Les électeurs qui veulent une Grande-Bretagne (Ecosse, Angleterre, Pays-de-Galles) isolationniste vont être gâtés le 4 juin. A l’extrême droite, le BNP (le FN britannique) et l’UKIP (autre parti nationaliste) le demandent tous les deux. Les partis de gauche qui veulent quitter l’Europe sont le Socialist Labour Party d’Arthur Scargill et la coalition « NO2EU Yes to Democracy » [Non à l’Union européenne, Oui à la démocratie]. Ces quatre partis promeuvent l’indépendance britannique, alors que le Free Scotland Party mène campagne pour une Ecosse indépendante hors de l’Union.
Quelle doit être l’attitude des anticapitalistes écossais face à l’Europe ? Doivent-ils soutenir le séparatisme britannique ? Est-ce que la campagne « NO2EU Yes to Democracy » représente un pas en avant ?
Le SSP a toujours rejeté l’europhobie derrière l’Union Jack (drapeau du Royaume-Uni) de la droite conservatrice. Nous sommes un parti pro-européen, et nous croyons à l’unité des forces progressistes de l’Europe pour résister à toute directive, toute nouvelle législation venant de Bruxelles ou Strasbourg remettant en cause les droits et conditions de la classe ouvrière.
Pour une Europe des peuples
Aux élections de 2004, le manifeste du SSP se prononçait pour une Europe sociale et pour la lutte avec toute la gauche d’Europe pour un ensemble de réformes radicales :
– un salaire minimum européen,
– un minimum retraite européen,
– un impôt sur la fortune européen,
– une Europe sans nucléaire,
– des directives plus strictes sur les émissions de carbone, les pollutions et les produits toxiques,
– la responsabilisation des patrons envers l’impact social et écologique de leur business,
– un service public gratuit de rail, bus et ferry comme alternative au transport aérien,
– le remplacement de la politique agricole commune par une autre qui verse les subventions à la l’agriculture familiale locale et biologique.
[2]
En même temps, nous étions, et restons, très critiques envers les structures verticales de la bureaucratie de l’Union. La commission est non élue et ne rend pas de comptes. Derrière le prétexte de la compétitivité, la commission a promu un programme de privatisations qui menace l’existence de la compagnie écossaise publique de ferrys Calmac.
Le SSP revendique que le gouvernement écossais rejette toute exigence européenne de privatisation de quelque service public écossais que ce soit.
De récents arrêts de la Cour de justice européenne, interprétant la législation en faveur des entreprises de construction, qui tentent de baisser encore plus les salaires et de liquider les syndicats, a donné lieu une vague d’actions dans les entreprises au Royaume Uni (GB + Irlande du Nord), actions que le SSP a soutenues activement tout en avertissant des dangers de slogans xénophobes tels que « les emplois britanniques pour les travailleurs britanniques ».
Nous nous opposerons à toute tentative de créer un Etat fédéral régimenté au niveau européen. Nous sommes pour une nouvelle Union, basée sur la démocratie, la diversité et la décentralisation. Comme premier pas, nous allons mener campagne avec la gauche à l’échelle européenne pour la réduction de la commission européenne au statut d’un organisme de gestion, qui se limite à mettre en œuvre les décisions et à transmettre l’information.
Retrait britannique ?
Quelle position devons-nous adopter face à la question d’un retrait britannique ? Est-ce qu’une victoire des forces anti-européennes au Royaume-Uni serait progressiste ? Est-ce que ce serait une victoire pour la gauche, ou un triomphe pour la droite ?
Lors du référendum de 1975, la grande majorité de la gauche britannique, ainsi que le Parti national écossais et le Parti gallois Plaid Cymru, s’était opposée à l’entrée dans le Marché commun d’alors. A l’époque, l’opposition de gauche à la création d’un bloc européen avait une logique claire. La gauche était puissante en Grande-Bretagne : les syndicats venaient de renverser un gouvernement conservateur ; le Labour au gouvernement s’était engagé, sur le papier, à appliquer une répartition radicale des richesses en faveur de la classe ouvrière ; la sécurité sociale et l’Etat-providence en Grande-Bretagne faisaient des envieux dans le monde entier, et le Royaume Uni avait une longue tradition de démocratie parlementaire qui, dans la mémoire collective, avait survécu aux victoires du fascisme dans la plus grande partie de l’Europe.
L’anti-européisme d’une grande partie de la gauche britannique s’était forgé dans ces conditions. Mais les temps ont changé, et les raisons de soutenir un retrait n’existent plus. Ces vingt dernières années, le Royaume-Uni a mené avec les USA une croisade mondiale pour privatiser les services publics et déréguler le gros business ; baisser les impôts des riches ; encourager l’argent facile. Même les leaders de droite Sarkozy et Merkel critiquent « les pays anglo-saxons » pour avoir entraîné l’économie mondiale dans une crise grave, en diffusant la culture de la dérégulation sans frein.
