mukwaya d’arriver en France, hier, avec un visa qui lui permettra de finaliser sa demande d’asile. Le début d’une nouvelle vie ?
TÊTU : Vous venez d’Ouganda, un pays anglophone. Pourquoi avoir choisi de venir en France ?
Usaam Mukwaya : Premièrement, Louis-Georges, qui est Français, était la première personne à qui j’ai parlé de ce qui m’est arrivé. Il m’a dit qu’il allait faire de son mieux pour me sortir de cette situation. Une autre raison : je sais que la France est un pays libre, et on m’a dit qu’elle est très respectueuse des droits de l’homme. Alors je me suis dit que, peut-être, en venant en France, je serais libre d’être gay.
Pour obtenir le droit d’asile, vous devez prouver que vous êtes persécuté, que votre vie est en danger en raison de votre orientation sexuelle.
Avez-vous assez de preuves ?
J’ai envoyé des documents à l’ambassade de France [en Ouganda]. Notamment, des copies de journaux où il y a des photos de moi et des lettres que m’ont envoyées les autorités locales. Comme celle où le village où je vivais me dit qu’il me laisse une semaine pour déménager et que, si je ne le faisais pas, on me brûlerait avec mes affaires. J’ai aussi un rapport de mon avocat en Ouganda qui fait le point sur tout ce qui m’est arrivé.
Les autorités de mon village m’ont envoyé une lettre : j’avais une semaine pour déménager, sinon on me brûlerait avec mes affaires.
Si vous obtenez le droit d’asile, continuerez-vous à défendre les droits des LGBT ougandais restés au pays ?
Oui. Car même quand j’ai eu des problèmes, j’ai continué à faire ce que j’avais à faire parce que je ressentais de la peine pour les autres. Je vous donne une image : vous plantez un manguier. Si vous mourez vous n’allez peut-être pas en savourer les fruits, mais vos enfants, vos arrière-arrières petits enfants pourront, eux, manger les mangues. Alors si j’ai la chance d’obtenir le droit d’asile en France, cela m’aidera à aider l’Ouganda pour que les LGBT de mon pays puissent avoir des droits.
Quelles sont les dernières nouvelles concernant le projet de loi anti-gay ?
Il y a quelques semaines, une commission a étudié le projet de loi et décidé qu’il ne pouvait pas marcher en Ouganda. Dès que les musulmans ont entendu ça, ils ont organisé une conférence dans une sorte de square de Kampala (la capitale, ndlr) pendant deux-trois jours. Ils ont dit : « Si le projet de loi ne passe pas, nous devrons tuer les homosexuels ». Ils disaient qu’ils avaient fait des recherches, qu’ils essayaient de savoir qui est qui et qu’ils avaient entrainé des gens à tuer – et que ces gens tueront.
Habibou Bangré