Dans un chat sur LeMonde.fr, Omar Slaouti, tête de liste du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) en Ile-de-France, dit se présenter « sans illusion » aux élections européennes. Pour lui, « il ne s’agit pas de changer l’Europe de l’intérieur » mais de « relayer un ensemble de revendications ». Sylvia Zappi.
Coudenhove : Est-ce que selon vous tout est à jeter dans l’Europe telle qu’elle s’est construite ? Ou bien lui accordez-vous tout de même un minimum de crédit ?
Omar Slaouti : Cette Union européenne n’est en rien une solution à la crise, c’est même pour nous une partie du problème. De ce point de vue-là, c’est bien une autre Europe qu’il est nécessaire de mettre en perspective, c’est-à-dire une Europe au service des travailleurs, de la grande majorité, contrairement à l’ensemble des traités et directives de l’Union européenne qui ne servent que les intérêts des financiers.
Cela étant, si on peut admettre certaines avancées sur la question écologique, on en voit tout autant les limites dès lors qu’il s’agit de confronter l’écologie aux intérêts des firmes des multinationales.
etudiant_en_greve : Le premier vote au Parlement européen concernerait l’élection du président de la Commission. Les futurs eurodéputés NPA pourraient-ils mettre en œuvre leurs forces pour faire tomber de son piédestal M. Barroso ? A quel groupe d’eurodéputés prévoyez-vous de vous inscrire ? Pourriez-vous appartenir au groupe Gauche unitaire européenne, auquel appartient le PCF ?
Omar Slaouti : En ce qui nous concerne, et contrairement au Parti socialiste, l’enjeu de ces élections n’est en rien de changer la présidence de la Commission européenne. Faut-il rappeler que cette Commission comporte six membres du Parti socialiste européen, que 97 % des votes sont communs au Parti socialiste européen et au Parti populaire européen, à savoir la droite ?
Pour ce qui est du groupe auquel nous pourrions appartenir, il existe des formations anticapitalistes dans l’Etat espagnol, au Portugal, en Grèce, en Italie, etc., avec lesquelles nous pourrions nous retrouver. L’ensemble de ces partis et nous-mêmes avons signé un texte d’accord à la fois sur un programme anticapitaliste et sur un refus de gestion ou de cogestion avec tout parti social démocrate. En effet, les partis socialistes en Europe ont déjà fait la démonstration de leur mue libérale, c’est-à-dire la déréglementation, la privatisation, le détricotage de nos acquis.
Tom : Si vous avez des élus au Parlement européen, êtes-vous prêts à voter des textes « progressistes », à la différence de LO qui refusait toute forme de compromis avec le capital ?
Omar Slaouti : En ce qui nous concerne, il ne s’agit jamais de compromis avec le capital si les textes en question sont porteurs d’une amélioration des conditions de travail, de vie, de répartition des richesses pour la grande majorité de la population.
De ce point de vue, nous porterons l’ensemble des réformes qui iront dans ce sens, sans nous compromettre en quoi que ce soit avec le capital, mais en portant jusqu’au bout les valeurs de justice sociale, de solidarité qui nous animent.
tia : Après le non au référendum en 2005 et alors que la majorité des gouvernement de l’UE sont aujourd’hui à droite, croyez-vous toujours possible un « plan B », c’est-à-dire un traité instaurant une Europe plus sociale ?
Omar Slaouti : Depuis Jacques Delors, c’est-à-dire l’Acte unique, on nous fait le coup régulièrement d’une Europe sociale qui devrait suivre l’ensemble des traités libéraux en vigueur jusque-là. Nous pensons pour notre part que le droit des affaires doit passer bien après les droits des travailleurs, et donc c’est une réorientation totale, pour ainsi dire une autre Europe, qui puisse mettre en perspective un ensemble de mesures sociales.
Dans la situation actuelle, ni les gouvernements de droite ni ceux de gauche, dont certains d’ailleurs soutiennent Barroso, ne sont en mesure ni ne veulent mettre en place une Europe sociale. Nous estimons que seules des mobilisations peuvent amener à conjuguer l’Europe sur une orientation sociale, et cela devra passer mécaniquement par l’abrogation de tous les traités actuellement en vigueur.
GB : Pourquoi le NPA, qui n’a de cesse d’appeller à l’union dans les luttes, joue solo quand il s’agit de construire un débouché politique à ces même luttes ?
Omar Slaouti : GB, rassure-toi, nous sommes pour l’union dans les luttes et la démonstration n’est plus à faire, puisque nous avons été bien seuls à appeler à la convergence des Molex, des Conti, des salariés des hôpitaux et autres. Et de la même manière, dès la création du NPA, nous avons rencontré le PC et le Parti de gauche de Mélenchon, ainsi que les alternatifs et autres, pour créer un front électoral face à Sarkozy et au Medef.
