« Les accidents ne se produisent pas chez eux par hasard » pourrait être leur nouveau slogan. Hier, un nouvel accident s’est produit sur un site appartenant à Total (l’usine Total Petrochemicals de Gonfreville-l’Orcher), une semaine après une fuite d’ammoniac, rajoutant à la liste déjà longue des accidents connus par le groupe, ne serait-ce que depuis le début de l’année.
• Le 5 janvier 2009 : intoxication sur le site de la Mède, 1 mort
• Le 29 janvier 2009, nouvel accident dans une raffinerie du nord de la France : une explosion dans un atelier de maintenance à Mardyck fait un mort et 5 blessés.
• Le 15 juillet, explosion sur le site de Carling : 2 morts, 6 blessés
• Le 16 juillet, fuite de pétrole lourd dans la raffinerie de Gonfreville l’Orcher : http://tinyurl.com/mesdq6
• Le 22 juillet, usine GPN Grande Paroisse du groupe Total de Grandpuits (Seine-et-Marne) : fuite d’ammoniac, 350 personnes évacuées, 31 ont reçu des secours, 12 ouvriers hospitalisés ;
Pour Marc Sénant, Chargé de mission « Risques Industriels » à FNE : « Avec un pareil palmarès, il n’est pas possible de se contenter d’invoquer la malchance. Il y a visiblement un sérieux problème de politique de sécurité chez Total, qui doit être revue et corrigée au plus vite. »
Encore, cette liste ne tient compte que des seuls incidents connus du grand public (à titre d’exemple, voir les incidents sur Carling : http://tinyurl.com/motpmj), et intervenus sur le seul territoire national.
Pour Raymond Léost, administrateur de France Nature Environnement : « Cette série d’incidents fait apparaître un climat d’insécurité environnementale et sanitaire inacceptable qui doivent conduire les pouvoirs publics à prendre des mesures immédiates, pour éviter tout nouvel accident technologique bien connu chez le Groupe Total. »
Par ailleurs, les circonstances sont souvent les mêmes. Pour Claude Barbay, vice président de HNNE , chargé des risques : « Encore une fois, nous sommes face à un accident où la sous-traitance est mise en cause. Les opérateurs qui intervenaient ne faisaient pas partie de l’usine, ils ont donc une connaissance limitée des dangers du site. Même si l’on nous assure que leur formation aux risques est équivalente à celle d’opérateurs directs, la réalité nous démontre trop souvent le contraire. »
L’urgence d’une « police verte » :
Compte tenu de tous ces éléments, FNE demande :
– un renforcement immédiat des inspecteurs des Installations Classées, obtenu au Grenelle mais qui doit être d’effet immédiat.
– une politique complémentaire de surveillance par groupe industriel et non plus seulement site par site.
– à ce que le ministère saisisse les préfets pour imposer un contrôle détaillé, par un organisme extérieur au groupe, de TOUS les éléments de sécurité, qu’ils soient majeurs ou mineurs, des installations détenues par Total.
Mercredi 05 Août 2009
Accidents sur des sites Total : la loi des séries…continue…mais était prévisible.
Hier soir, sur sa raffinerie de Gonfreville l’Orcher, Total a encore accusé un nouvel incident : une fuite de pétrole lourd s’est produite dans un bac de rétention qui peut contenir 57.000 m3 de pétrole. Site sur lequel des manquements graves ont été observés dès 2005.
Sans plus attendre, France Nature Environnement demande à ce qu’une action coup de poing soit menée par l’inspection des installations classées sur l’ensemble des sites appartenant à Total en France, ainsi que de ses filiales. La prévention doit être de mise !
Total* est effectivement trop souvent présent à la rubrique des « faits divers ».
• En 2008, une canalisation rouillée de la raffinerie de Donges laisse s’échapper quelques 400 tonnes de fioul lourd dans l’estuaire de la Loire.
• En janvier 2009, un salarié décède d’une intoxication à l’hydrogène sulfuré à la raffinerie de La Mède, suivi quelques jours plus tard par l’accident de la raffinerie près de Dunkerque (un mort, cinq blessés).
• Plus récemment, l’accident de Carling qui a fait 2 morts et six blessés. Site de Carling dont les rejets « accidentels » se suivent et se ressemblent depuis 2005 (voir notre CP d’hier). Hier une fuite de fioul a donc eu lieu sur un site posant déjà problème. Heureusement que l’évènement redouté ne s’est pas réalisé.
Une situation critique depuis 2005
Pour Annie Leroy, de l’association « Ecologie pour le Havre », membre de FNE : « Ce site de Gonfreville l’Orcher fait l’objet d’une attention particulière de la DREAL, qui a fait état de conclusions édifiante suite à une visite en 2005. A l’époque déjà, la situation était critique et nous avons évité le pire. »
Voici par exemple des extraits des conséquences possibles, pour l’administration, de la violation des règles de prévention des risques, précisément sur ce site (issu d’un procès verbal du 11 février 2005) : « Des tests de remplissage des cuvettes à l’eau ont montré…que l’étanchéité exigée…est toujours défaillante pour les cuvettes suivantes… » (dont une fuite a pour cause l’absence de rebouchage d’un trou après des travaux qui datent à l’époque de plus de…3 ans).
