Cétait il y a quatre ans jour pour jour. Les Français balayaient, à 54,87% des voix, le Traité constitutionnel européen. Au scrutin du 7 juin, nonistes de gauche et de droite, en ordre dispersé sur la ligne de départ, rêvent de rééditer leur victoire au référendum du 29 mai 2005 en mobilisant les eurosceptiques.
Dans les sondages successifs ceux de droite (FN, MPF, Debout la République) totaliserait 12,5% des intentions de vote, alors que le camp du « non » de gauche (NPA, LO, Front de gauche qui fédère PCF et PG) tourne, au total, autour de 15%.
« Il y a une empreinte indélébile »
En première ligne, Jean-Luc Mélenchon, fondateur du PG, qui avait appelé fin 2008 à rebâtir cet arc du non de gauche en vue des européennes, assure le soufflé loin d’être retombé : « Ceux qui ont cru cette affaire effacée et la page tournée se trompent. Il y a une empreinte indélébile », confie-t-il à Libération.fr.
Si le Traité de Lisbonne - signé par les chefs d’Etat qui « se sont moqués du monde », accuse Mélenchon - donne un goût amer à l’anniversaire, la tête de liste dans le Sud-Ouest promet que les électeurs nonistes seront au rendez-vous du 7 juin. Selon lui, « les gens se réveillent, retrouvent une base claire, ferme, sans ambiguité et un côté unitaire » dans le Front de gauche, alliance du PCF, du PG et de Gauche unitaire (ex-NPA), qui talonne le NPA dans les sondages.
Porte-parole du PCF, Olivier Dartigolles veut aussi y croire : si les européennes ne sont « pas la réplique du 29 mai 2005, ce qui faisait l’alchimie de ce succès, on le retrouve aujourd’hui dans la petite poussée qu’on ressent sur le terrain. »
Une campagne « pas construite sur la nostalgie du 29 mai »
Mais depuis quatre ans, et après l’échec d’une candidature unitaire à la présidentielle de 2007, le camp du non de gauche s’est éparpillé. José Bové qui, en 2005, battait tribune commune avec Buffet et Mélenchon a rejoint Daniel Cohn-Bendit, « ouiste » convaincu, au sein du rassemblement Europe Ecologie dont il conduit la liste du Sud-ouest, jugeant dépassée la ligne de démarcation du référendum. « Nous, on construit », justifie l’altermondialiste.
Quant au NPA d’Olivier Besancenot, il a préféré faire bande à part et rejeter la proposition du Front de gauche, soupçonnant le PCF de vouloir retourner flirter avec le PS pour sauver ses élus aux régionales. La formation d’extrême gauche prévoyait d’organiser, ce vendredi, « une initiative en direction du Parlement européen » à Strasbourg, tout en se défendant de jouer les nostalgiques : la campagne n’est « pas construite sur la nostalgie du 29 mai », se défend-on au NPA.
L’un des ténors nonistes du PS, Henri Emmanuelli qui garde « un souvenir ému pour ce 29 mai » n’en démord pas : « le peuple français a bien voté en votant non parce qu’il refusait l’orientation libérale de l’Europe. » Il appelle pourtant ceux qui avaient rejeté le TCE à voter PS : « Le référendum est derrière nous », « on a surmonté cette différence », promet-il allant jusqu’à situer le PS « plutôt dans l’orientation du non et dans la philosophie du oui ».
TCE et Lisbonne : « deux canards sans tête »
Les nonistes de droite et d’extrême droite ne sont pas en reste, qui comptent aussi « dénoncer l’escroquerie que constitue le traité de Lisbonne ».
Le président de Debout la République, Nicolas Dupont-Aignan a ainsi organisé, avec les militants du mouvement souverainiste, une fausse « délocalisation » de la Commission européenne en Inde. Un camion de déménagement s’est garé devant la représentation de l’UE à Paris et des chaînes ont été placées sur les portes comme pour indiquer un déménagement de la Commission. Déplorant que le « non » ait été « bafoué » par le Traité de Lisbonne, Dupont-Aignan a rappelé que quatre partis ont été « désavoués, il y a quatre ans, avec un score de 45% » pour le TCE. Les mêmes (UMP, PS, Verts et MoDem) qui « occupent 99% des temps médiatiques », a fustigé le numéro trois sur la liste d’Ile-de-France.
Jean-Marie Le Pen a, à son tour, profité de l’anniversaire pour faire la retape pour ses listes d’extrême droite. « Les électeurs du non n’ont qu’une seule manière de marquer leur protestation, c’est en votant pour le FN. C’est la seule formation qui est restée logique dans son opposition », a martelé le président du FN, qui devrait aller manifester en fin d’après-midi devant l’Assemblée nationale.
Le leader du MPF, Philippe de Villiers, avait lui aussi prévu une action devant le Palais Bourbon, « pour rappeler le triomphe du non » et encourager les électeurs à faire un « vote de cohérence » le 7 juin. « Aujourd’hui, deux canards sans tête continuent à courir dans la cour de ferme, décapités par les peuples » français, néerlandais et irlandais, raille l’eurodéputé, candidat sous la bannière Libertas, en pointant la Constitution rejetée et le traité de Lisbonne.