Le 6 décembre, de nouvelles élections ont eu lieu dans la province des Îles en Kanaky, suite à l’annulation par le conseil d’État du scrutin de mai dernier – pour irrégularités massives dans tous les bureaux de vote. Le Parti travailliste (PT), à l’origine du recours en annulation, a doublé le nombre de ses élus dans la province et obtenu un élu supplémentaire au congrès du Territoire. Avec une participation équivalente à celle de mai, le PT progresse de 5% en voix, avec plus de 23% des votes. Cerise sur le gâteau, les électeurs ont éliminé la liste UMP qui n’a aucun représentant dans son assemblée.
Avec une campagne claire pour l’indépendance de Kanaky en 2014 et contre l’immobilisme du FLNKS qui ne vise plus qu’à accéder à la « souveraineté économique », le PT a su déjouer les plans du gouvernement, de la droite et d’une partie des indépendantistes qui souhaitaient le faire passer pour un groupement de terroristes délinquants. Le conflit d’Aircal n’est pas loin et les syndicalistes de l’USTKE, dont son président Gérard Jodar, sont toujours emprisonnés au camp Est, un établissement qui « est le reflet de ce qu’il y a de pire en matière de conditions de détention », selon l’Observatoire international des prisons. La campagne du PT a permis de démonter avec succès la manipulation politique perpétrée à l’occasion d’un conflit syndical et qui visait le parti après sa percée aux élections provinciales de mai.
En remettant au centre du débat la lutte pour l’indépendance et la souveraineté économique, le PT a aussi mené une campagne anticapitaliste et pour une autre répartition des richesses. Le déséquilibre économique est au détriment de la province des Îles. Près de 50% de sa population est obligée de vivre sur la grande terre. C’est le résultat d’une politique qui concentre à Nouméa les hôpitaux, les maternités, les centres de formation, les universités, etc. Ainsi, les femmes doivent se rendre en avion à Nouméa pour accoucher, toute prise de sang est envoyée sur la grande terre, avec des résultats tardifs.
La politique du PT pour le territoire a aussi été développée. Le récent transfert de compétences de la France vers le territoire de l’enseignement illustre bien les limites de l’autonomie souhaitée par Paris et la droite localeavec la passivité des partis du FLNKS : les bâtiments et la gestion du personnel sont transférés, mais pas les programmes, ni la formation des enseignants et la validation des diplômes. La politique de colonisation de peuplement qui vise à mettre durablement en situation de minorité la population kanak se poursuit : 40000 métropolitains se sont installés depuis dix ans, pour une population de 250000 habitants en 1999. La protection de l’emploi local prévue par les accords de Nouméa est lettre morte, les jeunes kanaks passent systématiquement derrière les jeunes migrants diplômés et n’accèdent qu’aux emplois déqualifiés. À l’heure de la grand-messe de Copenhague, la colonie accèdera bientôt au top 5 mondial des émetteurs de CO2 par habitant et quasiment rien n’est fait pour que, d’ici la fin du siècle, ses îles ne deviennent inhabitables. Un autre modèle économique est indispensable et cela commence à être compris pas la population.
Bernard Alleton