Moscou Correspondance
L’assassinat de Zarema Sadoulaeva, directrice de Sauvons la génération, à Grozny, lundi 10 août, compromet encore davantage encore le travail des associations humanitaires, des organisations non gouvernementales (ONG) et des mouvements de défense des droits de l’homme en Tchétchénie. Le meurtre, le 15 juillet, à Grozny également, de Natalia Estemirova, dont les positions contre le régime de Ramzan Kadyrov étaient tranchées, pourrait s’expliquer par le caractère politique de ses activités professionnelles. Celui de Zarema Sadoulaeva, dont l’ONG s’occupait des jeunes Tchétchènes, notamment des adolescents amputés lors de la guerre, laisse entendre que toutes les organisations, peu importe leur domaine d’activités, peuvent être sous la menace.
Au lendemain de la mort de Natalia Estemirova, l’association de défense des droits de l’homme Memorial, dont dépendait la militante, avait annoncé la « suspension » de ses activités en Tchétchénie pour « une période indéterminée ». Pour Alexandre Tcherkassov, responsable de Memorial à Moscou, « l’assassinat de Zarema Sadoulaeva ce lundi montre que notre décision (de suspendre les activités de l’association) était malheureusement la bonne. Même les organisations indépendantes, apolitiques, sont désormais visées. Notre travail est maintenant trop dangereux en Tchétchénie, il met en danger la vie de nos collègues sur place. Il est impossible pour nous de travailler en Tchétchénie sans risquer la vie des autres. »
« Evaluer les risques »
« Seules les ONG locales qui sont sous le contrôle du gouvernement pourront désormais travailler en Tchétchénie », estime Tatiana Lokchina, de l’organisation Human Rights Watch à Moscou. Les organisations internationales, pour la plupart, se sont retirées de Tchétchénie depuis la fin de la guerre. Quelques-unes maintiennent des programmes sur place, en soutenant des organisations locales. « Nous allons devoir revoir notre façon de collaborer avec nos partenaires sur place, notre façon de travailler dans la République. Comment ne pas exposer nos partenaires locaux ? », s’interroge la responsable européenne d’une ONG internationale qui effectue régulièrement des missions en Tchétchénie. « Il faut désormais évaluer les risques de chaque déplacement, même pour aller boire un café à Grozny avec un collaborateur. »
La rédaction du journal d’opposition Novaïa Gazeta, où travaillait la journaliste assassinée Anna Politkovskaïa, a également annoncé qu’elle cessait d’envoyer des journalistes en Tchétchénie, « pour une période indéterminée ». « A l’instar de plusieurs organisations internationales de défense des droits de l’homme, d’ONG et d’associations humanitaires, nous avons pris la décision de suspendre nos activités journalistiques en Tchétchénie », indique l’édition du mercredi 12 août.
Le site de l’ONG Memorial, en russe et en anglais : www.memo.ru