L’armée pakistanaise est entrée, samedi 23 mai, dans Mingora, principale ville de la vallée de Swat, dans le nord-ouest du pays, où ils continuaient à affronter les talibans. Selon un porte-parole de l’armée, le général Athar Abbas, les insurgés ont été chassés de plusieurs quartiers, et 17 rebelles, dont un important commandant, ont été tués ces dernières 24 heures dans les combats, près d’un mois après le début de l’offensive.
L’assaut contre Mingora, une ville dont la population était estimée à environ 300 000 personnes avant que la plupart ne fuient les combats, est une étape cruciale pour l’armée et le gouvernement pakistanais. Vendredi, l’armée estimait que 10% seulement de la population se trouvait encore dans la ville.
La prise de Mingora, qui était contrôlée par les talibans depuis plusieurs semaines, est essentielle pour que l’armée pakistanaise puisse se targuer d’avoir remporté la victoire dans la région de Swat. L’armée a assuré avoir tué plus de 1 100 talibans en presque quatre semaines d’offensive et reconnu avoir perdu seulement 58 soldats. Mais ces informations sont impossible à vérifier, la zones des combats étant bouclée par les militaires.
De nombreux témoignages de personnes déplacées font cependant état de bombardements sans discernement de l’armée qui ont fait de nombreuses victimes civiles, les militaires n’ayant engagé les combats au sol que depuis quelques jours.
IMPORTANTES PERTES CIVILES
Human Rights Watch avait déclaré en début de semaine que « les habitants de Mingora disent que les talibans ont miné la ville et empêchent de nombreux civils de s’en échapper afin de s’en servir comme boucliers humains ». « L’armée ne semble pas prendre les précautions nécessaires dans ses bombardements aériens (..) qui ont provoqué d’importantes pertes humaines dans la population civile », ajoutait HRW.
Cette offensive intervient alors que la crise humanitaire s’aggrave dans le pays. Vendredi, l’ONU a demandé une aide d’un demi-milliard de dollars pour faire face à la situation. Selon les Nations unies, 1,7 millions de réfugiés sont venus s’ajouter aux 550.000 déplacés par de précédentes violences dans le nord-ouest. « L’ampleur de cet exode est extraordinaire, que ce soit en termes de populations concernées que de vitesse, et a provoqué des souffrances incroyables », estime Martin Mogwanja, coordinateur de l’aide humanitaire de l’ONU au Pakistan.
La population aura besoin d’aide pendant plusieurs mois car, même en cas de victoire rapide de l’armée pakistanaise sur les talibans, les paysans ne pourront rentrer chez eux à temps pour les récoltes qui pourrissent sur pied, observent des responsables d’ONG.
* AFP et Reuters | 23.05.09 |
Vallée de Swat : l’ONG Human Rights Watch parle d’une catastrophe humanitaire
Les milliers de civils qui n’ont pas pu fuir les combats entre l’armée et les talibans dans la vallée de Swat (nord-ouest du Pakistan) font face à une « catastrophe humanitaire », estime, mardi 26 mai, l’ONG Human Rights Watch. Dans un communiqué, elle a appelé l’armée à les laisser sortir des zones de conflit.
Il y a une semaine, l’organisation de défense des droits de l’homme située à New York avait déjà accusé à la fois les talibans et l’armée de tuer « de nombreux civils » dans la zone des combats. L’organisation accuse également les talibans de poursuivre leur campagne de terreur en décapitant des habitants. « Les cadavres ne sont pas ensevelis et les blessés ne peuvent que mourir faute d’équipements médicaux disponibles, car les hôpitaux ont fermé dans la vallée et il n’y a plus de médicaments », ajoute HRW. Depuis le début de la vaste offensive de l’armée fin avril dans la vallée et ses environs, près de 2,4 millions de personnes ont fui, se réfugiant soit dans des camps en lisière des zones de combat, soit en se dispersant dans tout le pays, selon l’ONU.
L’armée pakistanaise estime qu’il lui faudrait encore sept à dix jours pour reprendre aux talibans Mingora, chef-lieu du district de Swat. L’armée était toujours engagée, lundi, dans la traque, maison par maison, de milliers de talibans retranchés dans la ville. Les insurgés islamistes ont, de leur côté, annoncé leur intention de se retirer de Mingora sans résister, promettant de poursuivre ailleurs leur djihad, la « guerre sainte ». Un porte-parole des talibans, Muslim Khan, a demandé aux habitants de Mingora de retourner dans leurs maisons, assurant qu’ils se seraient pas menacés.
* AFP, Reuters et AP | 26.05.09 |
Pakistan : l’ONU craint une crise humanitaire d’ampleur
Depuis le début de l’offensive de l’armée pakistanaise contre les talibans dans la vallée de Swat, près de deux millions de civils ont fui la région. Selon l’ONU, ce flot de déplacés dans le nord-ouest du pays risque de constituer rapidement une des plus graves crises humanitaires de ces dernières années dans le monde.
Vendredi 22 mai, les Nations unies ont lancé un appel de fonds de 543 millions de dollars (390 millions d’euros) pour faire face à cette situation. « L’ampleur de cet exode est extraordinaire, que ce soit en termes de populations concernées ou de vitesse, et a provoqué des souffrances incroyables », a déclaré Martin Mogwanja, coordinateur de l’aide humanitaire de l’ONU au Pakistan.
Selon l’ONU, environ 1,7 million de personnes déplacées ont été enregistrées depuis début mai, auxquelles il faut ajouter plusieurs centaines de milliers de déplacés lors de précédentes violences dans le nord-ouest du pays.
Le gouvernement pakistanais, qui a souligné qu’un échec à venir en aide aux populations déplacées serait exploité par les talibans, a obtenu 225 millions de dollars d’aide promis par ses alliés, dont 110 millions par les Etats-Unis. D’après le général Nadeem Ahmed, qui dirige les opérations pakistanaises de secours, quelque 200 000 civils seraient toujours bloqués dans la vallée de Swat. Les autorités n’excluent pas de procéder à des largages de vivres.
40 DEGRÉS DANS LES CAMPS
Au total, en près d’un mois, l’armée assure avoir tué plus de 1 100 talibans et avoir perdu à peine 60 hommes. Ces bilans sont impossible à vérifier, les zones de combat étant hermétiquement bouclées par l’armée. Les militaires refusent de livrer un chiffre des victimes civiles, assurant mettre « tout en œuvre » pour les éviter. Mais de nombreux témoignages de personnes déplacées, ainsi que les ONG, font état de nombreux civils tués par les talibans mais, surtout, de bombardements sans discernement de l’armée.
Une partie des déplacés a pu trouver un hébergement temporaire chez des proches, mais des dizaines de milliers d’autres sont venus s’abriter dans des camps dressés à la hâte à la lisière des zones de combats. « La vie ici est pire que celle d’un animal », se lamente Amna Rashid, une étudiante contactée par téléphone dans le camp de déplacés de Mardan, sans ombre, et où la chaleur, ces derniers jours, dépasse allègrement les 40 degrés. « Dans ces camps, le gouvernement nous tue, j’ai envie de vomir tellement cela pue », renchérit Rahim Gul, 80 ans.
« On gère au jour le jour, si vous avez 200 000 déplacés de plus par jour, on ne peut les nourrir immédiatement », plaide Dominique Frankefort, coordinateur au Pakistan du Programme alimentaire mondial (PAM) de l’ONU, évoquant une « aide extrêmement faible du gouvernement ». Son organisation dispose d’assez d’argent pour nourrir les déplacés jusqu’à juillet seulement.
* AFP et Reuters | 22.05.09 |