Toutes deux favorables au dépassement de la LCR, les deux plateformes en présence, lors du 18e Congrès de la LCR, s’opposaient sur l’appréciation du processus en cours ainsi que sur l’orientation politique souhaitable pour le NPA, notamment en termes de relations unitaires à la gauche du PS.
Pour la plateforme A (PFA, majoritaire), la dynamique de construction des collectifs NPA comme la nature des documents en discussion pour le congrès de fondation « nous permettent de nous faire une opinion sur ce nouveau parti : un parti anticapitaliste, féministe, écologiste, internationaliste, pour une transformation révolutionnaire de la société et pour le socialisme… » Plusieurs amendements visant à « mandater » les militants de la LCR afin qu’ils pèsent pour « renforcer les textes » sur « l’autonomie de la jeunesse », « la lutte contre le sexisme et l’homophobie », « la centralité de la classe ouvrière », ou « le caractère militant du parti » ont été très largement repoussés (7,5 % pour), les délégués estimant qu’une telle intervention était superflue au vu des débats existants dans le NPA.
En conclusion, pour la PFA, « être tous ensemble dans le NPA est la conclusion logique du processus engagé. Cela nécessite de dissoudre la LCR. Un choix enthousiasmant tourné vers l’avenir, qui a besoin de tous les militants de la LCR dans le NPA. Comme il a besoin de militants nouveaux venus d’autres sensibilités ou courants politiques, socialistes, communistes, écologistes, libertaires, révolutionnaires, du mouvement social… qui ont commencé à se rassembler et qui ensemble assureront le succès du nouveau parti ».
Le document proposé par la plateforme B (PFB, minoritaire) présentait le NPA comme devant « permettre de franchir un premier pas. Il doit être un levier, une étape vers un rassemblement », et il insistait sur le fait que « dans la perspective de ce nouveau parti, le NPA ne peut se satisfaire d’être adossé au seul courant politique national qu’a représenté la LCR, ni reprendre les vieilles formules de regroupement des seuls courants révolutionnaires ». Enfin, la PFB soulignait « l’urgence de faire converger les forces disponibles, à la gauche du PS, dans une coalition électorale aux élections européennes de 2009 ».
À l’issue d’un ultime débat, reprenant ceux menés depuis plusieurs mois dans les sections et les fédérations de la LCR, le document présenté par la PFA – « Dépasser la LCR dans le NPA » – a recueilli 87,2 % des voix (11,5 % contre, 1,3 % d’abstentions). Le texte présenté par la PFB – « Pour dépasser vraiment la LCR ! » – a recueilli 12,2 % des votes (86,5 % contre, 1,3 % d’abstentions).
Restaient donc à traiter les conséquences de cette décision, à commencer par la gestion des rapports avec la IVe Internationale (lire article ci-dessous). Mais aussi, les questions organisationnelles et financières de cette dissolution politique. Afin d’assurer la poursuite du versement de l’aide publique aux partis politiques (fondée sur les résultats obtenus par la LCR aux élections législatives de juin 2007), le congrès a décidé, à l’unanimité, le maintien d’une « structure LCR », la constitution d’un « comité de suivi » et le versement au NPA de l’intégralité de la subvention publique (une fois déduite la cotisation de l’ex-LCR à la IVe Internationale).
Le congrès s’est achevé par un apéritif convivial, quelques « anciens » – dont certains avaient assisté, en avril 1969, au congrès de fondation de la Ligue communiste – s’étant joints aux délégués. Au final, il n’y avait dans l’assemblée ni regrets, ni nostalgie. Mais, bien sûr, de l’émotion. Et aussi, une certaine fierté d’avoir été capables de se dépasser, à rebours des logiques boutiquières et conservatrices qui prévalent souvent. Et, enfin, beaucoup d’espoir et de confiance pour la nouvelle aventure qui commence.