L’inspection continue en faisant état de faits aggravants : « Le peu de réactivité dont a témoigné l’exploitant n’est évidemment pas en rapport avec le potentiel de danger que représente cette unité. Sur le plan technique, la défaillance d’une cuvette de rétention entraînerait la création d’une nappe (de GPL) libérant un nuage explosible sur une surface trop grande et de fait non maîtrisable. »
En outre, les travaux nécessaires pour garantir la sécurité ne représentait « que quelques jours de maçonnerie » et serait « peu coûteuse financièrement ».
Repenser la prévention et la politique de groupe de Total
Pour Raymond Léost, administrateur de FNE : « Sur le plan des écarts à la réglementation, Total est trop souvent présent, ce qui est d’autant plus choquant de la part d’un groupe qui dégage des bénéfices records au plan mondial. Les choses doivent être repensées dans ce groupe en matière de politique de prévention, sans plus attendre. »
Au regard de l’ensemble de ces éléments, France Nature Environnement demande à ce que la puissance publique n’attende pas de nouveaux drames et fasse un état des lieux des installations détenues par Total et ses filiales sur le sol français.
* Précision : L’accident de Carling a eu lieu dans un site appartenant à Total Petrochemical France (TPF), ex Atochem, ex ATOfina, distincte de Total Raffinerie (accident de fuite pétrole lourd).
20 juillet 2009
Accident technologique à Carling : une loi des séries inquiétante
Hier s’est produit un nouvel accident industriel faisant 2 morts et 6 blessés sur un site SEVESO appartenant à Total. 8 ans après AZF, cet évènement tragique démontre à nouveau combien le risque est réel et combien les efforts doivent s’intensifier concernant la prévention du risque industriel.
Pour Michel Kaspar, président de l’association ADELP* : « Au-delà de la multitude d’incidents qui se répètent sur ce site depuis des années, et de la nécessité de réparer les dégâts, c’est toute la gestion de ce site qui est à revoir à la lumière de ce nouveau drame. Entre la vétusté des installations, le manque de formation ou de qualification des personnels intervenant sur ces ateliers hautement sensibles, la défaillance des systèmes d’alertes, les points noirs s’accumulent. »
En effet, depuis plusieurs années, ce site est l’acteur principal d’une pièce tragique où les évènements se succèdent à un rythme effréné :
– 24 juin 2005, Incident à l’atelier « Polystyrène » : rejet de 6 tonnes de styrène dans l’air (bien au dessus du seuil de risque pour les populations riveraines).
– 8 janvier 2006 : Rejet de plus de 4,4 tonnes de Benzène (un des solvants les plus cancérogènes...) dans l’air
– 14 février 2007 : rejet d’hydrocarbures dans l’air (6 tonnes dont 300 kg de Benzène à nouveau)
– 6 novembre 2008 : rejet d’hydrocarbures, pollution des sols caractérisée, suite à un problème sur la ligne 1 du vapocraqueur
Pour Marc Sénant, chargé de mission Industrie de France Nature Environnement, la puissance financière de Total n’a d’égal que la fragilité de sa politique de prévention : « Entre l’accident de Donges (rejet de 400 tonnes de fioul lourd), les récents accidents de janvier dans une raffinerie du groupe près de Dunkerque (1 mort, 3 blessés graves) et de La Mède (1 mort), les accidents à répétition sur le site aujourd’hui en cause, et ce drame, force est de constater que nous sommes face à un multirécidiviste de la négligence ! »
Cet accident démontre à nouveau combien les paramètres du risque sont difficiles à maîtriser, voire à identifier.
Entre l’importance du facteur humain et organisationnel (fatigue, répétition des tâches, manque de formation, etc.), des investissements dans la sécurité et de l’inconnue scientifique dans ce domaine en particulier, il faut faire preuve d’une grande humilité et conférer une place sans doute plus importante qu’ailleurs au principe de précaution.
Pour Raymond Léost, administrateur de France Nature Environnement : « La prévention des risques industriels n’a pas toujours constitué la préoccupation première de Total, notamment pour gérer ses installations de raffinerie au Havre. D’ailleurs, deux de ses dirigeants ont été condamnés pour des manquements graves à la sécurité par les tribunaux répressifs du Havre en 2007 (1er Octobre et 4 décembre). Actions en justice dans lesquelles FNE et son association membre « Ecologie pour le Havre » étaient parties civiles. »
Le 1er septembre prochain, Total est convoqué devant le tribunal de police de St Avold, suite à une action en justice de FNE pour infraction à la législation des installations classées sur cette plate-forme de Carling.
Jeudi 16 Juillet 2009
* Association pour la défense de l’environnement et la lutte contre la pollution.