Les perspectives sont sombres pour les récifs coralliens, qui figurent parmi les écosystèmes les plus riches, mais aussi les plus fragiles de la planète. L’Initiative internationale pour les récifs coralliens (ICRI) et l’Initiative française pour les récifs coralliens (Ifrecor) ont rendu public, mercredi 18 février, le bilan mondial de leur état. Ce travail, réalisé tous les quatre ans, mobilise quelque 400 chercheurs de 96 nationalités.
Selon leurs observations, le monde a définitivement perdu 19 % de ses récifs, 15 % risquent de disparaître dans les dix ou vingt prochaines années, et 20 % supplémentaires sont menacés de disparition dans les vingt à quarante ans si rien ne change. Et ceci sans même tenir compte des effets du réchauffement climatique, qui constitue une menace pour la totalité de ces écosystèmes.
Les coraux abritent une vie foisonnante : un tiers des espèces marines décrites en dépendent. Leur survie est donc un enjeu pour la préservation de la biodiversité mondiale. Elle est aussi cruciale pour les 500 millions d’êtres humains qui en tirent leur alimentation. « Ils rendent d’autres services aux hommes, en protégeant les côtes contre les assauts de la mer, et en permettant le développement du tourisme », explique Bernard Salvat, le spécialiste des récifs coralliens qui représente la France à l’ICRI. Selon une estimation du Programme des Nations unis pour l’environnement (PNUE), chaque kilomètre carré génère entre 81 000 et 488 000 euros de revenus.
Ces récifs subissent plusieurs types de pressions liées aux activités humaines et à l’augmentation de la population. La principale cause de leur dégradation est la destruction du couvert végétal à terre, qui, générant un afflux de particules dans les eaux, étouffe les coraux. Les polluants chimiques ou bactériologiques y aboutissent également.
BLANCHISSEMENT
La surpêche et l’utilisation de méthodes destructrices, comme la pêche au cyanure ou à l’explosif, contribuent également largement à leur mauvais état. Les récifs sont aussi détruits par la construction de ports ou de marinas, les prélèvements de sable pour le bâtiment, le piétinement des touristes...
Le réchauffement climatique, qui provoque leur blanchissement, constitue l’autre grande menace. Quand la température de l’eau augmente, les coraux expulsent des algues microscopiques qui leur fournissent leur nourriture et leur donnent leurs couleurs. Cependant, après 1998, année marquée par un important blanchissement, certains récifs ont « bien récupéré », note le rapport. Mais ce gain a été anéanti par les pertes consécutives au tsunami de 2004 et au blanchissement de 2005, qui a surtout touché les Caraïbes. Les coraux ne survivraient pas à des épisodes répétés comparables à celui de 1998.
Si la situation est alarmante, l’engagement des autorités progresse partout dans le monde, notent les experts. Les pays développés touchés par ce problème (Etats-Unis, Australie, Japon) établissent des aires marines protégées. La France, qui possède un dixième des récifs mondiaux, a obtenu le classement des récifs calédoniens au Patrimoine mondial de l’humanité. Dans le Sud-Est asiatique, particulièrement concerné, l’Indonésie anime une initiative baptisée « Triangle de corail ». « La prise de conscience est importante dans les pays en développement, mais ils manquent dramatiquement de moyens financiers et de ressources humaines », constate M. Salvat. Et, partout, le respect et le contrôle des mesures de protection restent problématiques.