BANGKOK — Des heurts entre armée et manifestants ont fait un mort et au moins huit blessés jeudi à Bangkok, dont un général thaïlandais renégat favorable aux « chemises rouges », victime d’une attaque par balle alors que le pouvoir a décidé de boucler la zone où sont retranchés les manifestants.
Khattiya Sawasdipol, alias Seh Daeng, très populaire parmi les « rouges » et de facto chargé des opérations de sécurité dans leur campement, a reçu une balle dans la tempe.
« Il est en train de subir une intervention chirurgicale à l’unité de soins intensifs de l’hôpital Hua Chiew », a précisé un porte-parole du service des secours de la capitale.
Le général Khattiya, 58 ans, n’avait pas caché ces derniers jours qu’il n’acceptait pas le plan de sortie de crise du gouvernement. Il a toujours assumé son lien étroit avec Thaksin Shinawatra, ex-Premier ministre en exil renversé en 2006 par un putsch, et dont se réclament de nombreux manifestants.
Un de ses aides de camp a affirmé à l’AFP qu’il avait été la cible d’un tireur embusqué.
« Le bouclage total (de la zone) a été mis en place depuis hier soir », a de son côté annoncé le porte-parole de l’armée, le colonel Sunsern Kaewkumnerd.
« Les responsables du réseau de la ville ont coupé l’électricité autour de l’intersection de Ratchaprasong la nuit dernière », a-t-il ajouté.
Selon la police, par ailleurs, cinq grenades M-79 ont été tirées devant le quartier de la finance de Bangkok où manifestants et forces de l’ordre se sont affrontés pendant environ deux heures.
L’armée a finalement ouvert le feu pour repousser des manifestants qui chargeaient, a témoigné un caméraman de l’AFP. Au total, sur l’ensemble de la soirée, un manifestant a été tué et au moins huit ont été blessés.
L’état d’urgence, décrété à Bangkok début avril, a été étendu à 15 autres provinces du Nord et du Nord-Est du pays, bastion des « rouges ». Une mesure qui ne faisait que confirmer combien le plan de sortie de crise du Premier ministre Abhisit Vejjajiva était désormais moribond.
Devant la détérioration de la situation, les Etats-Unis ont fermé leur leur ambassade. « Nous somme très préoccupés, nous surveillons très attentivement » la situation, a déclaré à Washington le porte-parole du département d’Etat, Philip Crowley, annonçant la fermeture de l’ambassade.
Peu après, le Royaume-Uni a lui aussi annoncé qu’il fermait sa mission diplomatique à Bangkok. « L’ambassade sera fermée demain », a déclaré à l’AFP à Londres une porte-parole du ministère britannique des Affaires étrangères.
Les « chemises rouges » ont exigé cette semaine, avant de se disperser, l’inculpation du numéro deux du gouvernement, Suthep Thaugsuban, qu’ils jugent responsable des violences du 10 avril (25 morts, plus de 800 blessés). Depuis, la situation ne cesse de s’aggraver.
Abhisit a annulé les élections anticipées qu’il avait proposées en novembre en échange de la fin du mouvement. Et l’armée a fait état de sa volonté d’envoyer des blindés pour prendre position autour du quartier, afin d’étrangler les « rouges ».
Le colonel Sunsern Kaewkumnerd, porte-parole militaire, avait averti que des « tireurs embusqués (seraient) déployés » et que l’usage de balles réelles serait autorisé en cas de menaces et contre des « terroristes armés ».
Officiellement, il ne s’agissait pourtant pas d’une dispersion par la force des manifestants, une opération très délicate dans ce quartier protégé par des barricades de bambous, de pneus et de barbelés tranchants, et dans lequel vivent des femmes et des enfants.
Les « chemises rouges » ont de leur côté lancé des appels au sacrifice.
« Si vous pensez que tirer sur Seh Daeng va nous faire peur (...), vous avez tort », a proclamé Jatuporn Prompan, l’un des principaux leaders. « Peu importe qui a les armes, cela ne signifie rien pour les militants de la démocratie comme nous. Nous ne partirons pas ».
« Nous nous battrons à mains nues contre des blindés et des armes automatiques », a-t-il ajouté, invitant les manifestants à utiliser leurs téléphones portables, pendant qu’il était encore temps, pour appeler du renfort.
La crise, la pire dans le royaume depuis 1992, a déjà fait 30 morts et près de 1.000 blessés depuis la mi-mars.
De Anusak KONGLANG (AFP)