Les défilés d’hier constituent-ils un succès ?
Olivier Besancenot. Ce 1er mai, C’est un premier round réussi dans le match qui s’annonce en faveur du maintien de la retraite à 60 ans. Mais c’est une journée qui appelle à des suites unitaires et radicales dans le courant du mois. L’urgence est d’établir un rapport de forces susceptible d’empêcher la réforme du gouvernement en construisant une mobilisation générale et prolongée des salariés.
Cela s’adresse à la CGT ?
A tout le monde. Si on lâche sur les retraites, alors le gouvernement aura les mains libres pour faire payer la facture de la crise à tous les salariés. Nous sommes donc partisans de la bataille unitaire la plus large.
Seriez-vous prêt à défiler au côté du PS et de Martine Aubry ?
Evidemment. En mars 2006, l’ensemble de la gauche politique et syndicale a bien réussi à faire reculer le gouvernement de Dominique de Villepin sur le CPE (contrat première embauche). Et si on recommençait ?
Si le PS a bel et bien arrêté son discours alterné· sur la retraite – un jour à 62 ans, un autre jour· à 60 ans –, alors oui, il n’y a aucune raison de ne pas lui tendre une main fraternelle. Le 6 mai à Paris, nous participerons avec Marie-George Buffet, Jean Luc Mélenchon et Cécile Duflot à un premier meeting commun pour sauver la retraite à 60 ans. Martine Aubry est la bienvenue à nos côtés.
L’unité dans les mobilisations est-elle plus facile aujourd’hui avec Aubry qu’hier avec Hollande ?
Jusqu’à présent oui. Avec Hollande, c’était le tout ou rien : soit on avalait leur programme, quitte à devenir un satellite du PS, et nous étions fréquentables, soit on refusait et nous étions les vilains petits canards. La direction actuelle du PS est peut-être un peu plus pragmatique.
Le ministre du Travail, Eric Woerth, a reçu François Bayrou, Martine Aubry, Marie-George Buffet et même Jean-Marie Le Pen. Pas vous : est-ce un regret ?
Franchement, le NPA ne gratte pas à la porte du ministère ... Même si cette concertation sur le dossier des retraites est la preuve que le gouvernement marche sur des œufs, Eric Woerth est dans l’affichage.
Une amende de 150 € pour punir le port du voile dans l’espace public, est-ce juste ?
Le problème n’est pas l’amende, mais l’utilisation politicienne qui en est faite. La burqa opprime les femmes, mais toute loi serait inefficace et injuste. Qui seraient les grands gagnants ? Les plus extrémistes à droite et les intégristes religieux. Les perdants, ce sont les 4 millions de musulmans qui vivent en France et qui se sentent stigmatisés.
Vous dites n’avoir aucune indulgence, mais le NPA a bien présenté une candidate voilée aux régionales…
Elle ne portait pas la burqua. Dans les quartiers populaires, nos militants mènent une bataille pied à pied contre toutes les formes d’extrémisme. Et je continue de penser que le NPA a été une victime collatérale d’une campagne raciste et islamophobe.
L’aide de 120 milliards d’euros à la Grèce va-t-elle dans le bon sens ?
C’est comme vider l’océan à la petite cuillère ... L’affaire grecque est une totale hypocrisie, Ceux qui ont conduit à la crise actuelle sont les mêmes qui aujourd’hui prétendent vouloir sauver le pays. Les vrais coupables du chaos ne sont pas les Grecs, mais ceux qui mènent des politiques libérales. Ceux qui, depuis des années et à l’échelle du monde, multiplient les cadeaux fiscaux et les aides publiques aux plus riches. Résultat, les déficits grimpent, l’Etat s’endette et se retrouve pris à la gorge par une poignée de spéculateurs qui imposent des taux d’intérêt exorbitants. Il faut des remèdes de choc pour en sortir : un service public financier qui ait le monopole du crédit Celui-ci serait capable de mettre au pas les banquiers et les spéculateurs.
Un scénario à la grecque est-il possible en France ?
C’est absolument envisageable. Il y a un effet domino en Europe. Contrairement aux discours officiels, la régulation promise par Nicolas Sarkozy a fait long feu. La France va droit dans le mur en klaxonnant.
Comment jugez-vous le plan d’austérité du FMI appliqué à la Grèce en contrepartie de son aide ?
Union européenne et FMI ont les mêmes remèdes : ils imposent au gouvernement grec de faire payer la facture à la population. Concrètement, ça veut dire baisse des salaires, recul de l’âge de la retraite. Comme quoi, les pouvoirs publics sont capables d’agir en matière de salaires, mais toujours à la baisse. Si le FMI avait basculé à gauche sous Dominique Strauss-Kahn, ça se saurait !
Martine Aubry propose aujourd’hui comme horizon la « société du bien-être » et du « care », c’est-à-dire du soin mutuel…
(Rires) Nous ne sommes pas des anti care (NDLR : se prononce comme antiquaire), mais, au-delà des slogans, qu’est-ce que c’est la société du bien-être ? Le projet du PS, ce n’est pas le partage des richesses, ni celui du temps de travail. Le NPA est le seul à défendre un programme de rupture. Pour financer les retraites, le conseil d’orientation des retraites parle, dans le pire des scénarios, de 3 % du PIB en 2050. Ce n’est rien comparé aux 17 % du PIB qui partent dans les profits, souvent en dividende pour les actionnaires.
Après les élections régionales, vous avez disparu…
Dans les médias, c’est exact, mais j’ai continué à intervenir sur le terrain des combats quotidiens. Nous avons subi un revers électoral. Il faut avoir l’humilité et la décence d’assumer l’échec, de le digérer, de le comprendre pour faire en sorte qu’il devienne un mal pour un bien.
Certains au sein même de votre parti vous accusent de sectarisme…
Les qualificatifs de ce genre ne règlent pas le problème .. Depuis la création du NPA, des erreurs il y en a eu, je les reconnais : notre stratégie d’alliances pas toujours lisible, notre programme pas toujours audible. Et puis on a joué de la personnalisation. Un peu trop à mon goût ...
Souhaitez-vous rester porte-parole du NPA ?
On verra. Cette question est à l’ordre du jour de notre prochain congrès prévu en novembre. Ce que je souhaite, c’est que la future direction du NPA fasse émerger plusieurs porte parole.
Propos recueillis par Eric Hacquemand