VAK, organisation indienne membre du réseau international CADTM, a réuni pendant deux jours une quarantaine de délégués provenant de trois Etats différents de l’Inde [1] (Kerala -32 millions d’habitants-, Maharastra -97 millions- et Tamil Nadu -62 millions-), du territoire spécial de Pondichéry -1 million-, du Sri Lanka et de Belgique. La rencontre avait plusieurs objectifs :
– faire le point sur les luttes sociales dans lesquelles les délégués étaient directement impliqués afin de renforcer les synergies ;
– situer ces luttes dans le contexte international en analysant la problématique de l’endettement public des pays du Sud et l’impact des politiques de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international ainsi que d’autres acteurs internationaux (gouvernements des grandes puissances, OMC, Club de Paris, les transnationales...). Les discussions se déroulaient en anglais, en tamoul et en malayalam. Le délégué qui devait venir du Pakistan n’a pas pu obtenir de visa. [2]
La première journée a commencé par un tour de table où chacun et chacune a présenté les caractéristiques des luttes où ils (elles) étaient engagés, ainsi que l’organisation représentée. Ensuite, Eric Toussaint a fait un exposé général au cours duquel il a expliqué comment on en était arrivé à une dégradation massive des conditions de vie d’une grande partie de la population mondiale au cours des 30 dernières années marquées par l’offensive néolibérale.
Historique de l’action de la Banque mondiale dans le cadre international global et perspectives à venir
Partant des expériences nationalistes, populistes, voire socialistes, qui ont suivi la seconde guerre mondiale et les indépendances des colonies, il a montré que celles-ci avaient mis profondément en cause la domination des grandes puissances capitalistes industrielles. L’intervention de la Banque mondiale et du FMI, notamment grâce à l’arme de la dette extérieure, a été utilisée par les pays capitalistes les plus industrialisés (dont les anciennes puissances coloniales) pour remettre au pas des pays qui avaient conquis, à leurs yeux, une trop grande autonomie. Eric T. a présenté rapidement l’histoire de la Banque mondiale et les enjeux géostratégiques qui ont marqué son intervention à l’égard des pays du Sud. Il a montré comment la crise de la dette au début des années 1980 a été utilisée pour mettre un terme aux tentatives de réaliser un nouvel ordre économique mondial plus juste.
Il a indiqué comment le gouvernement indien, dès la fin des années 1950, s’est rallié à la politique du gouvernement des Etats-Unis qui voulait éviter que l’organisation des Nations unies soit dotée d’une institution de financement du développement capable de concurrencer la Banque mondiale. [3] Toujours à propos de l’Inde, il a expliqué comment la « révolution verte », néfaste pour la majorité des paysans indiens, a été introduite par la Banque mondiale et la Fondation Ford à partir du milieu des années 1960. [4] La « révolution verte », ainsi que l’introduction des organismes génétiquement modifiés (OGM) qui a suivi 30 ans plus tard (fin des années 1990), ont entraîné une forte dépendance des 600 millions d’habitants des régions rurales à l’égard des transnationales semencières (Monsanto, Cargill, Syngenta).
Eric Toussaint a relevé que, tout comme au Brésil, la dette publique est surtout aujourd’hui une dette interne. Dans le cas indien, celle-ci représente 80% du Produit intérieur brut (PIB). Enfin, il a analysé la nouvelle conjoncture internationale, notamment l’accumulation de très importantes réserves de devises étrangères de la part des banques centrales [5] qui pourraient être utilisées pour mener des politiques tournant le dos au néolibéralisme. Encore faut-il que les gouvernements en aient la volonté politique. Ce n’est pas le cas de la majorité d’entre eux. Les gouvernements indien et sri-lankais font partie de ceux qui approfondissent le cours néolibéral en accentuant l’ouverture économique et en privatisant encore un peu plus, tout cela dans le cadre d’une offensive mondiale brutale contre les salariés et les petits et moyens paysans, ainsi qu’un recours aux agressions militaires de la part des gouvernements des principales puissances impérialistes, en commençant par l’administration G. W. Bush. Une contre-tendance, certes faible et surtout localisée en Amérique latine, se développe : augmentation des résistances populaires et expériences gouvernementales de gauche dans des pays comme le Venezuela, la Bolivie et l’Equateur.
