Tokyo Correspondance
Parmi les thèmes qui ont animé la campagne électorale pour les élections législatives du 30 août, il en est un qui s’est imposé dans les débats : la natalité. En effet, le taux de fertilité au Japon a péniblement atteint 1,37 en 2008, contre 1,26 en 2005. « Il faudrait qu’il soit à 2,07 pour assurer le renouvellement de la population », note Tsukasa Sasai, de l’Institut national de la population et de la sécurité sociale (IPSS). Car, depuis 2005, la population de l’archipel, qui comptait 127,6 millions d’habitants en 2008, décline. Cette tendance, si elle se poursuit (la prévision pour 2009 est de 127,4 millions d’habitants), ne manquera pas de menacer l’économie nationale.
Conscient du problème, le Parti démocrate du Japon (PDJ) a fait de son projet d’allocation mensuelle de 26 000 yens (193 euros) pour chaque enfant, de la naissance à la dernière année collège, une mesure phare de son programme. Outre le souci de redonner confiance en l’avenir, ce projet révèle la conscience des Japonais des implications matérielles qu’entraîne l’arrivée d’un enfant. La plupart des Japonais savent que l’éducation, de la naissance à la sortie de l’université, leur coûtera en moyenne 29,5 millions de yens (219 400 euros).
Ils savent aussi que pour avoir un enfant au Japon, on passe traditionnellement par la case mariage. (seuls 2 % des enfants naissent hors mariage). Or, en 2005, plus d’un tiers des hommes et femmes entre 30 et 34 ans étaient célibataires. Car parler mariage dans l’archipel montre à quel point il s’agit plus d’un acte raisonné que de l’aboutissement d’une histoire d’amour. Le magazine Aera observait en novembre 2008 que 55 % des femmes célibataires exigeaient que leur futur mari gagne au moins 8 millions de yens (59 500 euros) par an. Un critère rempli par 15 % des hommes.
SANS ALLER PLUS LOIN
Confrontés à ces exigences, les jeunes hommes, premiers touchés par le chômage et la précarité, semblent démunis. En 2008, selon une enquête de la Fondation pour l’avenir des enfants, 56 % des hommes célibataires entre 25 et 34 ans estimaient qu’ils n’étaient « financièrement pas prêts à se marier ».
A cela s’ajoute une évolution des modes de vie qui semblent éloigner les deux sexes. Beaucoup de jeunes femmes travaillent et profitent d’une certaine indépendance. Elles voyagent entre elles. Les hôtels disposent d’étages pour femmes où elles bénéficient d’attentions particulières. Des lieux de divertissement, tels les onsen (« eaux chaudes »), leur sont réservés.
Dans le même temps, nombre d’hommes semblent tomber dans une sorte d’indifférence à l’égard des femmes. Il s’agit des « herbivores », ainsi que l’éditorialiste Maki Fukasawa les a baptisés. En opposition au « carnivore », qui croquait la vie et les cœurs dans le Japon des années de forte croissance, l’« herbivore » n’a pas d’ambition et considère la femme comme son égale, voire en amie, sans aller plus loin. Pour Mme Fukuzawa, 20 % des hommes entre 20 et 40 ans seraient des « herbivores ».