La création en 2007 du ministère de l’identité nationale et de l’immigration a fait couler beaucoup d’encre. On y a vu à juste titre la consécration officielle de thèses identitaires inspirées par une pensée d’extrême-droite. Le point d’orgue de cette évolution délétère du discours officiel a eu lieu cet été avec la mise en place d’une politique racialiste anti-tsigane et l’instauration par le chef de l’Etat d’une ligne de partage entre les « vrais français » et ceux qui ne le sont que par intérim. Depuis lors, il n’existe plus de réelle différence idéologique entre l’UMP et le Front national, ce qui laisse présager d’inquiétants rapprochements. La nocivité du poison de l’identité nationale n’est pas à démontrer et continuera hélas à structurer la vie politique de ce pays jusqu’à ce que soit définitivement tournée la page du sarkozysme.
Dans ce contexte, la disparition du ministère maudit est-elle une bonne nouvelle ? Ce n’est pas si sûr car le ministère de l’immigration ne disparaît pas : il est simplement intégré au ministère de l’intérieur.
Le résultat de cette évolution, anticipée ou non dès le départ, est clair. Le ministère de l’immigration a été érigé en entité politico-administrative autonome par l’agrégation au sein d’un même ensemble de directions de l’administration aux compétences variées. Sa création n’a été rendue possible que par le rattachement à la nouvelle structure d’administrations dépendant auparavant de plusieurs ministères (droit d’asile et visas pour le ministère des affaires étrangères, politique dite de l’« intégration » pour le ministère des affaires sociales…).
La question qui se pose aujourd’hui avec acuité est de savoir si ces compétences variées vont revenir à leurs anciens titulaires ou au contraire être regroupées sous le giron du ministre de l’intérieur. Si la seconde hypothèse venait à se vérifier, cela signifierait le triomphe des thèses du Front national qui s’ingénie depuis plus de trente ans à établir un lien systématique autant que fallacieux entre immigration et insécurité.
La vision purement sécuritaire des politiques d’immigration qui est la marque de fabrique des politiques menées depuis 2002 recevrait ainsi une consécration qui l’inscrirait dans un temporalité longue résultant de la mise en place d’une nouvelle structuration des administrations centrales. Cette nouvelle organisation serait difficile à démanteler à supposer même qu’existe un jour une volonté politique de le faire.
VISION POLICIÈRE
La personnalité même du nouveau ministre de l’intérieur et de l’immigration n’a évidemment pas de quoi rassurer. Le primat chez Brice Hortefeux d’une vision purement policière des problèmes sociaux et ses nombreux dérapages verbaux hâtivement revêtus du sceau de l’humour ne peuvent qu’inquiéter ceux qui, dans ce pays, sont encore attachés aux idéaux humanistes et universalistes définis par la Révolution française et tant de fois malmenés depuis.
La condamnation du ministre pour injure raciale a eu le mérite de faire ressortir dans une lumière crue le principe qui est à la base de sa politique : « quand il y en un, ça va… ». Cette condamnation pénale n’est pas définitive puisqu’il y a eu appel de la part du ministre. Si elle venait à être confirmée, M. Hortefeux pourrait-il espérer une nouvelle promotion récompensant sa croisade pour la défense de la France éternelle ?
Henri Braun est avocat au barreau de Paris, Nawel Gafsia est avocate au barreau de Créteil