Dans un avis sur la gestion des risques sanitaires liés à l’amiante, rendu public mardi 17 février, l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Afsset) affirme qu’« une révision de la réglementation actuelle est justifiée ». Cette recommandation vise à tenir compte des dangers avérés et potentiels des fibres fines et des fibres courtes de ce minéral, alors que seules les fibres longues sont prises en considération pour évaluer la pollution d’un lieu.
Peu coûteux, résistant au feu, aux frottements, comme aux agressions chimiques, l’« or blanc » avait tout pour plaire, et il a été massivement utilisé au cours du XXe siècle, même si, dès 1906, ses risques pour la santé commençaient à être connus. En France, son usage a été restreint à partir des années 1970, mais ce n’est qu’en 1997 que l’usage de l’amiante a été interdit. L’expertise collective effectuée en 1996 par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) évaluait à 100 000 le nombre des décès prévisibles liés à des expositions à l’amiante en France pour la période 1995-2025.
« La crise liée à l’amiante est à l’origine de la création de l’Afsset », estime le directeur général de l’Agence, Martin Guespereau, pour souligner l’importance du sujet. Mais, la réglementation en vigueur et les seuils en deçà desquels l’exposition humaine est considérée comme acceptable ne prennent en compte que les fibres longues d’amiante (FLA) : 100 fibres par litre d’air et par heure en exposition professionnelle ; 5 f/l en environnement général.
LES ÉCOLES DES ANNÉES 1970
Or, une publication scientifique de 2003 examinant les articles publiés concluait que les fibres d’amiante induisaient « une réponse pathologique quelle que soit leur longueur », ainsi que le résume l’avis de l’Afsset. L’Agence a été saisie par les autorités en février 2005 pour évaluer les risques sanitaires liés aux fibres courtes (FCA). Une saisine complémentaire, en 2007, a étendu le champ d’investigation aux fibres fines (FFA).
« Les experts que nous avons réunis sont arrivés à la conclusion que les FFA sont au moins aussi dangereuses que les fibres de plus grosse dimension. Pour les FCA, c’est plus compliqué : il n’y a pas de risque évident, mais on ne peut l’écarter », résume Martin Guespereau.
L’avis de l’Afsset aboutit à réviser et à actualiser la manière de calculer le contenu en fibres du « nuage » d’amiante. « Les FFA, que l’on peut à présent mesurer grâce à des progrès en matière de microscopie électronique, peuvent représenter 20 % du nuage », précise M. Guespereau. L’avis incite les pouvoirs publics à donner un « tour de vis » à la réglementation en abaissant les valeurs plafonds autorisées.
Les experts de l’Afsset citent l’exemple des revêtements de sol contenant de l’amiante, tels que l’on peut les trouver dans des écoles datant des années 1970. « Les passages répétés des chaussures des enfants abrasent ce revêtement. Dans une école, les mesures étaient négatives lorsqu’on ne recherchait que les FLA, explique Guillaume Boulanger de l’Afsset, qui a coordonné l’expertise. Les mesures des FCA ont révélé jusqu’à 630 fibres par litre d’air. Régulièrement nous retrouvons 100 à 200 fibres courtes par litre. »
Les experts de l’Afsset ont associé des collègues étrangers à leurs recherches et le débat sur les FFA et les FCA est également mené aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et en Finlande. « Nous voulons resserrer les mailles du filet afin de diminuer autant que faire se peut les expositions, aussi bien professionnelles qu’en population générale », affirme M. Guespereau. L’Afsset finance également des études sur la concentration en FCA et FFA dans des centaines d’échantillons d’air prélevés en région parisienne, ou sur les problèmes liés à des affleurements naturels d’amiante (Corse, Nouvelle-Calédonie).
Les éléments nouveaux apportés par les experts de l’Afsset ne devraient pas modifier fondamentalement les prévisions du nombre de victimes de l’amiante, fondées sur des projections construites à partir des décès actuellement observés. Mais ils conduiront à mieux prévenir les expositions négligées. « Avec l’interdiction de 1997, la France a supprimé la majorité des expositions, mais le problème de l’amiante n’est pas encore réglé », estime Martin Guespereau.
Sur le Web : www.afsset.fr
Paul Benkimoun
DES RÉSISTANCES À L’INTERDICTION COMPLÈTE
Dans le cadre du règlement Reach sur les produits chimiques, la Commission européenne doit examiner, les 19 et 20 février, des dérogations sur les produits contenant de l’amiante. Si la Commission, puis le Parlement donnaient leur feu vert, « la mise sur le marché ou l’utilisation d’articles contenant des fibres d’amiante » installés ou en service avant le 1er janvier 2005 continuerait « d’être autorisée jusqu’à leur élimination finale ou leur fin de vie utile ». La Confédération européenne des syndicats et les associations anti-amiante s’y opposent. En novembre, les pays utilisateurs, appuyés par le Canada, ont obtenu que l’amiante ne soit pas inscrit sur la liste des produits dangereux dans le cadre de la convention de Rotterdam.
DIFFÉRENTS TYPES DE FIBRES
Longues (FLA) Selon l’OMS, ce sont des fibres longues de plus de 5 mi-cromètres (millionième de mètre ou µm), ayant un diamètre inférieur à 3 µm et un rapport longueur-diamètre supérieur à 3 µm.
Courtes (FCA) Elles ont les mêmes caractéristiques que les FLA hormis leur longueur, comprise entre 0,5 et 5 µm.
Fines (FFA) Elles diffèrent des FLA par leur diamètre, qui est inférieur à 0,2 µm.