En 1970, le journaliste François-Henri de Virieu réalisait un documentaire visionnaire consacré à l’évolution du métier de paysan, baptisé Adieu coquelicots. Près de quarante ans plus tard, des scientifiques de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) lui donnent raison. La révolution agricole a décimé les fleurs des champs et les mauvaises herbes. Le paysage en a souffert, mais ce n’est pas tout. Les scientifiques évoquent une perte de biodiversité importante, sans doute lourde de conséquences pour la faune des campagnes.
Les chercheurs de l’INRA de Dijon ont analysé 158 parcelles, plusieurs années de suite, à environ trente ans d’intervalle. « Nous avions la chance de disposer d’une série de relevés datant des années 1970, explique Xavier Reboud, directeur de l’unité biologie et gestion des adventices - les mauvaises herbes - à Dijon. Nous avons pu retourner exactement dans les mêmes parcelles et mesurer l’évolution. » Résultat : pratiquement la moitié des espèces de mauvaises herbes ont disparu. Un résultat, publié dans la revue Biological Conservation de janvier 2009, dont l’ampleur a « surpris » l’équipe. Les chercheurs ont retrouvé un tiers environ des espèces disparues au bord des parcelles. Il y a donc aujourd’hui plus de biodiversité autour des champs cultivés qu’à l’intérieur.
Ce résultat marque aussi un succès : les agriculteurs ont réussi à « nettoyer » leurs terres des ennemis des cultures et à augmenter considérablement les rendements. Ils ont rempli la mission qui leur avait été confiée : nourrir la population. Mais l’utilisation d’herbicides et d’engrais, les labours profonds, l’utilisation de chaux pour amender les terres, l’irrigation ont détruit une partie de la flore, et sans doute de la faune des campagnes.
POLLINISATEURS
Car les adventices, contrairement à leur mauvaise réputation, sont utiles. Leurs graines alimentent les oiseaux, leurs fleurs les insectes pollinisateurs. Les travaux menés au Muséum d’histoire naturelle sur les populations d’oiseaux communs, considérées comme un bon indicateur de biodiversité, le confirment. Entre 1989 et 2006, l’abondance des oiseaux communs a baissé de 30 % en milieu agricole et est restée stable dans les villes.
Faut-il en arriver à protéger les bleuets, les chardons, l’ivraie et le chiendent ? Sans aller jusque-là, M. Reboud estime qu’un « effort particulier » devrait être fait pour préserver les bords des champs et des chemins, afin de « contribuer au maintien de la biodiversité ». Et dans les champs ? La division par deux de l’usage des pesticides, si possible d’ici à dix ans, fait partie des principaux chantiers du Grenelle de l’environnement.
Des pistes existent pour diminuer le recours aux produits chimiques. Mais remplacer les désherbants par du travail mécanique ne suffit pas. C’est tout le système de production, qui repose sur la spécialisation des cultures et l’utilisation préventive de la chimie, qu’il faudra repenser pour parvenir à l’objectif.
Sur le Web :
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