François Coustal
IVe INTERNATIONALE : Clarifier les relations
La LCR était section française de la IVe Internationale, le NPA ne le sera pas. Non parce que nous pensons que nos idées fondamentales sont dépassées, mais parce que nous croyons qu’il y a une nouvelle époque, qu’il faut actualiser notre programme, et qu’il faut de nouveaux partis, de nouveaux instruments pour intervenir dans la lutte de classe. Le NPA ne pourrait être section française de la IVe Internationale, parce qu’il a vocation à être un parti pluraliste, un parti qui favorise les convergences entre des expériences et des courants d’origines diverses – communistes, socialistes, syndicalistes –, un parti qui vise à prendre le meilleur de toutes les traditions révolutionnaires. Or, l’histoire a fait que la IVe Internationale, et plus précisément « notre IVe Internationale », est un courant nettement délimité historiquement.
Dans ces conditions, le NPA, comme à sa manière la IVe Internationale, doit contribuer à construire un nouveau rassemblement international, une nouvelle convergence de toutes les organisations de la gauche anticapitaliste, une nouvelle Internationale. Mais, nous le savons, il n’y aura pas de simultanéité entre construction de partis nationaux et construction d’une nouvelle Internationale. C’est pourquoi nous poursuivrons la construction de la IVe Internationale, tant qu’il n’y aura pas une nouvelle Internationale.
Dans cette perspective, le congrès a proposé que le NPA prenne en charge toute une partie des relations que la LCR avait avec l’Internationale, que les responsables du NPA soient invités comme observateurs aux réunions et instances de la IVe Internationale.
Il a aussi décidé qu’Inprecor prenne une nouvelle place dans l’information des militants de la IVe Internationale. Enfin, il a proposé la tenue, dès la fin 2009, d’assemblées générales de préparation du congrès mondial de la IVe Internationale (qui aura lieu en 2010). En revanche, à l’heure de constituer le NPA, le congrès a jugé que les ex-militants de la LCR ne devaient pas constituer de regroupement permanent séparé, d’où le refus de créer une association des membres de « la IV » dans le NPA, proposition qui n’a obtenu que 12 % des voix. L’ensemble des autres propositions a été approuvé par 87 % des congressistes.
François Sabado
LA LCR 1969-2009 : Il était une fois la Ligue...
Jeudi 5 février, le 18e Congrès de la LCR a décidé sa dissolution, prélude à la fondation du Nouveau Parti anticapitaliste. La LCR – « la Ligue » –, fut une aventure qui, sous des noms différents (Cercles des diffuseurs de Rouge, Ligue communiste, Front communiste révolutionnaire et, enfin, Ligue communiste révolutionnaire) a duré près de 40 ans.
1969, avril
La Ligue communiste ! À l’automne 1968, un courant révolutionnaire composé de militants issus de la Jeunesse communiste révolutionnaire, du Parti communiste internationaliste – deux organisations dissoutes par le gouvernement en juin 1968 – et de « militants de Mai » se regroupe autour d’un nouveau journal, Rouge. Après plusieurs mois de discussions, la Ligue communiste est créée : elle se définit comme une organisation révolutionnaire, se réclamant de la tradition léniniste et antistalinienne. Elle devient la section française de la IVe Internationale, le mouvement créé par Léon Trotsky. Très vite, c’est le baptême du feu, avec la candidature d’Alain Krivine, 27 ans, bidasse, à l’élection présidentielle .
1972, juin.
« Quand ils seront ministres ». C’est le titre de la brochure publiée par la Ligue quelques jours après la signature du programme commun de gouvernement entre le PS, le PCF et les radicaux de gauche. Comment prendre en compte l’aspiration du peuple de gauche à l’unité et au changement, tout en dénonçant l’impasse que constituent les solutions réformistes ? Comment conserver son indépendance politique vis-à-vis de la gauche institutionnelle, sans sombrer dans l’isolement sectaire ? Autant de débats qui vont traverser la Ligue… pendant de nombreuses années !
1973, juin.
Meeting fasciste, meeting interdit. Au printemps 1973, la Ligue joue un rôle de premier plan lors des mobilisations lycéennes et étudiantes contre la loi Debré (suppression des sursis militaires). En juin, elle est à l’initiative d’une manifestation pour empêcher la tenue d’un meeting raciste d’Ordre nouveau (extrême droite) que protège la police. À la suite des affrontements, la Ligue communiste est dissoute par le gouvernement. Les militants se réorganisent autour du journal Rouge et seront bien présents lors de la grande manifestation de soutien aux travailleurs de Lip, puis dans les mobilisations en solidarité avec le peuple chilien victime de Pinochet.