Nous souhaitions que ce front anticapitaliste s’inscrive dans la durée, et pas simplement pour faire un seul coup aux européennes. Ces partenaires politiques ont décliné notre proposition ; pour certains d’entre eux d’ailleurs, l’objectif est à terme des alliances avec le Parti socialiste, alors qu’au cours de cette campagne des européennes, les mêmes, et à juste titre, dégomment le PS, signataire et porteur de l’ensemble des traités libéraux de l’Union européenne.
Aujourd’hui, il est nécessaire de garder les boussoles dans une cohérence qui dure, tout comme la cohérence entre le Medef et l’UMP, qui durera au-delà des élections européennes. Nous ne désespérons pas pour autant d’un revirement des forces à la gauche du Parti socialiste pour se retrouver sur des fronts durables, indépendants du Parti socialiste.
cosmik : Vouloir défendre l’Europe sociale, tout en rejettant les sociaux-démocrates, n’est ce pas un pari totalement impossible eu égard au poids des ultralibéraux, qui même en temps de crise, ne semblent pas changer radicalement de cap ? N’avez-vous pas tout intérêt à rester uniquement dans la contestation ?
Omar Slaouti : En ce qui nous concerne, ces sociaux-démocrates en question ont voté à l’échelle européenne le démantèlement des services publics un à un, la libéralisation de La Poste, celle des transports, de l’acceptation du TCE à celle du traité de Lisbonne, c’est-à-dire de la légimitation du dumping social au dumping fiscal.
Ainsi, ces fameux sociaux-démocrates peuvent être estampillés de sociaux-libéraux et ne représentent en rien des avancées potentielles concernant une Europe sociale demain. Faut-il rappeler que le Parti socialiste en 2004, aux mêmes élections européennes, avait pour slogan « L’Europe sociale demain » ?
Nous refusons les postures de certains qui consistent à nier le projet de société que nous portons, à savoir une Europe fondée sur les besoins sociaux et écologiques urgents, et de ce point de vue, le Nouveau Parti anticapitaliste ne se résume pas simplement à la contestation du système capitaliste, mais est porteur d’une autre société qui reste à définir avec le plus grand nombre et dans le cadre de mobilisations sociales.
Cookie : Vous parlez de « changer l’Union européenne », de faire « une autre Europe ». Militante au NPA, je sais pourtant que ce parti nie qu’une pratique démocratique soit possible dans l’UE actuelle étant donné sa « structuration » institutionnelle. Pourquoi alors présenter des candidats aux élections du Parlement européen, quel intérêt ? Et comment, dans ce contexte de faible pouvoir du Parlement, changer l’Europe ?
Omar Slaouti : Il ne s’agit pas pour nous de changer l’Europe de l’intérieur, comme d’autres forces de gauche disent pouvoir le faire. Il s’agit d’être présent dans ses institutions pour porter la voix de ceux et celles qui se mobilisent, relayer un ensemble de revendications comme, par exemple, au moment de la marche européenne des chômeurs, de la marche des femmes pour leurs droits.
De la même manière, il s’agit de rendre plus transparent le fonctionnement de cette institution et sans aucun doute, si certains plans de privatisation avaient été mis au jour plus tôt dans certains secteurs, comme La Poste par exemple, des cadres de préparation pour des mobilisations à l’échelle européenne auraient été possibles et du coup percutants.
Nous y allons sans illusion, mais avec beaucoup de détermination pour y relayer le mécontentement social.
Esteban : Quelle est la différence entre la LCR et le NPA ? Vu de l’extérieur, on ne perçoit pas bien la différence...
Omar Slaouti : Esteban, je te promets que ça mérite d’aller y voir de l’intérieur. En l’occurrence, le NPA n’est pas un autogrossissement de la LCR, c’est réellement un nouveau parti, dont les références ne se réduisent pas au trotskysme, mais à d’autres courants de pensée politique. Un nouveau parti dont l’implantation est plus conséquente dans les quartiers populaires, par exemple.
Un nouveau parti où la place de l’écologie est à la hauteur des enjeux qu’exige la planète. Un nouveau parti, enfin, où le renouvellement, le rajeunissement est très important et ressemble très fortement à notre société du point de vue des couches sociales, des histoires syndicales, politiques. Bref, ça mérite d’aller voir ça de plus près.
medko : Vous avez remplacé « communisme révolutionnaire » par « anti-capitalisme ». De quoi s’agit-il ? Serait-ce une nouvelle utopie ou bien avez-vous un vrai projet réaliste, radical, vraiment capable de nous débarraser du capitalisme ?
Omar Slaouti : Le projet anticapitaliste dont nous sommes porteurs est qualifié d’écosocialisme. Il s’agit de construire une société qui partirait des aspirations et des besoins du plus grand nombre pour pouvoir satisfaire l’ensemble des besoins sociaux en tenant compte de la dimension écologique. Celle-ci, d’ailleurs, n’est pas un supplément d’âme, elle s’inscrit dans un autre projet de société que le système capitaliste, qui détruit la planète et dans le même temps broie l’humanité.
