Ils avaient belle allure, ces ballons roses et bleus, ornés d’un visage de bébé, brandis, le 20 octobre, par des dizaines de députés européens dans les travées du Parlement de Strasbourg. En cette période déprimante, où les gouvernements prônent l’austérité, l’image avait de quoi redonner le sourire. A une courte majorité, les eurodéputés venaient de voter en faveur de l’allongement du congé maternité à vingt semaines, rémunéré à 100 % du salaire, dans toute l’Europe.
A priori, une bonne nouvelle pour les femmes, mais il faudra un très long chemin législatif avant que cette directive ne soit adoptée en conseil des ministres européens et transposée dans le droit national. Autant dire des lustres ! Déjà des voix s’élèvent pour crier à la « démagogie », à l’« irresponsabilité en temps de crise », à une « victoire à la Pyrrhus » qui n’aurait pour conséquence que de rendre plus difficile le recrutement et le retour des femmes dans l’entreprise. Les opposants ne parlent que de sous et de coûts. Jamais de progrès social, ni de bien-être, ni de ce que représente pour bon nombre de mères le fait de laisser un bébé de dix semaines à la crèche ou chez une nounou : un crève-cœur. Même la philosophe Elisabeth Badinter, auteure du best-seller Le Conflit, la femme et la mère (Flammarion, 270 p., 18 euros), que l’on ne peut soupçonner de vouloir remettre les femmes au foyer, plaide pour un congé maternité rallongé : « Les femmes sont fatiguées après l’accouchement. C’est un grand chambardement. Avec un congé allongé, les femmes reprendraient le travail avec moins de culpabilité. Cette mesure pourrait même réduire le nombre de congés parentaux, plus pénalisants sur le plan professionnel. »
Pour l’heure, les jeunes mères « bidouillent » entre certificats médicaux, congé pathologique et congés annuels pour déborder du cadre légal (actuellement de seize semaines en France, six avant l’accouchement, dix après). Sans surprise, des enquêtes montrent que 84 % des mères souhaiteraient que le congé maternité dure plus longtemps.
L’Europe a du bon, mais le combat n’est pas gagné. Nadine Morano s’est déclarée opposée à cette mesure. Dans un premier temps, la secrétaire d’Etat à la famille a fait valoir que « la France dispose déjà d’un régime très protecteur pour les femmes enceintes ». Puis, moins catégorique, elle a proposé, « s’il y avait allongement », de « réfléchir à une meilleure égalité entre le père et la mère » en imaginant de leur laisser le choix de se répartir ce nouveau congé. Cela pourrait être une bonne idée, histoire que l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle ne repose pas que sur les femmes.
Sandrine Blanchard (Chronique « Vie moderne »)