1974, mai.
Sous l’uniforme, tu restes un travailleur. Reprenant une liste de revendications sociales et démocratiques, « l’Appel des cent » circule dans les casernes et recueille rapidement des milliers de signatures. Depuis des années, la Ligue développe une intervention revendicative et antimilitariste en direction des appelés. Bientôt, des dizaines de comités de soldats vont s’organiser, éditer des bulletins et même organiser des manifestations d’appelés en uniforme, avec le soutien d’une partie du mouvement syndical.
1976, mars.
Et Rouge devint quotidien. Pour se donner les moyens de répondre au jour le jour à l’évolution de la situation politique et sociale, notamment dans la perspective de l’arrivée de la gauche au pouvoir, la Ligue transforme Rouge en quotidien. Après une première phase de succès, l’aventure s’avère au-delà des moyens financiers de l’organisation. Rouge retrouvera son rythme hebdomadaire de publication en 1979.
1977, automne.
Pas de socialisme sans libération des femmes. Après 1968, l’irruption du mouvement de libération des femmes a secoué la Ligue et provoqué des débats sur le féminisme et le mouvement autonome. Luttes contre l’oppression spécifique, mobilisations pour le droit à la contraception et à l’IVG, discriminations salariales, violences : le courant féministe de « lutte de classe » tente de penser l’articulation entre exploitation capitaliste et oppression des femmes, entre lutte de classe et luttes féministes. En novembre 1977, sous l’égide du secrétariat « Femmes » de la Ligue, sort le premier numéro des Cahiers du féminisme. Ils paraîtront pendant 20 ans, jusqu’en 1998.
1985, janvier.
Solidarité avec la Kanaky. La Ligue manifeste pour protester contre l’assassinat – par le GIGN et sous un gouvernement de gauche – d’Éloi Machoro, l’un des dirigeants du mouvement indépendantiste en Kanaky-Nouvelle Calédonie. Depuis les années 1970, à de nombreuses occasions, la Ligue a toujours apporté sa solidarité militante aux partisans de l’indépendance socialiste de la Nouvelle Calédonie, en lutte contre le colonialisme français. Comme elle a toujours été présente dans les mobilisations anti-impérialistes : guerre du Viêt-nam, révolution nicaraguayenne, soulèvement zapatiste, lutte du peuple palestinien.
1988, mai.
Une nouvelle politique à gauche ? Pour l’élection présidentielle, la LCR soutient la candidature de Pierre Juquin, dissident du PCF. Avec l’éclosion de dizaines de comités, la campagne est un véritable succès militant… qui ne sera pas confirmé par le résultat électoral. Mais de nouveaux débats se font jour sur la conception du parti à construire et la perspective du dépassement de la LCR.
1989, juillet.
Il y a encore des Bastilles à prendre. Alors que François Mitterrand choisit de fêter le bicentenaire de la Révolution française en accueillant le G7 (les dirigeants des sept pays les plus riches), la Ligue impulse un cartel unitaire – « Ça suffat comme ci » –, qui organise une grande manifestation pour l’abolition de la dette du tiers monde et contre les « saigneurs du monde », ainsi qu’un concert géant, place de la Bastille, avec Renaud et Johnny Clegg (Afrique du Sud). Un avant-goût des grands rassemblements altermondialistes futurs.
1992, novembre.
Nouvelle période, nouveau programme, nouveau parti. Adopté par le congrès national de la LCR, le manifeste « À la gauche du possible » synthétise les débats qu’ont suscités la chute du Mur de Berlin, l’éclatement de l’URSS et la restauration capitaliste : l’effondrement du système stalinien n’est pas la « fin de l’histoire ». La lutte des classes continue. Mais la période a changé : il faut élaborer un nouveau programme pour l’émancipation et bâtir un nouveau type de parti, rassemblant ceux qui veulent en finir avec le système, quelles que soient leurs convictions sur les moyens d’y parvenir.
1995, novembre-décembre.
Contre le plan Juppé. Absente de l’élection présidentielle, la LCR sera en revanche très présente, en novembre et décembre 1995, par l’intermédiaire de ses militants syndicalistes et associatifs, dans les grandes mobilisations – grèves et manifestations – contre le plan Juppé de démantèlement de la Sécurité sociale et face aux premières attaques contre le système de retraites des cheminots.