Discussion suite à l’exposé d’Eric Toussaint
L’exposé a été suivi d’une discussion très riche de plus de quatre heures au cours de laquelle une quinzaine de délégués sont intervenus en reliant leurs interrogations et commentaires aux réalités locales. Par exemple, les délégués du Kerala ont indiqué que le gouvernement du front de gauche constitué par les deux partis communistes (CPI et CPM) recourent systématiquement aux prêts de la Banque mondiale et de la Banque asiatique du développement (BAsD) et réalisent activement une politique de privatisation. Une déléguée du Pondichéry a proposé que les pouvoirs publics des pays du Sud interdisent aux transnationales de contrôler leurs ressources naturelles. Plusieurs délégués ont considéré que les accords de troc entre le Venezuela, Cuba et la Bolivie devaient servir d’exemple aux autres pays du Tiers Monde qui souhaitent mettre en place une alternative aux politiques néo-libérales.
L’action contre l’implantation d’un complexe nucléaire civil et militaire à Koodankulam au Tamil Nadu
La soirée du premier jour a été consacrée à une réunion au cours de laquelle plusieurs délégués du Tamil Nadu ont expliqué la lutte qu’ils menaient contre la construction d’un vaste complexe nucléaire tant civil que militaire comprenant 8 réacteurs de technologie russe. [6] Les activistes antinucléaires se basent essentiellement sur la mobilisation dans l’Etat du Tamil Nadu. Ils ont cependant expliqué qu’ils comptaient sur la solidarité des activistes du Kerala, Etat voisin du Tamil Nadu, ainsi que du Sri Lanka qui est séparé du Tamil Nadu par un très étroit couloir marin comparable à la Manche qui sépare la Grande Bretagne du continent européen. Tant la population du Kerala que celle du Sri lanka sont en effet directement menacées en cas d’accident nucléaire.
Ils relèvent plusieurs effets négatifs supplémentaires dus au choix du site :
1) dangers d’accidents causés par les activités sismiques dans cette région ;
2) les pêcheurs seront affectés par l’activité de la centrale qui prélèvera d’énormes quantités d’eau de mer riches en poissons tandis qu’elle rejettera dans la mer d’énormes quantités d’eau chaude sans aucune vie. Cela appauvrira la faune marine et réduira les résultats de la pêche. Ils ont précisé que le gouvernement du Tamil Nadu n’informait la population qu’au compte-goutte. Leur action énergique a permis de retarder jusqu’ici la poursuite du projet. Le gouvernement et les médias qui le soutiennent les accusent d’être des agents des intérêts étrangers. Ils vont même jusqu’à les accuser d’être au service de la CIA. Cette accusation est particulièrement absurde car le projet en question est réalisé en conformité avec l’accord nucléaire Inde - USA négocié en 2006. [7]
Ils font remarquer qu’ils sont appuyés moralement dans leurs actions par les Amis de la Terre (Friends on the Earth), tandis que Greenpeace Inde reste jusqu’ici tout à fait à l’écart de l’action, ce qui est incompréhensible à moins de considérer que cette organisation veut éviter un conflit avec le gouvernement central de Delhi ainsi que le gouvernement du Tamil Nadu. Ils ont par ailleurs expliqué que l’exposé du matin leur avait permis de comprendre une dimension supplémentaire du projet de construction du complexe nucléaire. En effet, la première phase du projet comprenant la construction de deux réacteurs représentera un coût de quatre milliards de dollars qui seront financés par un endettement auprès de la Russie. Cette dette constituera un fardeau pour les générations futures. Enfin, ils expliquent qu’il est parfaitement possible d’augmenter la production d’électricité en Inde en ayant recours à d’autres sources d’énergie (énergies éolienne, solaire et autres).
A noter que le développement de ce complexe nucléaire fait partie d’un vaste plan d’augmentation de la production d’énergie nucléaire échelonné sur la période 2007-2012. Le gouvernement indien veut en effet multiplier par six la production d’énergie nucléaire pendant cette période. Celle-ci passerait de 3.500 MW actuellement à plus de 20.000 MW en 2012. Coût prévu au budget de l’entreprise publique indienne d’énergie nucléaire (NPCIL’S) : 23 milliards de dollars, ce qui entraînera automatiquement une augmentation de la dette extérieure publique de l’Inde parce que la plupart des équipement sont achetés à l’étranger. Selon les opposants au projet, ce complexe pourra avoir une fonction militaire car, à partir du combustible nucléaire, on pourra produire du plutonium qui est essentiel pour la fabrication d’armes nucléaires.
