Le président du Tribunal pénal international pour le Rwanda a été saisi par une chambre du tribunal arguant du manque de coopération de la France à transmettre une liste de personnalités politiques rwandaises réfugiées à l’ambassade de France de Kigali au début du génocide.
Dans une ordonnance du 13 novembre, la chambre numéro 3 du TPIR estime qu’elle « a épuisé » ses moyens d’obtenir cette liste des autorités françaises et en « réfère en conséquence au président du tribunal », Dennis Byron, une décision rarissime.
Les statuts du TPIR prévoient normalement que « lorsqu’une chambre de première instance et un juge sont convaincus qu’un Etat ne s’est pas acquitté d’une obligation (...), la chambre ou le juge peuvent prier le président d’en rendre compte au Conseil de sécurité de l’ONU ». L’ordonnance de la troisième chambre s’inscrit dans le cadre du procès de l’ex-ministre de la jeunesse Callixte Nzabonimana ouvert le 9 novembre. Sa défense a demandé à plusieurs reprises, directement, puis via le TPIR, que la France lui communique la liste des personnes réfugiées à l’ambassade de France du 7 au 11 avril, des précisions sur leurs allées et venues ainsi que la liste complète du personnel de l’ambassade.
M. Nzabonimana est accusé d’entente en vue de commettre le génocide, de génocide, d’incitation directe et publique à commettre le génocide, d’extermination et d’assassinats. M. Nzabonimana, qui clame son innocence, affirme pour sa part qu’il était réfugié à l’ambassade de France à Kigali du 7 au 11 avril.
En réponse à la dernière requête du TPIR, les autorités françaises avaient notamment transmis au tribunal un extrait de l’annuaire diplomatique de 1994 comprenant six noms. Dans son ordonnance, la chambre considère que la dernière réponse de la France « ne répond pas de manière adéquate aux questions posées ».
Le Rwanda a accusé à maintes reprises la France d’avoir exfiltré plusieurs personnalités impliquées dans le génocide, ce que la France a toujours nié. Selon le Rwanda, environ deux cents personnes avaient trouvé refuge à l’ambassade française dans les premiers jours du génocide, parmi lesquelles plusieurs personnalités du régime hutu et des membres de leur famille, dont certaines ont été poursuivies et condamnées pour génocide par le TPIR. 800 000 personnes, selon les chiffres de l’ONU, sont décédées lors du génocide perpétré principalement contre la minorité tutsie entre avril et juillet.
* LEMONDE.FR avec AFP | 19.11.09 | 14h50 • Mis à jour le 19.11.09 | 15h28.
Le Tribunal international pour le Rwanda échoue à confondre un acteur-clé du génocide
La Haye Correspondance
Ancien préfet et homme d’affaires rwandais, Protais Zigiranyirazo, alias « Monsieur Z », a été acquitté de génocide et crimes contre l’humanité, lundi 16 novembre, par la chambre d’appel du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) siégeant à Arusha (Tanzanie).
Le juge d’appel a estimé que ses collègues de première instance s’étaient « gravement fourvoyés dans le traitement des preuves ». Protais Zigiranyirazo, 71 ans, est donc libre et pourrait s’exiler en France ou en Belgique. Pourtant, la participation de Monsieur Z dans les crimes commis au Rwanda est majeure, selon plusieurs experts.
Mais l’homme agissait dans l’ombre de l’« Akazu », un cercle informel, constitué autour d’Agathe Kanziga, épouse du président Habyarimana, mort dans l’attentat contre son avion le 6 avril 1994, considéré comme l’élément déclencheur du génocide des Tutsi qui fit près de 800 000 morts.
S’il est avéré que Monsieur Z, l’un des 3 frères d’Agathe Kanziga, était un membre de premier plan de l’Akazu, soupçonné d’avoir planifié le génocide, les enquêteurs peinent à réunir les preuves de sa participation concrète aux massacres.
« L’INTELLECTUEL » DE L’AKAZU
Son acquittement est un grave échec pour le procureur du TPIR et pourrait rejaillir sur d’autres dossiers sensibles qui patinent en France et en Belgique. Ainsi, celui d’Agathe Kanziga, soeur de « Monsieur Z », qui fait l’objet d’une information judiciaire en France, ouverte en février 2007, après le rejet de sa demande d’asile par la Commission de recours des réfugiés. Le Conseil d’Etat vient de confirmer cette décision en estimant « sérieuses » les « raisons de penser qu’elle s’est rendue coupable d’un crime contre l’humanité ». Mme Habyarimana avait été protégée et évacuée par les forces françaises au début du génocide de 1994. Les associations de victimes souhaitent qu’elle soit jugée en France.
En Belgique, l’un de ses frères, Séraphin Rwabukumba, a longtemps été inquiété pour une affaire de détournement de fonds de la coopération sans que l’enquête ne permette l’ouverture d’un procès. En octobre, il a demandé la naturalisation belge.
Considéré comme « l’intellectuel » de l’Akazu, l’ex-ministre du plan Augustin Ngirabatware avait échappé à une tentative d’arrestation à Paris en 2001 en s’envolant, grâce à des complicités, vers le Gabon. Finalement interpellé en Allemagne en 2007, il est jugé par le TPIR. Quant à l’homme d’affaires Félicien Kabuga, lui aussi inculpé par le TPIR et en fuite, il se trouve au Kenya, a affirmé lundi 16 novembre, l’ambassadeur extraordinaire des Etats-Unis en charge des crimes de guerre Stephen Rapp. Ce que nie le Kenya, accusé de le protéger.
Début novembre, un membre éloigné de l’Akazu, Michel Bagaragaza, a été condamné à six ans de prison par le TPIR après s’être repenti. Mais un autre repenti, Juvénal Uwilingiyimana, a été retrouvé mort dans un canal de Bruxelles en 2005. Même en exil, le « clan » conserverait le pouvoir de dissuader des témoins.
Stéphanie Maupas
* Article paru dans le Monde, édition du 18.11.09. LE MONDE | 17.11.09 | 15h25 • Mis à jour le 17.11.09 | 15h25.