1999, juin.
Des révolutionnaires au Parlement européen. En dépassant les 5 %, la liste commune LO-LCR permet l’élection de cinq députés révolutionnaires au Parlement européen, dont Alain Krivine et Roseline Vachetta pour la LCR. Cette élection installe durablement la gauche révolutionnaire comme un courant minoritaire mais significatif et légitime dans le paysage politique.
2000, juin.
Une phase de regroupement révolutionnaire. La Ligue a une longue tradition de regroupement avec, notamment, la venue d’un courant du PSU, au début des années 1970, et de la minorité de l’Organisation communiste des travailleurs (OCT), en 1979. En 2000, le 14e Congrès de la LCR vote la fusion/intégration de Voix des travailleurs, une organisation révolutionnaire animée par des militants exclus de Lutte ouvrière. Cette fusion permet, dans le respect des histoires militantes, de rompre avec les logiques d’éparpillement qui ont longtemps prévalu au sein de la gauche révolutionnaire. Par la suite, d’autres courants rejoindront la Ligue, dont une minorité de la Gauche révolutionnaire et l’organisation Socialisme par en bas.
2001, juin.
Interdiction des licenciements. Le 9 juin, plusieurs dizaines de milliers de personnes manifestent contre les plans de suppression d’emplois et réclament l’interdiction des licenciements. L’initiative de cette mobilisation revient aux travailleurs de LU, rapidement rejoints par les intersyndicales d’une série d’entreprises menacées de « restructurations », Solidaires, la FSU et un soutien de la CGT. Fait nouveau, plusieurs partis politiques de gauche prennent toute leur place dans la mobilisation : PCF, LO, Alternative libertaire. Et, bien sûr, la LCR… Fin juin, une conférence nationale de la LCR décide de présenter un candidat à l’élection présidentielle : Olivier Besancenot, 27 ans, facteur.
2002, avril.
Nos vies valent plus que leurs profits. C’est le slogan emblématique de la campagne d’Olivier. Petit à petit, l’affluence aux meetings s’accroît. Sitôt les 500 signatures recueillies, l’accès aux médias permet de faire passer le message à une échelle nouvelle pour la LCR. Le séisme provoqué par l’élimination, dès le premier tour de l’élection présidentielle, du candidat socialiste, Lionel Jospin, éclipse l’incroyable résultat obtenu : 4,25 % ! Mais, dès le 21 avril au soir, dans toutes les villes de France, la Ligue est en première ligne des manifestations anti-Le Pen, qui se développeront pendant quinze jours.
2003, printemps.
« Grève générale, grève générale ». Pendant plusieurs mois, les salariés de l’Éducation nationale s’affrontent aux contre-réformes gouvernementales. D’imposantes manifestations rythment la grève enseignante. Puis, la grève s’étend à toute la fonction publique, face à la volonté du gouvernement de passer à 40 ans le nombre d’années de travail nécessaires à la retraite. Comme de nombreuses équipes syndicales, les militants de la LCR défendent la perspective de la grève générale.
2005, mars.
C’est « non » ! Malgré le soutien de l’ensemble des élites économiques, politiques et médiatiques, le traité constitutionnel européen, libéral, est repoussé par une majorité d’électeurs. C’est le résultat de plusieurs mois d’une intense campagne unitaire, qui a regroupé de nombreuses forces politiques (dont la LCR) et associatives, et impliqué des dizaines de milliers de personnes. En novembre, à la suite de la mort de deux jeunes poursuivis par la police, les quartiers populaires se révoltent et affrontent les forces de répression. Le soutien apporté par la Ligue aux revendications des jeunes contre les discriminations et le harcèlement policier tranche avec la gêne, voire l’hostilité, de la gauche traditionnelle.
2007, juin.
