Après les émeutes d’Urumqi, dans le Xinjiang, les dirigeants du Parti communiste chinois qui se sont réunis mercredi autour du président Hu Jintao ont promis des « punitions sévères » aux responsables des affrontements, annonce, jeudi 9 juillet, l’agence Chine nouvelle. Le président, qui a écourté une visite en Italie où il devait participer au G8, a réuni les membres du comité permanent du bureau politique du Parti communiste chinois, la plus haute instance dirigeante de Chine. La stabilité au Xinjiang « est la tâche la plus importante et pressante », selon un commmuniqué.
Dans le même temps, des véhicules blindés et des camions de transport de troupes arborant des banderoles sur lesquelles on peut lire « Ecrasons les séparatistes » ou « Ramenons la paix dans la ville » sillonnent les rues d’Urumqi. Sur leur passage, les militaires relaient des appels à l’unité entre les ethnies. Des tracts ont été largués par des hélicoptères survolant la ville où 156 personnes au moins ont été tuées et un millier d’autres blessées lorsque des Ouïgours s’en sont pris dimanche à des Hans, l’ethnie majoritaire en Chine.
Des soldats ont pris position près de barricades dans la ville de deux millions d’habitants et ont visiblement pour objectif de séparer les communautés ouïgoure et han. Après une fermeture officielle de trois jours, des commerces ont rouvert, mais certains gardent leur rideau baissé de crainte de nouvelles violences et le bazar n’avait pas pu rouvrir.
Plusieurs centaines de personnes se sont massées au passage de l’armée. Des Chinois hans, qui se disent menacés depuis ce week-end, ont salué ce déploiement de force. Dans la nuit de mercredi à jeudi, près du marché d’un quartier ouïgour, des habitants se préparaient à d’éventuels incidents, s’équipant de matraques.
Les violences au Xinjiang ont conduit le président Hu Jintao à écourter son séjour en Italie et renoncer à participer au sommet du G8 pour rentrer précipitamment à Pékin. Dans une démonstration d’unité ethnique, la télévision chinoise a diffusé des images du maire de Shanghaï, Han Zheng, et du chef local du Parti communiste, Yu Zhengsheng, se rendant dans des restaurants tenus par des Ouïgours dans la capitale commerciale de la Chine.
* AFP et Reuters | 09.07.09 |
Au Xinjiang,« la tension entre Hans et Ouïgours est à son comble »
Des internautes français et chinois, actuellement au Xinjiang, ont pu nous faire parvenir leurs témoignages. Ils décrivent une ambiance tendue et des moyens de communication sous contrôle strict.
Un malaise visible entre Hans et Ouïgours, par Saïd Braka
Je rentre tout juste d’un voyage professionnel à Urumqi. Je formais le personnel dans l’imprimerie d’un journal. Quelques jours avant mon retour, les gens étaient de plus en plus nerveux et la tension était palpable, même à l’hôtel. Tous parlaient de la mort de deux ouvriers ouïgours lynchés sans raisons fin juin et pour lesquels aucun procès n’avait encore été ouvert. A l’intérieur même du journal, le malaise était visible entre les contremaîtres (Hans pour la plupart) et les ouvriers (majoritairement Ouïgours), les uns, nerveux, criant et insultant les autres qui se réunissait alors très souvent entre eux dans des conciliabules aussi longs que bruyants. Dans la rue, j’ai pu voir de nombreux attroupements surveillés à distance par de nombreux agents de police. Avant mon départ, des véhicules anti-émeutes ont commencé à stationner de plus en plus nombreux au coin des rues.
En route pour l’aéroport, j’ai vu un groupe de jeunes (bâtons à la main) courir en hurlant après 3 personnes en costume-cravate, ça se passait sur une grande avenue du centre-ville habituellement calme. Je ne suis guère étonné, car la situation sur place était déjà explosive avant cette irruption de violence, et au vu du malaise et de l’incompréhension entre les deux ethnies, ça laisse difficilement présager une meilleure issue.
De Korla, témoignage d’un Chinois han, par Jing Yuan
Je suis Han et je viens de la ville de Korla, qui se trouve dans le sud du Xinjiang. Au quotidien mes relations avec mes voisins ouïgours sont très bonnes, mais je sens tout de même une certaine distance, un mur invisible entre les deux communautés. On est amis, mais jamais on ne sera frères. La Chine se développe, mais la situation des Ouïgours n’est pas prise en compte par le gouvernement. Les Ouïgours sont moins doués que les Hans pour les affaires, un fossé se creuse, et tout le monde pâtit de la situation. Les Ouïgours ont le droit de manifester, mais il ne faut pas tuer les gens !
Ville déserte, par Mathieu Chabrières
Bonjour, mes amis sont en voyage dans le Xinjiang, ils n’ont malheureusement plus accès aux sites étrangers, alors je me permets de poster leur témoignage sur place : la ville est totalement déserte, sous le joug d’un couvre-feu avec les militaires qui patrouillent dans les rues. Mes amis se sont fait raccompagner à leur hôtel par des militaires où ils ont été parqués pendant un moment. Quand j’essaie de les joindre par téléphone, on m’indique que le numéro n’existe plus (les communications par SMS fonctionnent toujours), et il leur est impossible de contacter la France via Skype. Dans le Xinjiang ou à Shanghaï, les connexions vers les sites étrangers sont considérablement ralenties voire bloquées (j’utilise par exemple un VPN pour consulter Le Monde.fr).
