Le procès de l’affaire des non-jeûneurs d’Ouzellaguène qui devait avoir lieu hier matin, au tribunal d’Akbou, a été finalement reporté jusqu’au 8 du mois de novembre prochain. Outre l’ajournement du procès en question, le président du tribunal a décidé de la remise en liberté provisoire du principal accusé, le dénommé A. C., un jeune chômeur d’Ouzellaguène poursuivi, entre autres, pour “atteinte aux préceptes de l’islam”, après avoir été arrêté par la police, le 31 août dernier, alors qu’il se trouvait dans son local commercial, en compagnie de 9 autres personnes. Accusé d’avoir aménagé son local en restaurant et servi des non-jeûneurs pris en “flagrant délit” en pleine journée du mois de Ramadhan, ce jeune repris de justice a été, pour rappel, mis sous mandat de dépôt après sa présentation par la police judiciaire de la sûreté de daïra d’Ouzellaguène, devant le parquet d’Akbou, tandis que les neuf autres mis en cause ont été remis en liberté en attendant leur comparution devant le juge. Ce qu’il faut souligner, c’est qu’une centaine de personnes, parmi lesquelles des délégués du mouvement des archs, des militants du MAK (Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie) et autres défenseurs des droits de l’Homme, ont observé hier matin un sit-in devant le siège du tribunal d’Akbou, en guise de solidarité avec les non-jeûneurs d’Ouzellaguène.
Initié par les membres du bureau de Béjaïa de la Ligue algérienne de la défense des droits de l’Homme (LADDH), ce rassemblement de soutien se voulait être une forme de “pression” sur les autorités judiciaires, visant à inciter ces dernières à relaxer les mis en cause. Les organisateurs de cette action de solidarité n’ont pas manqué, d’ailleurs, d’afficher leur sentiment de satisfaction, suite au report du procès et surtout au relâchement du principal accusé. “C’est une victoire pour nous. Je pense que la justice a reculé devant la mobilisation citoyenne d’aujourd’hui. La décision de renvoyer le procès jusqu’au 8 novembre et la liberté provisoire dont a bénéficié le principal mis en cause révèlent la volonté des autorités judiciaires de jouer la carte de l’apaisement, en vue de baisser la tension qu’a suscitée cette affaire. Comme ça, on aura le temps de mieux nous préparer pour assurer une bonne défense aux inculpés et une solidarité citoyenne plus large”, nous a déclaré hier, Saïd Salhi, le premier responsable de la LADDH de Béjaïa, à l’issue de la décision du tribunal d’Akbou.
La population solidaire
L’affaire des non-jeûneurs d’Ouzellaguène qui défraie la chronique locale n’a pas manqué de susciter un élan de solidarité au sein de la société civile de la région de la Soummam. Au niveau local, c’est l’étonnement profond. La quasi-totalité des citoyens rencontrés hier, à Ouzellaguène, étaient unanimes à condamner cet “acte d’intolérance” qui a laissé tout le monde pantois. Pour Hocine Halfaoui, enseignant et élu RCD à l’APC d’Ouzellaguéne, “ce qui vient de se passer ici, dans notre commune, et à Aïn El-Hammam (Tizi Ouzou), n’est pas fortuit. On veut ternir l’image de cette région rebelle qui a toujours été à l’avant-garde du combat pour les causes justes. Le pouvoir algérien doit prendre ses responsabilités face à ses dérives institutionnelles. Les libertés de culte et les libertés individuelles, pourtant consacrées dans la Constitution, sont constamment violées. À partir du moment où l’État juge et condamne les non-jeûneurs, pourquoi ne fait-elle pas autant pour l’ensemble des non-pratiquants des règles de l’islam, tels que les gens qui ne font pas la prière ?”
Pour sa part, Rachid Bedjaoui, cadre du PT et membre de l’Onec d’Ouzellaguéne, estimera que “personnellement, en tant que citoyen d’Ouzellaguéne, je tiens à condamner vigoureusement cet acte qui relève de la pure inquisition. Je constate là que les libertés individuelles sont complètement bafouées. Le combat pour la démocratisation des institutions de l’État, l’indépendance de la justice et la séparation du politique de la religion est plus que jamais indispensable”.
KAMEL OUHNIA