Les autres Etats concernés par la construction de nouvelles centrales ou l’extension des actuelles installations sont le Bengale occidental, le Gujarat, Orissa et Andhra Pradesh. Une forte mobilisation est déjà en cours au Bengale occidental pour condamner la construction d’une centrale nucléaire à Haripur.
La deuxième journée a commencé par une intervention de Sushovan Dhar de VAK. Il a expliqué deux luttes importantes au Bengale occidental (capitale Calcutta). L’une a lieu contre l’implantation à Singur d’une usine automobile Tata (entreprise indienne) dont la construction entraînera l’expulsion de 10.000 paysans. L’autre concerne l’installation d’une zone franche. La surface prévue est occupée par des milliers de protestataires, principalement des paysans. La veille de la rencontre, le 13 mars, la police a chargé les occupants provoquant la mort de 14 personnes et blessant 60 autres. Le ministre de l’Intérieur, qui a envoyé les forces de l’ordre, est membre du parti communiste (CPM) qui dirige le gouvernement en coalition avec l’autre PC (CPI). Les forces de l’ordre continuent à « nettoyer » le terrain : les activistes, réunis au Kerala, ont rédigé une déclaration condamnant la répression et demandant la démission du gouvernement. Il faut préciser que la gestion communiste de l’Etat du Bengale occidentale est considérée comme exemplaire par la Banque mondiale et est très appréciée par les investisseurs étrangers (des médias britanniques tels The Economist et le Financial Times approuvent généralement la politique procapitaliste des communistes au pouvoir).
L’action de la Banque mondiale court-circuite la démocratie
Ensuite, Sandeep Pendse de l’organisation VAK a expliqué l’effet négatif de l’action de la Banque mondiale sur la démocratie. Sandeep Pendse a démontré que les conditionnalités imposées par la Banque mondiale réduisaient gravement l’exercice des libertés démocratiques des citoyens et court-circuitaient l’action des pouvoirs législatif et exécutif des pays concernés. Il a pris l’exemple des programmes d’ajustement structurel dont les conditionnalités se font actuellement plus complexes, plus larges, érodant fortement la souveraineté des Etats. Il a consacré une partie de son exposé à la privatisation du système de distribution d’eau de la ville de Mumbai (14 millions d’habitants) où, en ce moment, la distribution est encore sous le contrôle de la Municipalité. [8]
L’entreprise publique qui gère l’eau de Mumbai dégage des bénéfices depuis 1974. La Banque mondiale a désigné la firme transnationale française Castalia pour réaliser un audit du système de distribution d’eau en passant au-dessus des autorités municipales. Celles-ci n’ont été informées qu’après coup, par voie de presse. La transnationale française a remis ses résultats en août 2006 mais rien n’a encore été rendu public. Mais il est clair que si contestations il y a, les gouvernements sont poussés à ne pas tenir compte des protestations populaires, voire à recourir à la répression, vu les accords qu’ils ont avec la Banque mondiale. La privatisation de l’eau à Mumbai impliquerait de retirer aux habitants des slums (bidonvilles) illégaux le droit à l’eau. La Banque mondiale a échoué dans sa tentative de faire privatiser le système de distribution d’eau de la capitale New Delhi. Elle a lancé son dévolu sur celui de Mumbai. Autre conséquence des conditionnalités fixées par la Banque mondiale : les prêts à bas taux d’intérêt aux paysans ont fortement baissé depuis 1996 car l’Etat du Maharastra a retiré sa garantie sur les prêts octroyés par la banque publique ; c’est donc le secteur privé qui prête à haut taux d’intérêt, entraînant le surendettement des petits paysans dont un nombre de plus en plus élevé en viennent à se donner la mort. A l’échelle de l’ensemble de l’Inde, selon les déclarations que le ministre de l’Agriculture a faites au Parlement indien en juin 2006, on dénombre plus de 100.000 suicides de paysans pour la période 1998-2003. Cela signifie, qu’en moyenne, chaque jour, 45 paysans se suicident en Inde. [9]
La deuxième partie de la journée a été consacrée à la présentation détaillée de différentes luttes dans lesquelles sont engagés les délégués du Kerala, du Tamil Nadu et du Sri Lanka.
