Dimanche 1er février, la neuvième édition du Forum Social Mondial (FSM) se clôture à Belém au Brésil avec l’Assemblée des assemblées. Cette nouvelle « instance » du FSM nous a permis d’écouter les différentes déclarations rédigées le matin par les Assemblées thématiques (assemblées anti-guerre, féministe, indigène, de soutien au peuple palestinien, crise financière, climat, souveraineté alimentaire, dette…). La déclaration de l’Assemblée des mouvements sociaux a également été présentée [1]. Mais ce nouvel espace de convergence, sous forme de synthèse du Forum, a rencontré une faible participation puisqu’il a seulement réuni environ un millier d’altermondialistes (sur les 130 000 enregistrés au FSM). Les conditions météorologiques y sont évidemment pour beaucoup mais la pluie n’est pas la seule explication puisque aucune traduction n’était assurée… Ce problème récurrent sera sans doute abordé lors du Conseil International du FSM qui se tient à Belém les 2 et 3 février. Saluons au passage les traductions improvisées des membres du réseau CADTM lors de ses nombreux ateliers.
Cette Assemblée des assemblées a mis en évidence les liens étroits entre les différentes luttes qui ont comme ennemi commun le système capitaliste. En effet, l’aspect systémique des crises actuelles (alimentaire, économique, environnementale) a été souligné dans la plupart des déclarations d’assemblées thématiques. La déclaration « dette » lue par Camille Chalmers (PAPDA - membre haïtien du réseau CADTM [2] et Jubilé Sud) fut également offensive contre le modèle capitaliste et porteuse de revendications précises . Après une brève description de la conjoncture économique internationale avec notamment l’explosion de la dette publique externe et interne liée à la crise économique mondiale dont les pays du Sud ne sont pas responsables et des avancées progressistes menées dans certains pays d’Amérique latine (Bolivie, Venezuela et Equateur), la déclaration a mis en avant l’audit officiel de la dette équatorienne, une expérience importante pour les mouvements sociaux de tous les continents.
Un soutien public à Maria Lucia Fatorelli, ex membres de la CAIC (Commission équatorienne de l’audit de la dette externe et interne) et animatrice de l’audit citoyen de la dette du Brésil, a également été exprimé. En effet, cette dernière qui est également haut fonctionnaire du ministère des Finances au Brésil fait l’objet d’une violente campagne de diffamation menée par le journal de droite O Globo. Ce journal l’accuse de travailler contre les intérêts de son pays du fait de sa participation à la CAIC. Or, cet acharnement médiatique est totalement injustifié puisque Maria Lucia Fatorelli n’était pas chargée d’auditer les dettes bilatérales comme celles à l’égard du Brésil… Fort heureusement, les conférenciers et le public présents aux trois ateliers co-organisés par le CADTM sur les audits de la dette l’ont vivement applaudie et salué son remarquable travail au sein de la CAIC.
En effet, Maria Lucia Fatorelli est intervenue comme conférencière dans l’atelier consacré aux audits de la dette en Amérique latine aux côtés notamment d’Eric Toussaint et d’Ivan Valente qui est député fédéral brésilien du P-SOL et initiateur de la Commission d’enquête parlementaire sur l’audit de la dette brésilienne. Cette conférence a réuni pas moins de 500 participants dont une grande partie milite au P-SOL. L’ambiance était donc au rendez-vous avec des slogans contre la dette et la politique néo-libérale de Lula. Soulignons que le service de la dette pèse énormément au Brésil puisque le gouvernement consacrait en 2008, 30,6% de son budget contre seulement 4,81% pour la santé et 2,57% pour l’éducation [3] ! Maria Lucia Fatorelli est également intervenue dans un atelier sur l’audit en Equateur aux côtés d’Eric Toussaint, Alberto Acosta (ancien président de l’Assemblée constituante de l’Equateur) ainsi que l’actuelle ministre des Finances de l’Equateur, hostile à la plupart des conclusions de la CAIC. Malgré des divergences plus ou moins grandes entre les différents panélistes (sur le montant des dettes illégitimes, sur la méthode de résolution : la voie judiciaire ou l’acte souverain de répudiation de la dette…), chacun s’accordait sur le fait que l’exemple équatorien constitue un exemple historique et un espoir pour les mouvements sociaux engagés dans des processus d’audits de la dette.
Rappelons ici que des initiatives parlementaires ont émergé récemment au Zimbabwe, en Italie, en Belgique et au Paraguay. L’audit de la dette paraguayenne a d’ailleurs été au cœur des discussions durant ces ateliers. En effet, le Paraguay a - dans le cadre du Traité odieux d’Itaipú conclu sous les deux dictatures au Brésil et au Paraguay en 1973 - une dette de 9,5 milliards de dollars envers le Brésil via l’entreprise brésilienne Electrobras. Cet accord sur l’exploitation des ressources hydroélectriques du Paraguay et du Brésil recèle également un certain nombre d’irrégularités et certaines de ses dispositions sont violées [4]. Ce scandale doit aujourd’hui cesser pour que les besoins humains fondamentaux du peuple paraguayen soient enfin assurés. C’est pourquoi une commission d’audit de la dette pourrait voir le jour très prochainement avec la participation du CADTM parmi les experts internationaux. Comme pour l’Equateur, l’objectif est de rendre cet audit officiel pour avoir accès à tous les documents (contrats de prêts, documents sur le Traités d’Itaipu…) afin d’identifier toutes les dettes illégitimes et pousser le gouvernement de Lugo à prendre des mesures radicales comme la répudiation de la dette du Paraguay et la révision profonde du Traité d’Itaipu. Les mouvements sociaux du Paraguay et d’ailleurs ont donc un rôle à jouer pour soutenir cet audit de la dette.
En Equateur également, la pression citoyenne doit continuer pour que le président Correa répudie toutes les dettes illégitimes décelées par le rapport de la CAIC. Il est tout à fait regrettable de constater que ce dernier n’a pas dit le moindre mot sur ce sujet lors de la conférence de Chefs d’Etat (Correa, Morales, Chávez) organisée le 29 janvier en marge du FSM. Il est urgent que les présidents Chávez et Morales concrétisent enfin leurs engagement de mener ces audits de la dette. Camille Chalmers, qui a introduit cette conférence, n’a d’ailleurs pas manqué de le leur rappeler ! Enfin, à ce front uni contre la dette, il faudra le soutien de l’ensemble des citoyens du Sud et du Nord. Nous devons tous pousser nos gouvernements et parlements à faire ces audits de la dette. En Belgique, le gouvernement refuse toujours d’appliquer la résolution du 29 mars 2007 adoptée par le Sénat, qui demande expressément l’arrêt du paiement de la dette des pays du Sud ainsi que la mise en place d’un audit sur une partie de ces créances. Cet immobilisme politique, injuste et méprisant, ne s’arrêtera pas si nous laissons faire !