Il y a 18 mois, démarrait un des plus longs conflits de l’histoire des luttes de travailleurs sans papiers. Restauration, bâtiment travaux publics, sécurité, nettoyage… tous les corps de métiers les plus pénibles et les moins bien rémunérés étaient touchés par un mouvement de grève sans précédent. Des grèves avec occupation, difficiles, souvent très longues (certaines ont abouti, il y a tout juste quelques jours !), des grèves pour l’égalité des droits, pour la dignité, pour l’obtention des fameux « papiers », qui ne sont pourtant que des autorisations provisoires à résider sur le territoire français afin de s’y faire exploiter.
Mais des papiers qui permettent de ne pas trembler au premier contrôle policier, de faire respecter ses droits de salariés. « On bosse ici, on vit ici, on reste ici ! Régularisation de tous les sans-papiers » demeure un slogan plus que jamais d’actualité, car si 3 000 dossiers ont pu être régularisés grâce à la grève, plusieurs centaines de milliers de sans-papiers, c’est-à-dire l’écrasante majorité, restent dans une situation d’extrême précarité.
Travailleurs au noir, salariés isolés dans de petites entreprises ou employés de services à la personne, intérimaires, rencontrent les pires difficultés pour rejoindre un mouvement collectif. Alors que les préfectures multiplient les blocages administratifs pour rendre quasi impossible de nouvelles régularisations, il est temps qu’une nouvelle vague de grèves, encore plus forte que la précédente, vienne remettre les pendules à l’heure.
Un tel mouvement, par la visibilité sociale qu’il donnerait à tous les sans-papiers, pourrait enfin apporter de réelles perspectives d’élargissement de la lutte pour l’égalité des droits, pour la liberté de circulation, contre la montée de l’intolérance et du racisme, et placer le combat sur un terrain directement politique. Les défaites, les renoncements à lutter, le repli individualiste ont laissé le champ libre à la droite pour imposer une idéologie policière, sécuritaire et raciste.
Les propos ouvertement racistes d’un Hortefeux n’ont pas suscité de riposte unitaire mais quelques réactions indignées, alors qu’une vraie gauche aurait dû mener campagne pour sa démission. La chasse aux Afghans tabassés par les flics, condamnés à l’errance dans un pays dont ils ignorent tout, fuyant leur pays en proie à la guerre impérialiste menée par l’Otan dont la France fait partie, nécessiterait une riposte d’ampleur.
Où sont les Sartre, les Foucault, les Deleuze, les Guattari, les Dérida d’aujourd’hui, capables d’entraîner avec eux cinéastes, écrivains et chanteurs ?
C’est pourtant un tel mouvement d’ampleur que nous devons viser à recréer, un mouvement politique et culturel capable de s’opposer à la droite dans les luttes tout en lui contestant son hégémonie culturelle.
Alain Pojolat
POUR LA RÉGULARISATION DE TOUS LES SANS-PAPIERS
« On bosse ici, on vit ici, on reste ici, régularisation de tous les sans-papiers », ce slogan demeure plus que jamais d’actualité. Suite à la grève de travailleurs sans-papiers, menée ces derniers mois avec le concours actif de la CGT, de Solidaires et d’autres organisations et associations, 3 000 dossiers ont été régularisés.
Mais, ils sont nombreux encore les travailleurs sans-papiers, dans des corps de métiers pénibles et mal rénumérés, à travailler non déclarés ou sous une fausse identité, avec comme conséquence une existence totalement précaire. Les blocages administratifs dans les préfectures vient encore rajouter des obstacles supplémentaires lorsque les dosiers de régularisation sont déposés.
La chasse aux sans-papiers qui continue, les propos racistes du ministre de l’intérieur, la tarque des réfugiés afghans à Calais, soulignent la nécessité d’un mouvement permanent de soutien aux sans-papiers.
Actuellement, le comité des sans-papiers du 75 occupe un immeuble rue Baudelique dans le 18e arrondissement de Paris.
C’est de ce lieu occupé que partira samedi, à 14h, la manifestation unitaire pour la régularisation de tous les sans-papiers, en direction du ministère de l’immigration et de l’identité nationale.
Le NPA sera présent à cette manifestation et appelle à y participer.
Le 9 octobre 2009
LA HONTE...
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Le 22 septembre a eu lieu l’opération médiatico-policière orchestrée par le ministre de l’Immigration, en présence de plus de 200 journalistes : l’évacuation et la destruction, à coups de bulldozers et de bûcherons, de la Jungle de Calais. 276 exilés afghans, dont 135 se présentant comme mineurs, ont été interpellés.
Les No Border ont tenté de s’interposer en faisant une chaîne humaine de protection autour des afghans.. Dans la violence, les cris et les larmes, les policiers procèdent à ce qu’ils n’ont pas peur d’appeler le « tri », de honteuse mémoire, entre mineurs, placés en foyer, et majeurs, menacés de retour forcé dans un pays en guerre. Le tout au grand soulagement de Natacha Bouchart, maire UMP de Calais, nullement choquée par la brutalité de cette rafle, et devant un Besson satisfait qui se félicite de « l’humanisme » de l’intervention.
