Après avoir saboté le sommet de l’ONU sur la crise économique et financière (24-26 juin 2009) initié par le Président de l’Assemblée générale de l’ONU Miguel d’Escoto Brockmann [1], les dirigeants des huit pays les plus industrialisés qui forment le G8 [2] se sont réunis du 8 au 10 juillet à l’Aquila en Italie pour leur grand-messe annuelle. Ce club des pays riches a, une fois de plus, été à la hauteur de sa (mauvaise) réputation mais certainement pas de la crise globale qui secoue la planète. Au même moment, plus d’un millier d’altermondialistes participent au 7e Forum des peuples organisé par la CAD Mali (membre du réseau CADTM) à Bandiagara au Mali [3].
Sans grande surprise, ce sommet du G8 n’a annoncé que des « mesurettes » censées lutter contre la crise mondiale. Pour répondre à la crise alimentaire, le G8 et certains pays émergents s’engagent à verser 20 milliards de dollars sur trois ans pour lutter contre la faim dans le monde. Cette somme peut, à première vue, paraître conséquente mais elle est manifestement insuffisante vu la catastrophe humanitaire qui se déroule sous nos yeux. Un milliard de personnes souffrent aujourd’hui de la faim, c’est 100 millions de plus qu’il y a un an ! Cet effort financier très médiatisé doit aussi être relativisé par rapport aux centaines de milliards de dollars que ces gouvernements n’ont pas hésité à débourser pour sauver les banques privées. De plus, le G8 ne remet pas en cause l’idéologie libérale qui a conduit à l’éclatement des émeutes de la faim en 2008. Bien au contraire, pour combattre la crise économique, les dirigeants du G8 ont réaffirmé leur attachement au principe du libre marché et leur volonté de conclure en 2010 les négociations de Doha sur la libéralisation du commerce mondial…
Concernant le volet écologique de cette crise globale, ils ont été tout simplement incapables d’adopter des objectif chiffrés à court terme pour la réduction des émission de gaz à effet de serre. Ils n’ont, par ailleurs, annoncé aucune aide financière pour les pays du Sud, premières victimes du réchauffement climatique. Pourtant, l’ONU indique que les pays riches devraient immédiatement transférer de 50 à 75 milliards de dollars par an aux pays pauvres pour les aider à faire face aux changements climatiques [4], sans parler des sommes qu’il faudrait débourser pour payer la dette écologique des pays industrialisés à l’égard du Sud…
Enfin, ce G8 s’est contenté de réaffirmer, comme l’année dernière à Hokkaido (Japon), ses vieilles promesses datant du Sommet de Gleneagles (Ecosse) de 2005 : augmenter leur aide publique au développement (APD) de 50 milliards de dollars, dont la moitié pour l’Afrique sub-saharienne, d’ici 2010. Or, on est actuellement très loin du compte puisqu’il manquait environ 30 milliards de dollars pour atteindre cet objectif en 2008. Pire l’APD stagne depuis 2005 d’après les chiffres donnés par l’OCDE et devrait même baisser en 2009 [5] ! A titre d’exemple, la France a annoncé qu’elle ne devrait pas consacrer cette année plus de 0,39% de son PIB. Quant à l’Italie, elle a coupé de 56 % son budget pour la coopération au développement et son APD représente aujourd’hui seulement à 0,18 % de son PIB…
Ce n’est pas tout : les pays du G8 comptabilisent dans leur APD des dépenses qui ne servent qu’à gonfler artificiellement leur volume comme les allègements de dettes. Ainsi, la France qui se targue d’avoir augmenté son APD de 0,01% entre 2008 et 2009 inclut dans celle-ci le montant des annulations de dettes du Nigeria et de l’Irak.
Alors qu’une nouvelle crise de la dette du Sud est sur le point d’exploser, conséquence directe de la crise économique dont la responsabilité incombe exclusivement aux riches pays du Nord, le G8 est resté muet sur cette question. Ce silence n’est toutefois pas une mauvaise chose vu les effets d’annonce passés comme la fausse annulation totale de la dette des pays pauvres en 2005 à Gleneagles. Rappelons que cette annulation « historique » concernait uniquement les dettes de 18 pays en développement à l’égard du FMI, de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement [6]. Puisque le G8 est incapable de répondre à ce défi, la réponse doit venir des autres pays et principalement ceux du Sud. Une première mesure indispensable est la répudiation unilatérale de toutes les dettes illégitimes. En effet, il est vain d’espérer du G8, comme le fait le président égyptien Hosni Moubarak, un gel provisoire des dettes africaines [7]. Dès lors les gouvernements des pays en développement n’ont d’autre choix que de s’attaquer au problème de la dette sans concertation avec les créanciers, en menant des audits de la dette à l’instar de l’Equateur et comme l’encourage le nouveau rapport de l’Expert indépendant de l’ONU sur la dette externe [8]. Ces audits permettront d’identifier et déclarer la nullité de toutes les dettes illégitimes. C’est un droit inaliénable de tous les Etats.
Enfin, une nouvelle architecture financière internationale avec le remplacement de la Banque mondiale et du FMI, respectueuse des droits humains et du cadre de l’ONU doit impérativement se mettre en place. Pour ce faire, l’Assemblée générale de l’ONU est la seule instance légitime réellement existante. Le G8, le G20 ou encore le G14 que veulent créer les présidents Sarkozy et Lula ne sont, en effet, que des clubs autoproclamés et manquant totalement de légitimité !