Rolling Stone, un journal local ougandais, a lancé le 9 octobre une chasse aux gays dans le pays en publiant les noms, les photos et les adresses (récupérées sur des sites de rencontres ou sur Facebook) de 100 homosexuels présumés. Sous le titre, dans un bandeau jaune, le journal ordonne : « Pendez-les ».
Ce n’est pas la première fois que le pays connaît ce genre d’appel au lynchage. Un autre journal, Red Pepper, avait déjà par le passé publié ce type de listes d’homosexuels présumés. Cette dernière publication dans Rolling Stone arrive, cependant, dans un contexte déjà très violent à l’égard des personnes LGBT.
DEPUIS L’ »ANTI-HOMOSEXUALITY BILL » OUGANDAIS, « LES AGRESSIONS ET LES ARRESTATIONS ONT DOUBLÉES »
Cet article a en effet été publié le 9 octobre, soit cinq jours avant la date d’anniversaire (1 an) du dépôt de la proposition de loi appelée « Anti-homosexuality Bill ». Celle-ci prévoit de durcir la législation ougandaise (qui considère déjà l’homosexualité comme une activité criminelle passible de prison à perpétuité) avec notamment la peine de mort pour « homosexualité aggravée » ou pour les homosexuels malades du sida. Sous la pression internationale, cette proposition de loi n’a toujours pas été votée, elle est toujours en suspens.
Si elle n’a pas été validée, la publicité qu’elle a reçue n’en a pas moins fait de gros dégâts. Les LGBT ougandais racontent qu’ils ont vécu une année de harcèlements et d’attaques incessantes. « Avant cela, la plupart des gens ne s’intéressait pas à nos activités », raconte Patrick Ndede, un jeune homosexuel de 27 ans, à l’agence de presse américaine AP. « Mais cela nous a rendu publics auprès de beaucoup de personnes qui ont commencé à nous maltraiter ».
Frank Mugisha, président de l’association Sexual Minorities Uganda, explique que le nombre d’agressions homophobes et le nombre d’arrestations d’homosexuels auraient ainsi doublé cette dernière année.
« MISSION D’INTÉRÊT PUBLIC »
Avec ce nouvel article, les choses risquent donc d’empirer. Selon l’activiste LGBT ougandais Julian Onziema, quelques jours seulement après sa publication, quatre personnes qui figuraient sur cette liste auraient déjà été violemment agressées, et de nombreuses autres se cacheraient après avoir reçu des menaces de mort. Julian Onziema a également déclaré qu’une plainte avait été déposée contre ce journal. « C’est un appel à encore plus de violence et un appel au génocide des minorités sexuelles », ajoute Frank Mugisha, « les législateurs et le gouvernement devraient réagir et protéger les minorités sexuelles de ce type de médias ».
Le journal Rolling Stone, quant à lui, se justifie en parlant d’une « mission d’intérêt public ». L’article accuse ces 100 homosexuels de vouloir « recruter 1000000 d’enfants innocents d’ici 2012″. Il assure également qu’une maladie inconnue mais mortelle touche actuellement les homosexuels en Ouganda. « Nous pensons que la société doit savoir que de tels individus vivent parmi nous », explique Giles Muhame, directeur de la rédaction du journal, à AP. « Certains d’entre eux enrôlent de jeunes enfants dans l’homosexualité, ce qui est mal et doit être rendu public. Ils se servent de notre pauvreté pour embrigader des Ougandais. En bref, nous l’avons fait parce que l’homosexualité est illégale, inacceptable et que c’est une insulte à nos traditions ».
TROIS NOUVELLES LISTES DEVRAIENT SUIVRE
Le journal a depuis reçu une obligation de cesser toute publication, non pas à cause du contenu de cet article, mais pour de simples questions de procédures administratives : le journal n’avait pas été enregistré auprès du gouvernement. Bien évidemment, une fois que celui-ci aura complété son inscription, il pourra légalement continuer à publier ce type d’informations et reprendre sa chasse à l’homme. Il a déjà annoncé que trois nouvelles listes devraient suivre.
« Nous sommes une espèce en danger dans notre pays », déclare Nelly Kabali, 31 ans, à l’agence de presse américaine.
Le magazine culturel américain Rolling Stone a tenu à préciser qu’il n’avait évidement aucun lien avec ce journal ougandais et s’est indigné que « l’homosexualité soit toujours un crime dans beaucoup de pays africains »
Audrey Banegas
22 octobre 2010 13:09
Ouganda : Le tabloïd « Rolling Stone » poursuit ses outings
2 novembre 2010 19:49
Le tabloïd ougandais Rolling Stone est passé outre l’injonction de la Haute Cour de justice lui interdisant de publier les noms et photos d’homos présumé-e-s.
Le 9 octobre déjà, une liste de 100 personnes présentées comme homosexuelles paraissait dans Rolling Stone, avec en sous-titre « Pendez-les ». Plusieurs agressions homophobes avaient rapportées dans les jours suivants. Parmi les victimes, Stosh Mugisha (photo), qui a témoigné sur CNN :
Si vous ne pouvez pas voir la vidéo ci-dessus, cliquez sur Interview with persecuted gay Ugandan
Une nouvelle liste de 10 à 15 noms selon les sources a donc été publiée.
Ces outings en série interviennent alors que la proposition de loi de David Bahati, qui prévoit de durcir la législation ougandaise (qui considère déjà l’homosexualité comme une activité criminelle passible de prison à perpétuité) avec notamment la peine de mort pour “homosexualité aggravée” ou pour les homosexuels malades du sida, fait son chemin au Parlement. « Nous sommes très confiants, a indiqué David Bahati à CNN, parce qu’il s’agit d’un texte de loi dont ce pays a besoin pour protéger la famille traditionnelle ici en Afrique, ainsi que le futur de nos enfants. »
La proposition de loi semblait avoir été écartée en début d’année, sous la pression internationale, mais David Bahati n’a en réalité jamais lâché l’affaire.
Judith Silberfeld