Pourquoi avez-vous quitté les Verts ?
Martine Billard – J’ai un désaccord grandissant autour du positionnement politique global des Verts, notamment tel qu’il s’est manifesté au travers des listes Europe Ecologie aux européennes. J’ai un désaccord avec Daniel Cohn-Bendit, qui veut faire des alliances politiques à droite comme à gauche. Avant 1994, les Verts avaient une position de « ni ni », ni à droite ni à gauche ; maintenant, ce serait une position « et », et à droite et à gauche, en fonction des accords sur les questions environnementales. Or, on ne peut se battre pour l’environnement et oublier le social.
Le deuxième point de divergence porte sur la conception de l’écologie politique. Entre une écologie d’aménagement du système et une écologie de transformation du système – c’est un vieux débat chez les Verts –, les Verts ont tranché. Que les listes Europe Ecologie aient fait un bon score, c’est une bonne chose pour l’écologie, parce que cela participe à une prise de conscience. Mais, derrière, le projet politique à plus long terme vise à positionner les Verts au centre, un peu comme les Grünen en Allemagne. Or, moi, je reste attachée à une écologie de transformation sociale.
Il faut faire de l’écologie et du social, conjuguez ces deux aspects. Je prends souvent l’exemple des éoliennes : on doit autant se soucier du développement des éoliennes que des conditions de travail des salariés qui les fabriquent ! Il y a des Verts qui s’impliquent dans cette combinaison – cela fait seize ans que je joue à ça –, c’est la gauche des Verts. Mais, si on excepte ces militants, les Verts ne s’impliquent pas en tant que parti dans la transformation sociale. C’est le bilan global qu’il faut considérer. Donc je prends mes responsabilités et je démissionne. Au dernier congrès, je me sentais déjà mal à l’aise, et je n’avais pas souhaité faire partie du conseil national des Verts.
Les Verts sont-ils pris au piège des institutions ?
Le problème vient avant tout du fait que les Verts forment un parti qui a beaucoup d’élus par rapport au nombre de militants. Quand on est élu, on se noie dans ce qu’on fait et, si on ne peut pas s’appuyer sur un bon nombre de militants, on entre dans la gestion au quotidien. Après, tout dépend : soit on est dans la majorité, soit on est dans l’opposition. Dans l’opposition, c’est plus simple : on s’appuie sur les réseaux associatifs, syndicaux et autres. Dans un exécutif, les problèmes existent ; mais qui ne prend pas de risques ne risque rien. Il faut un ratio entre militants et élus (comprenant leurs salariés) le plus élevé possible, sinon cela donne un poids trop fort aux élus - c’est ce qui se passe au PS et aux Verts - et la dérive est possible.
Comment jugez-vous la situation politique ?
Sur l’analyse de la situation politique, j’avais déjà une divergence avec les Verts : ils ne comprenaient pas ce qu’était Sarkozy ; pour eux, c’était la droite habituelle. Or Sarkozy, c’est autre chose : c’est la droite décomplexée et ultralibérale, décidée à imposer ses « réformes », en cassant la protection sociale, les services publics, etc. Ce qu’il dit, il le fait. C’est nouveau ! Sarkozy mène une politique ultralibérale et autoritaire : en fin politique, il a compris que l’application de son programme allait se heurter à d’importantes mobilisations, et il a élaboré une stratégie pour réprimer les tentatives de résistance. Par ailleurs, la crise écologique impose de nouvelles limites au capitalisme qui, d’habitude, sort de ses crises par la colonisation, la conquête de nouveaux marchés, etc. Il faut donc construire une grande force politique de transformation sociale et écologique.
Quelles sont vos perspectives ?
J’ai été à la Fédération, avec la sensibilité Ecologie solidaire, dans l’idée de dépasser les esprits de boutique. Mais j’estime désormais qu’il faut prendre en compte la fondation du NPA et du Parti de gauche (PG). Alors j’ai lancé un appel avec Paul Aries [objecteur de croissance et directeur du journal Sarkophage, NDLR] pour rejoindre le PG et lui donner une identité écologiste. Je discute avec le PG pour le faire évoluer sur cette ligne [le PG tient son congrès fondateur en décembre prochain, NDLR]. Si on y arrive, le PG sera un grand pas en avant dans la recomposition politique à gauche qui devra se poursuivre.
Quelle ligne défendez-vous pour les régionales ?
Il y a un grand désir d’unité à la gauche du PS et j’espère qu’il y aura des listes unitaires aux régionales. Toutes les forces politiques de la gauche de gauche sont à prendre en compte : on ne peut pas continuer à rester éclatés. Il faut savoir être dans une alliance sans être d’accord sur tout. Il faut être capables d’y aller ensemble pour donner des perspectives et ne pas désespérer ceux qui se battent contre les politiques de la droite. On ne peut pas se permettre une nouvelle défaite face à Sarkozy : ce serait un très mauvais signe et contribuerait à la dégradation du rapport de forces.
Et le NPA dans tout cela ?
Le NPA doit éclaircir sa relation aux institutions. C’est le problème : que veut-il faire ? Quand on va dans les institutions, il y a un risque. Mais le NPA devrait être sûr que s’il a des élus, même aux exécutifs, ils resteront suffisamment fermes pour en sortir si ça ne va pas. Ce serait une bonne expérience.