Le budget de la défense chinois affiche en 2010 sa plus faible progression depuis plus de dix ans : les autorités chinoises restent focalisées sur la croissance économique et la sortie de crise tout en continuant d’affirmer la nature purement défensive de leur armée.
Le budget de la défense a été fixé à 532,1 milliards de yuans (près de 57 milliards d’euros), soit une hausse de 7,5% par rapport aux dépenses réelles de 2009, a annoncé le porte-parole du Parlement Li Zhaoxing à la presse jeudi, à la veille de l’ouverture de la session plénière de l’Assemblée nationale.
Ce chiffre a créé la surprise chez nombre d’experts qui tablaient une fois de plus sur une bonne hausse à deux chiffres.
« Je pense que c’est la première fois depuis 1989 que le pourcentage d’accroissement (des dépenses militaires) n’est pas à deux chiffres », a commenté Dennis Blasko, un ancien attaché militaire américain en Chine.
En fait, depuis 1999, la hausse du budget s’est contenté de frôler les 10% une fois, selon de précédentes informations de presse.
Tai Ming Cheung, spécialiste des questions militaires chinoises à l’Université de Californie, met aussi l’accent sur la « réduction importante — environ la moitié de la hausse moyenne (...) depuis le début des années 90 ».
« Mais symboliquement le message passe que dans les temps de difficulté économique, l’Armée doit aussi se serrer la ceinture », ajoute-t-il.
« C’est un budget conforme à la situation économique, le budget de la défense a toujours été dépendant de la situation économique, or la croissance reste une préoccupation du gouvernement », renchérit un expert occidental, à Pékin.
Comme chaque année, Li Zhaoxing a répété que l’essentiel des dépenses irait à l’améliorer des conditions de vie des militaires et à la modernisation de l’Armée populaire de libération (APL), la plus grande armée du monde avec officiellement 2,3 millions d’hommes.
Il a aussi une nouvelle fois souligné que, rapportées au produit intérieur brut de la Chine, ces dépenses restaient « raisonnables » : autour de 1,4% ces dernières années, contre plus de 4% aux Etats-Unis, 2% en France ou au Royaume-Uni.
En outre, cela n’a pas empêché le budget de l’APL de quintupler depuis 1999, pour la plus grande inquiétude de certains pays occidentaux.
Les Etats-Unis en particulier ont par le passé souvent critiqué le manque de transparence du budget militaire chinois et la menace potentielle pour la sécurité régionale engendrée par les ambitions militaires chinoises.
Certaines dépenses militaires semblent être hors budget, selon des experts, qui évoquent des achats d’armes à l’étranger ou, l’an dernier, la première mission des forces navales chinoises loin de leurs côtes depuis plusieurs siècles, pour lutter contre les pirates au large de la Somalie.
« La Chine est engagée en faveur de la paix. Le seul but de sa force militaire est de protéger sa souveraineté et son intégrité territoriale », a répété Li Zhaoxing.
Pour Tai, la réduction annoncée est aussi peut-être « une branche d’olivier » tendue par la Chine à Taiwan en raison de l’amélioration récente de ses relations avec l’île rebelle, qu’elle veut à terme récupérer dans son giron. Même si Pékin a été furieux par l’annonce en janvier d’une énorme vente d’armes américaine à Taipeï (6,4 milliards de dollars).
« Sur le terrain cela ne va pas vraiment entraîner une réduction des efforts de modernisation, mais politiquement c’est utile », dit-il.
Pourtant « le budget n’est certainement pas aussi important que ce que les militaires auraient voulu pour la poursuite de la modernisation », relève pour sa part l’expert occidental, qui prévoit de difficiles arbitrages entre les différentes armes.