Deux cent mille femmes d’origine thaïlandaise vivent en Europe. Que savons-nous d’elles ? Que savons-
nous de la Thaïlande ? Plusieurs dizaines de femmes d’origine thaïlandaise travaillent à l’entreprise
ISS Aviation à Genève (voir article page concernant cette grève exemplaire à l’Aéroport International
de Genève - AIG). Cette lutte et l’actualité du mouvement de masse en Thaïlande nous rappellent
l’importance d’associer les « ressortissants des pays qui n’ont pas les idées européennes (au sens large) »
aux efforts de renforcement du mouvement syndical.
Sask
« We are calling for ballots and why are you meeting us with bullets ? »
« Nous demandons des bulletins, pourquoi nous accueillez-vous à coups de boulets ? »
demandaient les manifestants.
La démocratie échappe aux manifestants thaïlandais, aux « Chemises rouges »
Le 14 mai 2010, après huit semaines de confrontation, le gouvernement a chassé les « Chemises
rouges » des rues de Bangkok et causé la mort de 80 personnes. « Le gouvernement les a traités
de terroristes, les a accusés de soutenir Thaksin Shinawatra contre le responsable actuel du
gouvernement. Les médias eux aussi ont souvent assimilé les manifestants à des supporters du
Premier ministre déchu.
Cette interprétation est erronée » selon Junya Yimprasert, qui craint que les rues de
Bangkok « nettoyées », le gouvernement ne s’attaque à d’autres cibles. « On parle de chasse aux
sorcières contre des syndicats militants, des universitaires, des journalistes, des dirigeants régionaux
et des politiciens. Une campagne internationale de solidarité est nécessaire pour attirer l’attention de
la communauté internationale sur la situation en Thaïlande ».
Junya Yimprasert appelle le mouvement syndical international à accorder une attention particulière
à ce pays et à soutenir les collègues thaïlandais. Elle rappelle que « le combat pour la démocratie
en Thaïlande a déjà 78 ans. Engagé en 1932, il abattit la monarchie absolue et lui substitua une
monarchie constitutionnelle. Mais jamais le pays n’a connu de démocratie véritable, de démocratie
véritablement populaire ». Les classes laborieuses étaient à l’initiative du mouvement récemment
réprimé à la différence des combats démocratiques du passé.
Quelle dynamique politique derrière la récente répression des manifestants ?
Bhumibol Adulyadejis, le roi de Thaïlande est âgé de 84 ans. Gravement malade, il est hospitalisé
depuis plus d’un an. Le gouvernement actuel du Premier ministre Abhisit Vejajeva est étroitement lié
à l’armée et aux élites qui soutiennent un gouvernement loyaliste pour garantir à la mort du roi une
transition à leur avantage. Elles craignaient que l’éviction du gouvernement actuel n’ouvre la voie
à un gouvernement Thaksin ou proche de lui où leur pouvoir serait menacé, où le roi, comme ceux
d’Angleterre ou de Suède, perdrait toute influence réelle.
Une lutte des classes laborieuses
La lutte pour la démocratie a toujours commencé avec les intellectuels, qui transmettent le flambeau
aux étudiants et à la classe moyenne. Pour Junya Yimprasert ce sont les classes laborieuses,
l’écrasante majorité du peuple thaïlandais, qui a engagé le combat aujourd’hui.
La Thaïlande à l’aube d’une lutte pour une véritable réforme politique ?
Sous le gouvernement Thaksin, le budget militaire avait été massivement réduit. Le gouvernement
actuel a multiplié les dépenses militaires qui sont passées de 86 à 200 milliards de bahts. Il repose sur
les militaires qui n’ont jamais cessé de peser sur les gouvernements civils. Au cours des 78 années
écoulées, le pays a connu 20 coups d’Etat militaires.
Si les partisans du Premier ministre déchu ont impulsé la mobilisation des « Chemises rouges », les
personnes interviewées parmi les millions de provinciaux qui l’ont rejointe déclarent avoir agi pour
elles-mêmes, et n’avoir rien à voir avec Thaksin. Revendiquant des élections libres, le mouvement
était prêt à accepter tout gouvernement remportant la majorité sans demander son retour au pouvoir.
Propos recueillis et mis en contexte par Linus Atarah.