Campagne au Kerala contre les prêts de la Banque asiatique de développement (BasD)
Les délégués du Kerala ont présenté la campagne contre les prêts octroyés par la Banque asiatique de développement (BAsD) (l’action de la Banque asiatique de développement, tout comme celle de la Banque africaine de développement (BAfD) et de la Banque interaméricaine de développement (BID), complète l’action de la Banque mondiale). Déjà, les consultants de la BAsD (ADB en anglais) demandent des rémunérations importantes pour leurs travaux et une partie conséquente de l’argent destiné au projet file dans leurs poches. Les militants ont expliqué que les prêts de la BAsD servaient principalement à organiser la privatisation du secteur public de production et de distribution d’électricité (la BAsD demande le doublement des tarifs dans une phase dite de transition, celle qui précède la privatisation) ainsi que celle des transports publics en commun. Les prêts de la BAsD servent également à construire des autoroutes dans le cadre d’un partenariat privé - public. L’action des militants du Kerala rencontre un très large écho, aussi elle est très mal vue par le gouvernement du Kerala qui est composé depuis les dernières élections, par les deux partis communistes (le CPM et le CPI sont au gouvernement tout comme au Bengale occidental). Quand ils étaient dans l’opposition, ils avaient mené activement campagne contre les privatisations qu’ils organisent aujourd’hui, et particulièrement contre les prêts de la BAsD. L’action contre les privatisations est soutenue par un grand nombre d’organisations sociales et par des dissidents du CPM (ils en ont été exclus récemment suite à leur opposition aux privatisations) ainsi que par les jeunes du CPI. D’autres partis de gauche radicale soutiennent également la campagne.
Kerala (suite) : [10] La lutte contre Coca-Cola
Une usine de Coca Cola s’est installée en 1999 dans le Kerala, autorisée par un gouvernement de gauche puis soutenue par la droite après son accession au pouvoir. Jusqu’alors, la région ne connaissait pas de problème d’accès et d’alimentation en eau. Or, pour réaliser la production de quatre boissons pour le Sud de l’Inde (Coca, Fanta, etc.), l’entreprise a creusé six puits dont elle soutire, PAR JOUR, un million et demi de litres d’eau asséchant petit à petit la nappe phréatique.
Très vite après la mise en route de l’entreprise, les problèmes se sont précisés : eau imbuvable, riz puant le cadmium, nourriture pourrissant très vite, allergies de la peau, diarrhées, vomissements, pertes de cheveux, problèmes aux yeux ; augmentation de la salinité de l’eau, tarissement des puits des paysans entraînant une baisse drastique de la production de riz et noix de coco. Plus de 20. 000 ouvriers agricoles et petits paysans sont concernés. Coca Cola empêche la population d’avoir accès gratuitement à l’eau... pour lui vendre des bouteilles d’eau (Kinley). Les mobilisations, basées surtout sur la résistance des femmes adivasi, se sont étendues au Kerala, aux Etats voisins et même internationalement, ce qui a entraîné une décision de justice contre la transnationale. [11]
L’usine est donc fermée depuis trois années. C’est positif : d’un côté, l’action a payé. Malheureusement, d’un autre côté, Coca-Cola a ouvert une usine dans un autre Etat du sud de l’Inde en compensation. Et à 15 km de Plachimada, Pepsi-Cola a ouvert une usine de production sans soulever de résistances. Coca-Cola avait été en appel de la décision de justice non seulement au niveau de la fermeture de l’usine, mais surtout au niveau des réparations et des indemnisations que la transnationale serait amenée à payer. Ce serait un précédent extrêmement dangereux pour elle car elle pourrait subir les mêmes peines dans d’autres Etats de l’Inde ou ailleurs.
Luttes au Tamil Nadu
A Tuticorin, un fort mouvement d’opposition, comprenant plusieurs secteurs dont des jeunes étudiants, se dresse contre le fonctionnement d’une usine de cuivre Sterlight Industries. Cette usine était auparavant localisée dans l’Etat de Goa. Suite aux protestations populaires, elle a dû quitter cet Etat et s’installer au Tamil Nadu où les autorités l’ont accueillie les bras ouverts. La coalition des activistes a réussi à bloquer des navires qui amènent d’Australie les matières premières à traiter dans l’usine. Les leaders politiques proclament en public leur opposition au projet, vu son impopularité, mais en réalité ils le soutiennent. Des citoyens ont porté plainte contre l’entreprise et on attend en ce moment la sentence du tribunal. En effet, on y déplore déjà la mort de 9 ouvriers (les travailleurs de l’entreprise proviennent surtout de l’Etat du Maharastra) suite à des maladies provoquées par le traitement du cuivre (chiffres annoncés par la police). La forte dangerosité des produits est prouvée par le fait que, maintenant, vu le blocage des navires, ils sont acheminés par route : les convois sont accompagnés de voitures de police et d’ambulances.