Rassembler les anticapitalistes. Les tentatives de prolonger la coalition du « non » en candidature unitaire à l’élection présidentielle échouent sur la question de l’indépendance vis-à-vis du PS. La LCR décide de présenter Olivier Besancenot. Alors que l’ensemble des autres candidats à la gauche du PS réalisent des scores médiocres, celui de la LCR recueille 300 000 voix de plus qu’en 2002. Un résultat qui donne à la LCR des responsabilités particulières, d’autant que l’échec électoral du PS et, surtout, son incapacité ultérieure à s’opposer à Sarkozy, renforcent la nécessité d’une « gauche qui ne s’excuse pas d’être de gauche ». En juin 2007, la direction nationale de la LCR décide de tester la possibilité de créer un nouveau parti. En août, lors de l’université d’été, Olivier popularise ce projet : « La Ligue a rendez-vous avec son histoire. »
2008, janvier.
Nouveau parti, c’est parti ! Le 17e Congrès de la LCR se fixe l’objectif de « dépasser la LCR » dans un nouveau parti anticapitaliste, « reprenant les meilleures traditions des différents courants du mouvement ouvrier ». Après les élections municipales de mars 2008, plus de 300 comités pour un nouveau parti anticapitaliste se créent. En janvier 2009, ils seront 476, regroupant 9123 militants et militantes. Avec le NPA, une nouvelle aventure commence !
François Coustal
* Paru dans (le dernier) Rouge n° 2286, 12/02/2009.
PLATEFORME A : Et maintenant, le NPA !
Les deux plateformes en présence au 18e Congrès de la LCR tirent le bilan des débats qui ont traversé l’organisation à propos de sa dissolution.
Le congrès de dissolution de la LCR, jeudi 5 février, marque l’aboutissement d’un processus de plus de dix-huit mois. Disons le franchement, c’est avec une certaine fierté devant le chemin parcouru, et avec beaucoup d’enthousiasme, que nous avons tourné la page de la LCR.
Engagé par l’appel de la direction nationale de la LCR, en juin 2007, le projet de fondation d’un nouveau parti anticapitaliste a connu un coup d’accélérateur lors du congrès de la LCR de janvier 2008. Il y a un an, sur la base de premières expériences concluantes, une LCR rassemblée obtenait plus de 82 % pour lancer toutes ses forces dans la bataille du NPA. Pour la première fois, nous fixions un calendrier pour la fondation de ce nouveau parti, fin 2008 ou début 2009. Nous lancions alors un processus irréversible, devant amener à la disparition de la LCR. Un choix audacieux, certes, parfois contesté mais qui, dans les faits, allait être validé par la réussite du processus enclenché.
Le développement de nombreux comités, tout au long du premier semestre 2008, avec une nette accélération à l’issue des élections municipales, était une première étape. Le succès de la réunion de juin, la mise en place d’une équipe d’animation provisoire permettaient de faire basculer progressivement l’activité politique de nos militants de la LCR vers le NPA.
Dans la dernière année, nous avons poursuivi la démarche de rassemblement de la LCR, entamée au dernier congrès. La plateforme que nous présentions à ce congrès a su intégrer une des deux tendances minoritaires du précédent congrès. Rassembler à l’intérieur de la Ligue, pour être mieux à même de rassembler à l’extérieur, telle a été notre ligne de conduite. Mais, surtout, la dynamique de développement du NPA, lors de ces derniers mois, les forces d’ores et déjà accumulées en ce début 2009, ont démontré le bien-fondé de l’orientation que nous avons menée. Avec près de 87 % des voix à ce congrès, le pari du rassemblement de la LCR était de nouveau réussi, à des niveaux sans précédent dans l’histoire de notre organisation.
Symboliquement, nous avons choisi Alain Krivine comme rapporteur de notre texte. Le NPA, ce n’est pas la continuité de la LCR, mais ce n’est pas sa négation non plus. C’est une autre manière de poursuivre le combat que nous menons parfois depuis plusieurs dizaines d’années. Nous avons fait le choix responsable de préserver notre outil international, la IV, sans tenter de faire porter notre histoire par le NPA (lire page 7). Enfin, il faut le noter, c’est à l’unanimité que nous avons voté les éléments permettant de transmettre au NPA le « capital » accumulé par la LCR.
Soudés par notre bilan, et surtout les perspectives à venir, c’est avec une grande sérénité que nous avons abordé ce congrès malgré, parfois, les tentatives de dramatisation outrancières qui, en réalité, traduisaient surtout une certaine extériorité vis-à-vis du processus fondateur. La tenue de ce congrès, l’ambiance qui traversait la salle préfiguraient déjà le sérieux et le succès du congrès du NPA à venir.
