Partir de la Charte des principes de Porto Alegre...
Selon la Charte des principes de Porto Alegre (point1), le Forum social mondial est « un espace de rencontre ouvert visant à approfondir la réflexion, le débat d’idées démocratique, la formulation de propositions, l’échange en toute liberté d’expériences, et l’articulation en vue d’actions efficaces, d’instances et de mouvements de la société civile qui s’opposent au néolibéralisme et à la domination du monde par le capital et toute forme d’impérialisme, et qui s’emploient à bâtir une société planétaire axée sur l’être humain. »
Deux conclusions s’imposent donc immédiatement. La première est que le Forum social se tient sur une base politique qui, pour être large, n’en est pas moins précise : opposition au néolibéralisme, à la domination du monde par le capital, à toute forme d’impérialisme. La seconde est que, dans ce cadre, le Forum social doit remplir trois fonctions : débat d’idées démocratiques, formulations de propositions alternatives qui « s’opposent à un processus de mondialisation capitaliste, commandé par les grandes entreprises multinationales et les gouvernements et institutions internationales au service de leurs intérêt » (point 4), articulation en vue d’actions efficaces.
Le Forum social n’est donc pas un simple colloque sur l’état du monde, il est un moment militant dans un processus plus large.
A côté et à l’occasion des trois premiers FSM, se sont en effet mises en place d’autres rencontres spécialisés qui, tout en fonctionnant selon leurs règles propres, sont également des espaces d’échanges, de formulations d’alternatives aux politiques néolibérales, et de mise en place de stratégies pour les promouvoir. Ce sont, notamment le Forum mondial de l’éducation, le Forum mondial des autorités locales pour l’inclusion sociale, le Forum mondial des parlementaires, l’assemblée plénière des mouvements sociaux. C’est cet ensemble que l’on peut regrouper dans la catégorie « processus du FSM ».
De la même manière, le « processus du FSE 2003 » regroupe, à ce jour, outre le Forum social européen lui-même, un Forum européen des autorités locales, l’Assemblée européenne pour le droit des femmes et l’Assemblée plénière de ce que, dans un souci d’inclusion, nous appellerons « les mouvements et acteurs sociaux ». D’autres composantes sont susceptibles de s’agréger à ce processus. Elles ont toutes vocation à élaborer des propositions et des stratégies d’action.
La Charte précise bien en effet trois choses :
– le Forum en tant que tel n’est pas une entité délibérative (point 6) : « Les rencontres du Forum social mondial n’ont pas un caractère délibératif en tant que Forum social mondial. Personne ne sera donc autorisé à exprimer au nom du Forum, dans quelque édition que ce soit, des prises de position prétendant être celles de tous les participants. »
– En revanche, les entités qui participent au Forum ont toute latitude pour décider de toute initiative, campagne ou mobilisation citoyenne qui les engage, mais qui n’engage qu’elles (point 7) : "Les instances - ou ensemble d’instances - qui prennent part aux rencontres du Forum doivent donc être assurées de pouvoir délibérer en toute liberté durant celles-ci sur des déclarations et des actions qu’elles ont décidé de mener, seules ou en coordination avec d’autres participants.
– Le Forum, en tant que tel, a la responsabilité de faire connaître l’ensemble de ces initiatives (point 7) : « Le Forum social mondial s’engage à diffuser largement ces décisions par les moyens étant à sa portée » (Point 7).
Ce dernier point est absolument crucial, et il faut bien constater que les trois premiers FSM n’ont pas été en mesure de réaliser ce travail de diffusion des propositions et initiatives décidées dans son cadre. Une des tâches les plus importantes du FSE 2003 va donc être de pallier les carences des précédents Forums sociaux (et pas seulement du FSM) en se dotant d’un dispositif opérationnel de collecte et de diffusion de ces décisions.