Cookie : J’ai un problème avec la position d’Olivier Besancenot au sein de ce parti. Comment expliquez-vous qu’il ne soit « que » troisième sur la liste que vous dirigez en Ile-de-France, alors qu’il a paradoxalement droit de parole sur la profession de foi commune à tous les candidats et que sa présence est réclamée dans tous les meetings ? Jugez-vous cette tendance à la personnalisation positive pour le NPA ?
Omar Slaouti : Le fait qu’il soit troisième sur la liste montre bien la volonté du NPA de refuser toute personnalisation. Cela étant, Olivier, à juste titre, de par son investissement et sa présence récurrente sur les différents lieux de lutte, d’une part, et l’audience qu’il a, d’autre part, fait qu’il ne pouvait pas être complètement absent de cette campagne pour les européennes.
Nous avons conscience au NPA que le renouvellement aux responsabilités politiques doit passer par un volontariat très fort, et mettre en avant d’autres militants et militantes légitimes de par leur implication sur le terrain des luttes est une nécessité.
gros_ : Le « bon coup » électoral que vous refusez de réaliser avec le Front de gauche n’aurait-il pas eu le mérite d’envoyer à Bruxelles un nombre important de députés, et donc d’infléchir d’autant plus la politique européenne dans le sens que vous souhaitez ?
Omar Slaouti : Je t’assure qu’en doublant ou triplant le nombre de députés, cela ne suffirait pas à infléchir en quoi que ce soit les politiques de l’Union européenne. En revanche, un bon score aurait été une gifle appréciable contre Sarkozy. Mais comme je l’ai dit, l’idée forte est de pouvoir donner des gifles sur la durée.
Voilà pourquoi nous souhaitions, et nous souhaitons, un front de gauche avec le NPA qui puisse durer au-delà des européennes. Affaire à suivre.
b : Le NPA risque d’être bien surpris si, aux régionales, le Front de gauche fait le choix de partir tout seul au premier tour...
Omar Slaouti : Pour l’instant, la seule chose qui nous a été répondue, par le Parti communiste en particulier, est qu’il partirait avec le Parti socialiste aux régionales, sans aucun doute pour garder les quelques postes de conseillers régionaux ici et là. Si le Front de gauche avait une démarche d’indépendance avec le Parti socialiste, on voit mal comment il aurait pu refuser notre proposition de front commun et durable.
gros_ : « écosocialisme », c’est rouge + vert en somme ? Pourquoi ne vous êtes-vous pas plutôt rapprochés des thèmes défendus par les Verts ?
Omar Slaouti : Les Verts, à l’échelle nationale ou européenne, sont dans une stratégie où, hélas, l’écologie est loin d’être la priorité. Lorsque Cohn-Bendit propose aux Verts en Italie de regarder ailleurs que sur leur gauche parce que l’espace qui leur est fait n’est pas assez grand, et donc de se rapprocher de Berlusconi, il y a de quoi être inquiet.
L’autre point crucial, c’est que les Verts estiment pouvoir répondre aux urgences écologiques dans le cadre du système capitaliste, le fameux capitalisme vert qui, on le sait, est un leurre. Pour preuve, ils soutiennent le marché du carbone, c’est-à-dire le fait que la Bourse puisse gérer les enjeux climatiques autour des émissions de gaz à effet de serre. De la même manière, les Verts estiment qu’une nouvelle politique énergétique peut se faire sans passer par un monopole public énergétique européen.
Or nous estimons que la sortie du nucléaire, le développement des énergies renouvelables, une véritable politique d’économies énergétiques doivent passer nécessairement par un monopole public et de l’énergie, et du transport d’ailleurs.
Cosmik : Comment expliquez-vous que vos propos ne soient pas davantage entendus et que le rassemblement que vous appelez de vos vœux, le NPA, ne prenne pas ? N’est-ce pas l’aveu de la défaite de l’unilatéralisme dont vous faites preuve et de l’absence de compromis ?
Omar Slaouti : Ce qui fait partie de la carte de visite du NPA, c’est, entre autres, l’exigence unitaire dans les luttes et une transformation politique dans un cadre électoral tout aussi unitaire. Nous déplorons du même coup que d’autres forces politiques, comme le Parti communiste ou le Parti de gauche, refusent que cette unité puisse être durable au-delà des européennes. Une unité durable qui passe par une indépendance vis-à-vis du Parti socialiste et qui passe aussi par un programme anticapitaliste.
Ce sont là les deux bornes, à notre sens, qu’il ne faut pas franchir sous peine de déboussoler l’ensemble des travailleurs qui comptent sur nous, et du coup, démobiliser les mêmes travailleurs dans le cadre des luttes sociales.
Adrien : Le NPA et l’extrême gauche ont un côté franco-français. Quels sont vos partenaires européens ? Avez-vous un projet commun avec d’autres partis de pays différents ?
Omar Slaouti : Nous avons depuis quelques mois rencontré un ensemble de forces politiques anticapitalistes au Portugal, dans l’Etat espagnol, en Italie, en Grèce, en Suède, en Belgique, en Angleterre et ailleurs, avec lesquelles nous avons établi un programme anticapitaliste d’une part, et d’autre part, un texte refusant toute alliance avec les partis sociaux-démocrates.