Guillaume Liégard
PLATEFORME B : Mauvais final, mauvais départ
Les deux plateformes en présence au 18e Congrès de la LCR tirent le bilan des débats qui ont traversé l’organisation à propos de sa dissolution.
La LCR s’est donc fondue dans le Nouveau Parti anticapitaliste. Peut-on, pour autant, parler d’un véritablement dépassement ? Tant le congrès de dissolution de la Ligue, que celui du NPA, ne permettent pas de répondre par l’affirmative.
Certes, le nouveau parti compte trois fois plus d’adhérents que l’ex-LCR. Mais, pour que cette dernière ne se contente pas d’une métamorphose, il aurait fallu que deux conditions soient réunies. D’abord, qu’elle se mette au clair sur les acquis à partir desquels elle entendait contribuer aux débats dans le NPA : nécessité d’un combat pour un syndicalisme unitaire et de classe, importance cruciale du combat pour l’unité de la classe des travailleurs, définition d’un socialisme s’écartant radicalement de sa monstrueuse caricature totalitaire au cours du xxe siècle, caractère nodal de la démocratie au sein du parti… Ensuite, qu’elle s’accorde sur le message d’ouverture qu’elle entendait porter auprès des adhérents du NPA, afin que celui-ci, loin de tout triomphalisme, devienne au plus vite une formation pluraliste, se voulant non une fin en soi mais un premier pas vers un grand parti rassembleur de toute la gauche anticapitaliste, seul à même de porter dans l’avenir une alternative crédible de rupture avec le système.
Un congrès bâclé, presque expédié à la sauvette dans une ambiance morose, et au cours duquel la préoccupation essentielle de la direction majoritaire fut de dénoncer avec violence sa minorité, ne l’aura pas permis. L’ex-LCR reste aujourd’hui l’unique composante nationale du NPA, le plus significatif des petits groupes d’extrême gauche qui s’en étaient rapprochés n’y ayant finalement pas trouvé sa place. Bien que le nouveau parti excède largement la réalité de l’ex-Ligue, le noyau de la direction de celle-ci sera la force structurante des nouvelles instances dirigeantes. Et, parce que la majorité de la LCR s’est refusée à organiser en toute transparence les militants de la IVe Internationale dans une association spécifique, le NPA va même devoir bricoler, dans la plus complète ambiguïté, la pérennité des liens qui étaient ceux de la LCR avec cette dernière.
De ce fait, au final et sous l’impulsion de la majorité de direction de l’ex-LCR, le congrès du NPA aura pris deux décisions qui pèseront lourd sur l’avenir du parti. Il aura d’une part presque fermé la porte à la proposition d’un front de gauche unitaire aux élections européennes, qui pourrait pourtant offrir un début de répondant anticapitaliste crédible à la colère sociale et de prolonger le « non » populaire de 2005 à l’Europe libérale. Il aura ensuite violé les statuts qu’il venait d’adopter et qui auraient dû conduire à représenter les partisans de l’unité des forces anticapitalistes auxdites européennes proportionnellement à leur influence (un délégué sur six au congrès). Au mépris de toute considération démocratique, le « bureau de congrès » se sera octroyé le droit discrétionnaire de sélectionner lui-même treize candidats parmi les 26 que la sensibilité unitaire avait légitimement présentés en respectant les critères voulus, ce qui permit d’en éliminer treize autres, membres et non membres de l’ex-LCR, parmi lesquels quatre des six membres sortants du CAN provisoire (seuls de cette instance à ne pas se retrouver au nouveau CPN).
Ces pratiques d’un autre âge, conjuguées à la tentation d’un repli (voire d’une ignorance néfaste des fractures qui traversent la gauche), sont un bien mauvais départ pour le nouveau parti. Celles et ceux qui ont jusqu’au bout agi sur une ligne d’ouverture, parvenant d’ailleurs à polariser les débats du NPA, auront à cœur de poursuivre leur combat.
Alain Faradji, Christian Picquet, Francis Sitel
* Paru dans (le dernier) Rouge n° 2286, 12/02/2009.