Couvre-feu à Urumqi, par Fanny Melene
Je suis en ce moment à Urumqi. Les policiers patrouillent beaucoup dans mon quartier actuellement, bien qu’il n’y a eu que peu de troubles par rapport à d’autres quartiers de la ville. Ils entrent dans certaines maisons, et parfois embarquent les gens. Il y a un couvre-feu et je suis obligée de rester chez moi, à observer discrètement. Il est impossible d’accéder à certains sites Internet.
Français à Urumqi, par Guillaume Salessy
J’ai vécu trois ans à Urumqi, je vis près de Pékin depuis six mois. Plusieurs de mes amis français travaillent là-bas. Au téléphone ils m’ont parlé d’affrontements hors quartier ouïgour (qui se trouve au centre de la ville), ils ne peuvent plus rentrer chez eux et sont bloqués dans leur bureau. Notre employeur (français) a même parlé d’un éventuel rapatriement vers Pékin. Les grandes artères sont toujours bloquées, notamment le quartier de HongShan (sud de la ville). De Chine il est difficile de contacter les personnes se trouvant au Xinjiang. Les téléphones ne passent pas à cause de « réseau saturé » ou de « numéro inconnu ».
Durant mon séjour à Urumqi, j’ai compris la rivalité entre ethnies, mais quand on voit ce qui se passe au jour le jour, il y a des choses que l’on a du mal à avaler. Par exemple les « brimades » des Hans sur les Ouigours. Il est totalement faux de croire que, parce qu’ils sont issus d’une minorité, les Ouïgours gagnent plus d’argent que les Hans ou ont accès à plus de postes ! Je fais référence ici à l’un des commentaires publié sur LeMonde.fr. Mais, d’un autre côté, le comportement de certains Ouïgours n’est pas irréprochable : accès de violence, alcoolisme, problèmes de drogue dans le centre, etc.
* LEMONDE.FR | 08.07.09 | 15h49 • Mis à jour le 08.07.09 | 16h09.
« Pas de prière » ce vendredi dans les mosquées d’Urumqi
De nombreuses mosquées sont fermées à Urumqi, vendredi 10 juillet, jour de prière musulman, par crainte de répétition des violences ethniques qui ont fait 156 morts dimanche dans la capitale du Xinjiang. Des Ouïgours, minorité ethnique musulmane turcophone, tout comme des Hui, autre communauté musulmane chinoise, assurent avoir été encouragés à prier chez eux, tandis que la présence des forces de l’ordre reste très visible en ville.
« Le gouvernement a dit qu’il n’y aurait pas de prière », affirme un Ouïgour, nommé Tursun, interrogé par le correspondant de l’AFP devant la mosquée Hantagri, l’une des plus vieilles d’Urumqi, où se trouve une centaine de policiers armés de fusils d’assaut et de matraques. « On ne peut rien faire (...) le gouvernement a peur que la population utilise la religion pour soutenir les trois forces », assure-t-il, en référence à l’extrémisme, au séparatisme et au terrorisme qui, selon Pékin, menacent l’unité du pays.
« RENTREZ CHEZ VOUS POUR PRIER »
« Rentrez chez vous pour prier », intiment des affichettes placardées sur les portes des cinq mosquées fermées. Un porte-parole des autorités régionales, auquel l’AFP demandait si toutes les mosquées étaient fermées à Urumqi, a répondu que « toutes les activités religieuses devraient se dérouler normalement ». Depuis lundi, un certain nombre de mosquées avaient déjà été fermées à Urumqi. En dépit des assurances selon lesquelles la situation était désormais « sous contrôle », la présence des forces de sécurité reste massive dans la ville de deux millions d’habitants. Les dirigeants chinois réunis mercredi autour du président Hu Jintao ont annoncé que les coupables des violences, les plus graves au Xinjiang depuis des décennies, seraient « sévèremment punis ». « Les instigateurs, les organisateurs et les criminels violents doivent être sévèrement punis », ont déclaré Hu et les huit autres membres du comité permanent du bureau politique du Parti communiste chinois.
Les autorités ont procédé à plus de 1 400 arrestations, très majoritairement parmi la communauté ouïgoure.
* AFP | 10.07.09 |
LA CAPITALE DU XINJIANG
Des milliers de soldats chinois sillonnaient, jeudi 9 juillet, les rues d’Urumqi après de sanglantes émeutes ethniques entre Ouïgours (musulmans turcophones), et Han (ethnie majoritaire en Chine), qui ont contraint le président Hu Jintao à renoncer à assister au sommet du G8 en Italie pour regagner Pékin.
Au moins 156 personnes sont mortes, plus de 1 000 ont été arrêtées. « Une poignée de Han ont attaqué des Ouïgours et une poignée de Ouïgours ont attaqué des Han (...). La police a capturé ces quelques poignées d’éléments violents et la situation est à présent maîtrisée », a estimé le chef du Parti communiste d’Urumqi, Li Zhi. - (Reuters.)