Les débats menés pour la réécriture des lois bioéthiques de 2004 inscrivent en filigrane la
place du désir d’enfant, de la parentalité biologique et/ou sociale et de l’injonction à la
maternité « normalité de toute femme ou couple » dans notre société.
Plusieurs niveaux d’arguments y sont développés :
– L’approche des droits humains fondamentaux dont la liberté du choix, les femmes ont le
droit de disposer de leur corps dans le respect et la dignité ;
– L’approche économique:organiser, c’est gérer au mieux pour rendre service aux
demandeurs ;
– L’approche psychologique voire psychanalytique : les répercussions psychologiques sur le ou
les enfants de la mère porteuse et sur l’enfant né par GPA ne peuvent être évaluées. Pendant
la grossesse, une moindre disponibilité pour le ou les enfants est envisageable ; après
l’accouchement, un sentiment d’abandon pour l’enfant est imaginable.
Pour les couples demandeurs, la société ne voudrait pas laisser une souffrance sans
organiser autour des procédures de soulagement.
L’approche juridique : donner une filiation aux enfants nés par GPA.
La représentation des femmes est bien sur celle d’une mère à tout prix :
– La femme stérile fera tout pour contourner cet état. Mais peut-elle instrumentaliser le
corps de l’autre à son profit ?
– La femme féconde est si altruiste qu’elle fera don de 9 mois de sa vie plus quelques cycles
très contraignants pour cette fécondation ; son goût de la grossesse, son empathie pour les
autres femmes la pousseront à faire ce choix : droit de disposer de son corps jusqu’à en être
dépossédée ?
– Un cadeau sera le bienvenu en remerciement pour le bonheur de tout le monde.
Accepterons
nous une sorte de commerce du corps humain sous différentes dénominations : acheter,
vendre, rétribuer, compenser, dédommager… Une analogie avec la prostitution vient
facilement à l’esprit.
Les mères porteuses seront-elles des femmes sans emploi à faibles revenus ou de riches
héritières nageant dans le bonheur ?
Parallèlement, la GPA remettrait en question en France l’anonymat et la gratuité du don de
produits du corps humain.
Le modèle de couple, reconnu par la société (nous ne disons pas par la loi) est bien genré
féminin-masculin, de préférence avec un soupçon de domination masculine. La famille classique
reste l’élément de référence dans la construction de notre société. La GPA veut permettre de
reproduire le modèle dominant. La GPA renforce donc la logique de la filiation biologique :
pouvons-nous être une personne sans être la fille ou le fils biologique de… ? L’expression
“j’appartiens à cette famille” résume assez ce lien ; faut il en plus rajouter les spirales de
l’ADN pour mieux le sceller ?
Etre une personne humaine juridique ne suffit plus ; la
traçabilité du code génétique permet de repérer les pérégrinations familiales à travers le
monde sans falsification possible. Et serait suspect celui ou celle qui voudrait garder
l’anonymat !
Dans ce contexte, la mère porteuse n’est qu’une machine à procréer, une étape du processus
grossesse ; aucune place, aucune reconnaissance sociale ne lui est faite après l’accouchement,
ce qui aurait pu favoriser l’émergence d’autres formes de vie familiale. Mais là n’est pas la
question actuelle ; dans la GPA, la femme est réduite à sa fonction de reproductrice.
Une loi pour encadrer ces pratiques est évoquée.
S’agit-il de protéger :
– quelques couples stériles et de répondre à leur demande avec empathie et compassion ?
– la santé des femmes porteuses d’enfants alors que les risques d’une grossesse et d’un
accouchement sont imprévisibles ?
– les enfants nés de GPA, procédure interdite en France mais utilisée dans d’autres pays ?
Les procédures d’adoption existent pour répondre à cette demande ; les parents d’enfants
nés par GPA réclament une filiation biologique ; la filiation biologique serait-elle supérieure à
la filiation par adoption ?
Nous ne pensons pas légitime d’organiser l’instrumentalisation du corps de l’autre au nom de la
compassion pour autrui : nous demandons de ne pas légiférer sur la GPA.
Paris, le 3 juin 2009