Lutte contre le canal maritime du Tamil Nadu
George Gomez, [12] président du Syndicat démocratique des pêcheurs et des ouvriers de pêcheries (Democratic Fisher and Fishery Workers’Union) de Tuticorin au Tamil Nadu, explique que depuis deux ans s’organise une forte opposition des pêcheurs à la réalisation d’un canal de 274 km de long (12 mètres de profondeur et 300 mètres de large) permettant à des grands bateaux d’éviter le contournement du Sri Lanka. Ce canal doit être creusé dans le couloir marin naturel qui sépare les côtes du Tamil Nadu du Sri Lanka. Vu sa profondeur insuffisante sur une distance de 70 km, ce couloir est actuellement à l’abri du trafic des grands bateaux. Le canal devrait traverser le Golfe de Mannar qui est doté d’une faune et d’une flore particulièrement riches (3.268 espèces différentes dont 377 sont spécifiques au Golfe ; 600 sortes différentes de poissons). De plus, selon plusieurs scientifiques, le canal augmentera l’effet dévastateur de futurs tsunamis car les vagues trouveront moins d’obstacles sur leur chemin.
La vie de plusieurs centaines de milliers de pêcheurs et de leurs familles sera dramatiquement affectée par le creusement du canal et le trafic maritime qui en résultera. Dans leur lutte, ils doivent affronter un front uni des partis tant de droite que de gauche (y compris les deux partis communistes) qui sont favorables au projet. Les pêcheurs organisés pour la défense de leurs moyens de subsistance ne sont pas près d’abandonner la lutte.
Luttes des Adivasis du Tamil Nadu
Le peuple Adivasi ainsi que les tribals sont parmi les secteurs de la population les plus opprimés en Inde. Dans la plupart des cas, au cours de l’histoire, ils ont été expulsés de leurs terres originelles et confinés dans des espaces limités. Ils sont en marge du système indien des castes mais leur situation n’a rien à envier à celles des intouchables. Dans bien des cas, elle est même pire. Trois déléguées adivasi du tamil Nadu luttent pour la reconnaissance de leurs droits et la conquête de leur dignité. Dans la communauté dont elles font partie, les femmes vivent de la vente des paniers d’osier fabriqués pour les pêcheurs. Le tsunami de fin 2004 les a terriblement appauvris, ce qui fait qu’elles ne trouvent plus d’acheteurs d’autant plus que les paniers en plastique ont envahi les marchés locaux. Elles ne trouvent aucun secours auprès des autorités qui multiplient les obstacles à l’octroi de documents leur permettant d’accéder à des services sociaux dont elles sont jusqu’ici exclues.
Campagne nationale pour les ouvriers inorganisés
Une écrasante majorité des travailleurs indiens n’est pas organisée par le mouvement syndical. Dans différents Etats de l’Inde dont le Tamil Nadu, des comités de travailleurs inorganisés se sont créés. Ils organisent une grande concentration à Delhi du 19 au 24 mars pour la reconnaissance de leurs droits. Pour de plus amples informations contacter le National Campaign Committee for Unorganized Sector Workers (nccusw vsnl.net)
Pondichéry
Les entreprises profitent de la zone franche industrielle (free economic zone) pour produire pendant cinq ans sans payer d’impôts ; après quoi, elles délocalisent. Le processus de délocalisation se fait en chaîne : par exemple, Unilever avait une usine très polluante à Mumbai ; suite aux protestations populaires, ils ont délocalisé à Pondichéry et à Colombo (Sri Lanka). Quand il y a eu une grève à Pondichéry, les matières premières ont été acheminées à Colombo pour continuer la production.
La coordination des activistes « La voix des marginaux » lutte essentiellement contre un port dont la construction présente de multiples aspects négatifs : les nappes phréatiques sont polluées ainsi qu’un lac proche. En creusant le port (4 mètres de profondeur), il y a eu infiltration d’eau salée jusqu’à 10 km de la côte ce qui affecte non seulement l’eau mais les terres des paysans. Le coût de la construction est très élevé mais le port réalisé sera mis dans les mains d’une entreprise indienne privée. Le port sera accompagné de la création d’une nouvelle zone franche industrielle et l’ensemble du projet entraîne une spéculation sur les terrains (les entreprises achètent une parcelle aux paysans à 500 roupies et la revendent 10 fois plus cher). Des projets hôteliers font également monter le prix du terrain. L’activité portuaire et hôtelière défavorise l’activité des paysans, ils revendent leurs terres pour survivre mais cela ne suffit pas toujours : la vente d’un organe (rein...) est parfois l’ultime recours trouvé par tant de désespérés.