PLATEFORME A : Relever le défi du dépassement
(8 janvier 2009)
Le XVIIIe Congrès national de la LCR se tiendra le 5 février prochain. Sauf imprévu, il s’agira en fait du dernier, l’enjeu central du débat étant le dépassement de la LCR dans le cadre du nouveau parti anticapitaliste (NPA), dont le congrès de fondation se déroulera immédiatement après, du 6 au 8 février 2009. Convaincu que la discussion qui se mène au sein de la LCR peut intéresser bien au-delà de ses rangs, « Rouge » donne la parole, pour la deuxième et dernière fois, aux deux plateformes constituées pour l’occasion.
« Congrès bâclé », « vision étriquée du NPA », « une simple extension de ce qu’était la LCR », « le nombre d’adhérents escomptés a fondu » : le congrès (de dissolution) de la LCR et le congrès (de fondation) du NPA n’ont pas encore eu lieu… que la plateforme B (PFB) en a déjà tiré le bilan ! Négatif, évidemment… Et, apparemment, avec une certaine délectation.
De fait, ce pseudo-bilan est pour le moins prématuré, en particulier pour ce qui est du nombre de militants qui vont effectivement fonder le NPA dans quelques semaines. Mais il est d’ores et déjà en complet décalage par rapport aux réalités qu’ont pu vivre les militants et les militantes de la LCR qui se sont réellement investis dans le processus de construction du NPA. Aucun d’entre eux, aucune d’entre elles ne peut reconnaître le contenu et le résultat de son activité dans la fable d’un NPA qui ne serait qu’une « simple extension de ce qu’était la LCR » !
En vérité, le NPA regroupe d’ores et déjà des militants issus de bien d’autres traditions que celle qu’a incarnée la LCR – ou même, plus globalement, la gauche révolutionnaire – et, surtout, des nouveaux militants pour lesquels le NPA est le premier engagement « partidaire ». Quiconque a assisté ne serait-ce qu’à une seule réunion d’un collectif NPA a pu constater le très grand pluralisme des références, des aspirations et des réflexions. Là où la PFB préfère retenir une « exaltation » (?) du caractère « révolutionnaire » du NPA, beaucoup ont constaté le succès d’une démarche inédite qui a consisté à faire travailler et débattre plusieurs milliers de personnes de documents de référence qui ne revendiquent pas une vision particulière de l’histoire et du monde, comme c’était le cas de la LCR. Mais qui – c’est vrai – inscrivent le NPA « dans la continuité de celles et ceux qui ont cherché, avec ou sans succès, à renverser l’ordre établi ou à résister à l’oppression ». Faut-il vraiment le regretter ?
La vérité est que, depuis le début, les camarades qui animent la PFB pensent que le projet de construction du NPA engagé par la LCR « ne peut pas marcher ». Donc… il ne doit pas marcher ! Et si le processus rencontre néanmoins quelques succès, ceux-ci ne peuvent être qu’étriqués, jamais à la hauteur des enjeux, etc. Les camarades se targuent de « militer depuis longtemps pour le dépassement de la LCR dans un cadre plus large ». Mais, apparemment, ils ont quelque mal à « passer à l’acte » : il est vrai qu’aujourd’hui, il ne s’agit plus d’une noble posture, mais d’un choix concret. Quand, simultanément, on insiste lourdement sur le fait que le NPA n’est pas « une fin en soi » – ce qui est naturellement vrai de toute forme d’organisation – et que l’on propose par ailleurs de reconstituer immédiatement la LCR sous forme d’une « association IVe Internationale », le message délivré est aux antipodes de ce qui a rendu possible la construction en confiance du NPA : l’engagement de la LCR à se dépasser dans le processus.
La LCR a été une organisation produite par la fusion d’un courant marxiste révolutionnaire et de la radicalisation de la jeunesse dans les années 1960. Par la suite, elle a su s’ouvrir à l’apport d’autres courants de la gauche révolutionnaire et anticapitaliste. Si elle peut aujourd’hui relever, avec audace et sérénité, le défi du dépassement, c’est grâce à son histoire et non malgré elle, grâce aussi à cet apport. Alors, à la veille de dépasser la LCR dans le NPA, il n’est évidemment pas obligatoire d’être enthousiaste. Mais ce n’est pas non plus interdit ! D’autant que c’est vraiment justifié…
PLATEFORME B : Européennes : le choix décisif !
