Sur le chantier de rénovation de la centrale EDF de Porcheville (Yvelines), environ 500 salariés d’horizons et de statuts divers sont amenés à se côtoyer, dont des salariés détachés de l’Union européenne : environ 40 chaudronniers ZREV, entreprise polonaise sous-traitante d’Alstom, sont ainsi présents.
Début décembre 2005, la CGT s’adresse aux salariés polonais par un tract dans leur langue qui énumère leurs droits conformément au code du travail et rappelle la victoire remportée par leurs compatriotes de Saint-Nazaire. L’équipe syndicale découvre des conditions de salaires et de vie d’un autre âge, digne de l’esclavage, des salaires de deux à trois euros de l’heure, des conditions de logement indignes : un simple matelas par terre, deux personnes par chambre dans une cité HLM d’Évreux.
Les contacts se nouent difficilement, car une pression terrible interdit aux Polonais de communiquer sur leurs conditions de vie. L’union locale CGT se rapproche alors du syndicat de Saint-Nazaire, qui lui fait part de son expérience et transmet des documents. Les structures fédérales CGT énergie échangent avec le syndicat de la centrale de Cordemais (près de Nantes), qui a connu un chantier du même type. La CGT Alstom et les élus au comité d’entreprise européen (CEE) d’EDF aident à la mise en relation des Polonais avec les élus Solidarnosc au CEE, à l’occasion de leur retour au pays pour la fin d’année. Dans le même temps, les directions EDF sont interpellées. Elles font l’autruche et ne répondent pas aux sollicitations qui demandent des précisions sur les conditions d’emploi. Des contacts sont pris avec l’inspection du travail.
Début janvier, la CGT possède des preuves tangibles. Reste à déterminer une stratégie pour faire éclater le scandale, tout en protégeant les salariés des représailles. La CGT met en place un collectif syndical, qui se réunit le 19 janvier, comprenant le syndicat EDF, les fédérations mines-énergie, métallurgie, construction, la confédération, le syndicat Alstom et l’interprofessionnelle locale. C’est une première. Le but est de défendre les revendications de tous les salariés, de dénoncer le dumping social et d’organiser les actions nécessaires. Une conférence de presse est décidée afin de dénoncer la sous-traitance en cascade et les conditions faites aux salariés :
– conditions d’accueil : par manque de vestiaires, certains salariés se changent sur le parking au « cul de la bagnole » ; d’autres dorment dans leurs véhicules (l’hôtel est trop cher) ;
– conditions de travail, avec le non-respect de la législation sur certains des nombreux chantiers amiante de la centrale ; dumping social.
Le mercredi 1er février, la CGT dénonce « le dumping social organisé par certaines sociétés comme Alstom et couvert par la direction EDF, qui fait que des salariés de l’Union européenne viennent travailler sur ce chantier dans des conditions sociales et d’hébergement indignes de notre temps. C’est l’application avant l’heure de la directive Bolkestein que la CGT rejette justement ». La CGT exige que tous les salariés soient traités sur un même pied d’égalité, conformément au code du travail et aux conventions collectives. Elle met fermement en garde les directions contre toute velléité de représailles. Elle demande la tenue d’une table ronde à la préfecture et n’exclut pas le recours aux prud’hommes, voire au pénal, le délit de marchandage étant une infraction pénale. Les patrons risquent deux ans de prison et jusqu’à 30 000 euros d’amende.
Après la conférence de presse, Alstom fait livrer 40 lits au domicile des Polonais ! Le combat continue pour que l’ensemble des contrats de travail soit reconduits et payés depuis le début, suivant la convention collective de la métallurgie. Mardi 14 février au matin, un blocage du site est organisé, avec une assemblée générale de tout le personnel.