Berlin Correspondante
Les sociaux-démocrates allemands (SPD) sont entrés dans une nouvelle phase de turbulences. Sonné par la débâcle subie aux élections législatives du 27 septembre, le parti cherche désespérément les moyens de rebondir. D’abord, se réorganiser : mardi 29 septembre, les députés SPD ont élu le candidat malheureux à la chancellerie, Frank-Walter Steinmeier, comme chef du groupe parlementaire. Le ministre des affaires étrangères sortant prend donc la tête de l’opposition contre la chancelière Angela Merkel, qu’il n’a pourtant pas réussi à faire vaciller d’un iota lors du scrutin.
Cette mise en rang ne masque pas les tensions. De nombreuses voix réclament un « processus de renouvellement », notamment à la direction du parti. Le patron du SPD, Franz Müntefering, tenant de l’aile réformatrice comme M. Steinmeier, a l’intention d’abandonner son poste lors du congrès, mi-novembre. « On devrait mettre en avant ceux qui sont en mesure de développer des alternatives en termes de programme », a exhorté Björn Böhning, porte-parole de la gauche du parti. Sous-entendu : il faut en finir avec l’héritage des réformes de l’ère Schröder et solder l’époque des compromis avec les chrétiens-démocrates (CDU), qui ont coûté si cher au SPD.
Depuis les élections législatives de 1998, le parti a perdu 10 millions d’électeurs. Avec 23 % des voix, il a enregistré, dimanche, son pire score depuis soixante ans. Selon les enquêtes publiées après le scrutin, une bonne partie de son électorat traditionnel s’est réfugiée dans l’abstention. Beaucoup sont partis chez les Verts, et surtout chez Die Linke, le parti de la gauche radicale.
Avides de se sortir de la crise idéologique dans laquelle ils sont plongés, nombre de sociaux-démocrates plaident pour un vrai virage à gauche. Jusqu’ici exclue par M. Steinmeier, la question d’une alliance au niveau fédéral avec Die Linke revient en force. « Je plaide pour que ce tabou disparaisse », a décrété le maire de Berlin, Klaus Wowereit, qui gouverne la capitale en coalition avec la formation d’Oskar Lafontaine, composée de déçus de la social-démocratie et d’anciens communistes de l’Est. Sans une alliance à trois rouge-rouge-verts, les chances pour le SPD de revenir au pouvoir sont minces.
Une force d’alternance
Le parti a désormais quatre ans pour se recomposer en force d’alternance. De retour dans l’opposition, il pourra tenter de se profiler à nouveau face à la coalition de droite au pouvoir sur plusieurs thèmes : le rallongement de la durée de vie des centrales nucléaires voulu par la CDU et les libéraux ; les mesures d’économie dans les budgets sociaux ; peut-être l’engagement militaire en Afghanistan... Au risque de s’aliéner ses électeurs du centre, il prendra sans doute un peu plus ses distances avec les réformes sociales qu’il a lui-même portées.
D’ici à 2013, le SPD devra aussi se trouver un chef de file incontesté. Le peu charismatique Frank-Walter Steinmeier ? D’autres noms circulent déjà tel Sigmar Gabriel, ministre de l’environnement sortant et candidat probable à la présidence du parti, ou Andrea Nahles, ténor de l’aile gauche.
Marie de Vergès