Après les propos ouvertement racistes d’Hortefeux, cette opération de ratissage est un nouveau signal en direction de l’électorat le plus réactionnaire. Elle s’inscrit dans une série de surenchères racistes qui visent à stigmatiser les immigrés, pour en faire des boucs émissaires de la crise.
Après Sangatte...
Limite de l’espace Shengen, le littoral français est un passage obligé pour de nombreux étrangers en partance pour l’Angleterre. Ils sont plus de 67000 a avoir transité par Sangatte de 1999 à 2002.
Contrairement aux déclarations fanfaronnantes de Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, la destruction très médiatisée de l’immense hangar de Sangatte après 2002 n’a pas « réglé » le problème des exilés, qui se sont éparpillés dans des camps de fortune aux alentour de Calais. Cette région est devenue emblématique de la détresse des exilés. Organisés par nationalités, ce sont environ 1500 migrants qui s’entassent dans des « jungles », zones industrielles ou terrains boisés laissés à l’abandon, où ils construisent des abris rudimentaires et survivent dans des condition d’hygiène et de sécurité atroces, sous une pression policière permanente : réveil aux lacrymos, gazages des affaires personnelles, etc. La municipalité de Calais refuse même de construire des douches sur le campement afin d’ostraciser encore plus une population en souffrance.
C’est grâce à la mise en place d’un réseau de solidarité militante et citoyenne que les migrants ne sont pas totalement abandonnés. Parmi les plus actifs, le groupe des No Border qui milite pour la liberté de circulation, la fin des contrôles et des frontières, et qui installe, comme en juin 2009, des camps de sensibilisation et mobilisation autour des exilés, malgré une dissuasion policière oppressante et violente.
Les contrôles migratoires sont renforcés dans la région afin d’en chasser les étrangers, Irakiens, Afghans, Iraniens. Mais cette traque n’a pas l’effet escompté par les autorités, la plupart des interpellés n’étant pas reconductibles à la frontière. Relâchés au bout de 24 heures avec une injonction de quitter le territoire, ils reviennent régulièrement se réinstaller. Certains quartiers du Nord et de l’Est parisien sont devenus des lieux de transit.
C’est la véritable hypocrisie d’un État qui veut montrer qu’il agit, tout en étant conscient de la portée limitée de ses actes, et qui refuse de réfléchir aux causes profondes des migrations. Ce sont les mêmes gouvernements occidentaux qui bombardent l’Irak, l’Afghanistan et pourchassent ici ceux qui ont fui la misère et la mort.
Un exemple du traitement judiciaire des exilés....
Arrêtés après le démantèlement de la Jungle, les migrants ont été éparpillés en centre de rétention un peu partout en France, afin de les couper de leurs soutiens. Suite à la constatation de l’irrégularité de la rétention par les Juges de la détention et de la liberté (JDL), le Parquet fait appel de la demande d’annulation. 40 Afghans se retrouvent ainsi devant le tribunal de Nîmes. Se tient alors une parodie de justice (avocats débordés, interprètes incompétents, dossiers égarés) et refus de toutes les requêtes des Afghans, y compris celles de reconnaissance de minorité ou les demandes d’asile. Retour au centre de rétention avant expulsion vers l’Afghanistan.
On assiste à un traitement de masse avec procédure d’urgence, sans moyen pour un examen individuel des situations. Atteintes aux droits de la défense, non respect des procédures, erreurs préjudiciables aux droits des personnes, l’Europe Forteresse n’a pas fini de bafouer les Droits de l’homme.
Politique européenne d’immigration
Cette politique de chasse aux immigrés se mène à l’échelle européenne et un consensus unit aussi bien les gouvernements de droite que ceux dirigés par la « gauche ». L’Europe a mis au point une série d’outils pour contrôler les flux migratoires et rendre hermétique et dangereux l’accès à ses frontières (Frontex, Eurodac, Dublin II). Cette politique de contrôle de l’immigration est malheureusement partagée par la majorité du PS. Cet été, c’est Delanoë qui faisait expulser les exilés du 10eà Paris, « pour leur bien ». Cette politique est cynique car aucune solution n’est offerte aux migrants qui, quelques jours plus tard, se sont à nouveau rassemblés, après avoir subi les violences et humiliations policières. Ni le « médiatique » Jack Lang (député de la région) ni le PS ne se sont montrés aux côtés des migrants .
Au contraire, le NPA veut construire la résistance, nous faisons tout pour stopper cette politique. Il faut faire converger les différents réseaux (No Border, RESF, collectifs sans-papiers, syndicats, partis…) dans un vaste mouvement pour la régularisation de tous les sans-papiers, l’arrêt immédiat de toute la chasse aux immigrés et la liberté de circuler. La manif unitaire au départ du ministère de la Régularisation de tous les sans-papiers est une étape importante de la mobilisation. Descendons tous dans la rue le 10 octobre pour dire stop à cette politique raciste !
Gisèle Felhendler, Antoine Boulangé
Lien vidéo
_ : http://www.dailymotion.com/user/megaphone01/video/xa56r4_violences-policieres-envers-les-mig_news
* Paru dans « TEAN » n° 24 (01/10/09).