... pour l’appliquer à la réalité européenne
Nous devons appliquer concrètement ces principes à la réalité européenne. Celle-ci présente trois caractéristiques particulières. D’abord l’existence d’une réalité institutionnelle, un « pseudo Etat », l’Union européenne (UE). Les décisions de l’UE surdéterminent, en effet, largement la vie quotidienne des citoyens, et ce d’autant plus que par ses critères d’adhésion et par ses diverses formes d’association, elle impose de fait des politiques ultralibérales aux autres pays notamment est-européens . L’existence de l’UE exige donc du mouvement altermondialiste qu’il avance des propositions précises et construise des mobilisations, prolongeant celles de Florence en vue de « s’opposer à la logique qui fait du marché et de la concurrence les éléments centraux de la construction européenne. » (Déclaration du Comité français d’initiative).
Ensuite, l’Europe est une des zones géographiques dans laquelle le mouvement altermondialiste s’est considérablement développé ces dernières années, et où il s’est inscrit durablement dans le paysage politique. Si ce mouvement n’a pas réussi à peser réellement sur les politiques de l’UE et des différents gouvernements, il est cependant entré en résonance avec les préoccupations des opinions publiques. Il a ainsi changé fortement la donne idéologique en permettant de mettre la pensée libérale sur la défensive. Il constitue la pointe la plus avancée d’une évolution en profondeur dans nos sociétés..
C’est cette force du mouvement qui explique, troisième caractéristique, l’élargissement auquel nous assistons actuellement. Des forces nouvelles font des pas vers le mouvement altermondialiste parce que celui-ci est devenu une réalité politique incontournable. L’ampleur de cet élargissement est certes différente suivant les pays, mais c’est un phénomène général.
Le FSE est donc à la fois un moment et un processus global avec plusieurs composantes : modalités de préparation et autres activités programmées. Chacune de ces composantes contribue aux deux tâches que les entités parties prenantes du Forum doivent prendre en charge : d’un côté, renforcer la fonction « échanges et débats », afin de permettre une meilleure intégration de ces entités dans le processus ; d’un autre côté, faciliter au maximum l’émergence d’alternatives et de mobilisations citoyennes. C’est à ce double objectif que répondent respectivement, d’une part les assemblées plénières, séminaires et ateliers constituant le Forum lui-même ; d’autre part les autres activités s’inscrivant dans le processus, et en particulier l’assemblée plénière des mouvements et acteurs sociaux.
Les plénières du FSE sont essentiellement des moments d’échanges et de confrontations entre les différentes forces engagées à des degrés variables dans le processus. Les séminaires et ateliers du FSE, organisés à l’initiative des forces qui le désirent, ont également, mais seulement pour partie, cette fonction : ils se doivent aussi de favoriser la mise en place de réseaux européens, d’élaborer des alternatives et d’organiser la tenue de campagnes de mobilisation sociale.
C’est ici qu’intervient la responsabilité majeure du Forum, déjà rappelée plus haut : assurer la diffusion en temps le plus réel possible des propositions et décisions d’action émanant des séminaires et ateliers. Ce point est d’un telle importance politique qu’il nous semble mériter la création d’un sous-groupe spécifique au sein du groupe de travail organisation.
L’Assemblée des mouvements et acteurs sociaux, à laquelle participent seulement les entités qui le désirent, permet de répertorier et de mutualiser des échéances de mobilisations et des décisions issues de séminaires du FSE. Elle favorise aussi l’organisation d’ actions communes aux réseaux qui le souhaitent. Comme cela a été le cas pour l’Assemblée plénière des mouvements sociaux tenue dans le cadre du processus du FSM 2003, et pour que nul ne mette en cause sa représentativité, le texte issu de ses travaux est soumis postérieurement à la signature de l’ensemble des entités participant au FSE.
La responsabilité de l’Assemblée européenne de préparation est de veiller à ce que ces fonctions différentes, dans un processus global dont l’assemblée plénière des mouvements et acteurs sociaux est une composante importante, puissent être assurées de manière optimale.
Il faudra, lors de l’Assemblée de Berlin, que soient discutées les modalités concrètes de préparation de l’Assemblée des mouvements sociaux.