(8 janvier 2009)
Le XVIIIe Congrès national de la LCR se tiendra le 5 février prochain. Sauf imprévu, il s’agira en fait du dernier, l’enjeu central du débat étant le dépassement de la LCR dans le cadre du nouveau parti anticapitaliste (NPA), dont le congrès de fondation se déroulera immédiatement après, du 6 au 8 février 2009. Convaincu que la discussion qui se mène au sein de la LCR peut intéresser bien au-delà de ses rangs, « Rouge » donne la parole, pour la deuxième et dernière fois, aux deux plateformes constituées pour l’occasion.
Ce sera au NPA de décider quelle politique mener pour les élections européennes. Mais c’est à la LCR d’apporter sa contribution quant aux choix qui se présentent. La LCR ne doit pas entretenir le NPA dans l’illusion que l’enjeu de ces élections serait la seule affirmation du NPA. En revanche, la LCR doit chercher à convaincre le NPA de ce que sont ses responsabilités pour ces élections.
Le NPA doit tout faire pour que voient le jour des listes unitaires porteuses d’un clair contenu anticapitaliste. Des listes qui, face à la crise, défendent une alternative à une construction européenne antisociale et antidémocratique. Des listes aptes à susciter une dynamique militante à la mesure du coup de tonnerre que représenta le « non » populaire de 2005.
La LCR ne peut pas expliquer que l’enjeu n’est que tactique, c’est-à-dire secondaire parce que seules comptent les luttes. Notre souci est bien d’améliorer le rapport de force social, mais nous ne pouvons ignorer que ce qui se joue électoralement a des effets sur les mobilisations. La Grèce nous en apporte une nouvelle démonstration : la coalition Syriza pèse électoralement et agit dans le mouvement social… Laisser le champ libre à gauche aux partis ralliés à une Union européenne machine de guerre de l’ultralibéralisme, ce serait affaiblir les mobilisations !
Une perspective mobilisatrice, parce qu’unitaire, est nécessaire. Si elle ne se concrétisait pas, la gauche antilibérale et anticapitaliste se présenterait totalement divisée (entre des listes LO, POI, NPA, PG et PCF…) et donc privée de toute crédibilité. Ce serait laisser les listes sociales-libérales (PS et écologistes sous le drapeau de Cohn-Bendit) bafouer le vote majoritaire à gauche du 29 Mai, et acquérir le monopole de la représentation parlementaire.
La construction d’un front politique et social serait également un point de départ crucial pour construire une alternative solide à la droite sarkozyenne, dont les contre-réformes ne vont pas faiblir dans les prochaines années, et à un Parti socialiste de plus en plus social-libéralisé. Le NPA ne peut répondre seul au besoin vital d’une nouvelle représentation politique du monde du travail.
Dans le même sens, la LCR ne peut pas expliquer que l’objectif est d’affirmer un « NPA européen ». Car on sait qu’il s’agit d’un leurre. Comment prétendre réunir au moins 25 élus de 7 pays membres pour constituer un groupe ? Où sont les pays où pourraient se constituer des listes de type NPA ? Combien de régions en France où des listes du seul NPA peuvent ambitionner les 7 ou 8 % permettant d’avoir des élus ?
La perspective d’un rassemblement est possible. L’appel de Politis pour des listes unitaires antilibérales et anticapitalistes rencontre un réel écho. Le Parti de gauche et le PCF se sont prononcés en ce sens. C’est également le cas des Communistes unitaires, des Alternatifs et des Collectifs antilibéraux. Reste à définir clairement une orientation de rupture avec le libéralisme, à donner à cette bataille une dimension largement pluraliste, à l’enraciner dans des collectifs militants sur le terrain.
Le NPA doit s’engager pour réunir les conditions permettant qu’il en soit ainsi. C’est le gage de son ouverture aux débats qui traversent le mouvement ouvrier. L’acte de naissance du nouveau parti ne saurait être marqué du choix inverse : celui du repli et des dégâts politiques qui en résulteraient pour le mouvement ouvrier.
François Calaret, Céline Malaisé, Francis Sitel, Stéphanie Treillet
* Paru dans Rouge n° 2281, 08/01/2009.