Une victoire pour la droite
La Grande-Bretagne a l’écart de richesses, entre riches et pauvres, le plus grand de toute l’Europe et le plus grand nombre de milliardaires. Elle a la législation la plus anti-syndicale du continent. Son gouvernement a été le plus assoiffé de sang dans son soutien à la guerre en Irak. Ses gouvernements successifs ont été les plus coopératifs avec les directives les plus à droite de l’Europe sur les privatisations, tout en résistant aux mesures progressistes sur l’environnement et les conditions de travail.
La Grande Bretagne n’est pas la Norvège qui a su résister à l’Union pour protéger son système de services publics. Sans l’Europe, le Royaume-Uni ne serait pas plus progressiste. A ce même moment, l’année prochaine, David Cameron et les conservateurs sont presque certains d’être au gouvernement. Comme Thatcher, Major, Blair et Brown, un Cameron n’a pas besoin de l’excuse des directives européennes pour aller de l’avant dans les privatisations de services publics. La Grande-Bretagne est déjà à la droite de l’Europe, et semble sur le point de subir une autre inflexion vers la réaction.
En même temps, la gauche y est plus faible que presque partout ailleurs. Les 3 principaux partis (Labour, Conservateurs, Libéraux) soutiennent tous l’armement nucléaire, plus de privatisations et des coupes dans les budgets publics pour « équilibrer les comptes ». En Europe, même les partis de droite sont plus à gauche. Dans cet état de chose, sortir de l’Europe serait une victoire, non pour la gauche, mais pour la droite. Ceux qui danseraient dans les rues le feraient au son du « Rule Britannia », pas de l’Internationale, et les forces qui auraient le plus à célébrer seraient celles de l’extrême droite.
L’indépendance de l’Ecosse
En revanche, la revendication de sortie de l’Ecosse du Royaume-Uni est une idée de gauche, progressiste. Le SSP a beaucoup de critiques à faire au SNP qui dirige l’Ecosse. Mais au contraire des partis représentés à Westminster, il rejette les armes nucléaires, il résiste au racisme et aux privatisations.
Le SNP n’est pas et ne sera jamais un parti socialiste ; mais au contraire du Labour, des conservateurs et libéraux-démocrates, c’est un parti de centre-gauche. Le rapport de forces en Ecosse est extrêmement favorable à la classe ouvrière et cela risque de s’accentuer encore avec la déroute des deux principales institutions capitalistes du pays, la Royal Bank of Scotland et la Bank of Scotland.
En ce moment la coalition « NO2EU », tout en soutenant le concept de droite de « souveraineté britannique », s’oppose à la revendication progressiste d’indépendance de l’Ecosse. Les forces principales de la coalition sont le parti communiste, le syndicat RMT et le Socialist Party of England and Wales (membre du CIO). Leur tête de liste en Ecosse est John Foster, leader du PCGB et opposant à l’indépendance de l’Ecosse.
La liste des candidats pour l’Ecosse n’a même pas été décidée en Ecosse. Elle a été mise au point à Londres par les organisations citées, ainsi que la petite organisation en crise « Solidarity », qui depuis sa sortie du SSP, en 2006, a été dominée numériquement par les deux fractions contrôlées depuis Londres, le SWP et le SP-CIO.
Les élections du 4 juin
[et non le 7 comme en France]
Le SSP a été tardivement invité à se joindre à NO2EU (après avoir eu de ses nouvelles via le Daily Mail). Nous avons des critiques à faire sur la façon dont la coalition a été lancée depuis Londres, avec des individus écossais sélectionnés pour participer aux réunions du comité d’organisation préparant l’annonce publique. Le suffixe de NO2EU (« Oui à la démocratie ») contraste de façon éclatante avec la méthode bureaucratique, du haut vers le bas, avec laquelle la coalition a été constituée.
Nous comprenons également que NO2EU a déclaré qu’elle refuserait le cas échéant de siéger au parlement européen. Le SSP, pour sa part, n’a jamais été un parti abstentionniste. Si nous avions un élu, il ou elle se battrait avec les autres partis de la gauche radicale à Strasbourg pour une politique progressiste qui améliore la vie des gens ordinaires. Nous insisterions, comme nous le faisons à chaque élection, sur le fait que nos élus vivent avec le même salaire qu’un ouvrier qualifié, avec tous leurs frais contrôlés par le parti pour éviter la corruption.
Ce sont cependant des points secondaires. Si nous nous présentons le 4 juin, comme nous l’avons fait à chaque élection nationale depuis notre fondation en 1998, c’est parce que nous avons de sérieuses divergences avec NO2EU sur l’indépendance écossaise et sur l’Europe.
Nous viserons un électorat plus large. NO2EU prendra quelques voix au Labour, qui auraient pu aller à l’UKIP. Le SSP centrera sa campagne en direction des électeurs pro-indépendance avec un point de vue internationaliste.
Au-delà de ces élections, nous maintiendrons des relations amicales et continuerons à travailler de façon constructive, sur des campagnes spécifiques, avec d’autres socialistes principiels tels que le Parti communiste britannique et le RMT.