Vu le travail des activistes, le port reste actuellement fermé et les politiciens (le gouvernement qui a accepté le projet reçoit en récompense des commissions) font pression sur les paysans en leur faisant signer des pétitions demandant l’ouverture du port. Ce n’est pas une lutte facile, car une certaine confusion règne parmi les paysans et les pêcheurs qui ne présentent pas un front uni.
Sri Lanka
Linus Jayatilake explique le plan de mobilisation au Sri Lanka dont la première vague débutera le 1er mai 2007 et l’apogée se situera le 28 novembre 2007 avec le Congrès mondial des organisations de pêcheurs. Son organisation déplace son centre d’activité vers la campagne et, dans les semaines qui viennent, tiendra des réunions avec les ONG et les mouvements sociaux pour faire converger les agendas. Les thèmes centraux du plan de mobilisation sont l’éradication de la pauvreté, la critique du Plan de 10 ans du gouvernement (un plan négocié avec la Banque mondiale), la lutte pour le droit des peuples à l’accès aux ressources naturelles du pays et la souveraineté alimentaire.
Discussion sur les stratégies
La dernière partie du séminaire a été consacrée à une discussion sur les stratégies. On a notamment insisté sur la nécessité de proposer lors de chaque lutte de résistance les alternatives qui permettraient de trouver une solution au conflit. Nous manquons d’espace pour résumer ici les débats.
Réunion de travail du réseau CADTM
Les 14 et 15 mars, en marge du séminaire, VAK, représenté par Ajit Muricken, Sandeep Pendse et Sushovan Dhar s’est réuni avec Linus Jayatilake du Sri Lanka ainsi qu’avec Denise Comanne et Eric Toussaint du CADTM Belgique. Ils ont regretté l’absence du délégué pakistanais du réseau CADTM, empêché pour une question de visa refusé. Prolongeant des discussions entamées en 2006, ils se sont mis d’accord pour réaliser un plan pluriannuel d’action sur la dette et les IFI à développer en Asie du Sud (Pakistan, Inde, Sri Lanka, Bangladesh, Népal). Sushovan Dhar a présenté un document qu’il enrichira sur la base des discussions des 14 et 15 mars. L’objectif est de finaliser la rédaction de ce plan pluriannuel au cours du mois de mai 2007. Pour ce faire, Sushovan fera circuler en priorité dans de brefs délais le texte amendé suite à cette réunion pour tenir compte de l’opinion et des propositions des Pakistanais, membres du réseau CADTM. Les présents se sont mis d’accord pour tenir une nouvelle réunion autour du 28 novembre à Colombo (Sri Lanka) à l’occasion du Congrès mondial des organisations de pêcheurs qui sera l’occasion d’un grand nombre d’activités contre les politiques néolibérales. Ils ont envisagé de convoquer un séminaire pour l’Asie du sud sur le thème de la dette et des IFI également à Colombo en 2008. En effet, la présence simultanée des Pakistanais et des Indiens s’en trouvera facilitée (pas de problème insurmontable de visas).
Quelques chiffres concernant l’Inde tirés de la presse indienne
46.000 enfants disparaissent chaque année en Inde.
2/3 des personnes âgées « vivent » dans la pauvreté absolue.
1091 films ont été produits par Bolywood en 2006. Un record historique.
79% des enfants de moins de 3 ans sont anémiques.
37% des femmes mariées sont victimes d’abus sexuels de la part de leur mari. En 2005, chaque jour, 19 femmes étaient assassinées pour un conflit sur la dot.
L’Inde est dorénavant le pays asiatique qui compte, selon Forbes, le plus grand nombre de milliardaires (36 milliardaires qui disposent d’une fortune de 191 milliards de dollars). L’Inde a donc ravi la première place au Japon (24 milliardaires disposant de 64 milliards de dollars). Parmi les 5 personnes les plus riches au monde, figure en 5e position Lakshmi Mittal.
Entre 1996 et 2003, plus de 100.000 petits paysans se sont suicidés. La plupart à cause du surendettement. Cela fait un suicide toutes les 45 secondes.
Sources : The Week, 5-11 mars 2007, The Times of India, 12 mars 2007, Hindustan Times, 10 mars 2007, Forbes, mars 2007, Le ministre indien de l’agriculture, juin