Le front de gauche sur toutes les lèvres du parti de Jean-Luc Mélenchon. Réunis depuis vendredi et ce week-end à Limeil-Brévannes (Val-de-Marne) pour leur congrès fondateur, les quelque 500 délégués du Parti de gauche (PG) - qui revendique près de 4 000 adhérents - vont essentiellement débattre de la stratégie d’un « front de gauche pour changer d’Europe » aux élections de juin. Avec l’objectif de le « dramatiser » et l’ambition de l’élargir. Car ses deux piliers, PCF et PG, qui ont lancé l’initiative mi-novembre dès après la création de ce dernier, espèrent rallier d’autres forces de la gauche du non de 2005.
Baume. Pour l’heure, celles-ci hésitent à signer, et la délégation du PG, qui a notamment rencontré le NPA d’Olivier Besancenot, les Alternatifs, le POI (fondé notamment par les trotskistes lambertistes) et les chevènementistes - en attendant de voir LO -, doit se contenter de réponses de Normand. « A part le PCF, personne n’a dit oui… mais personne n’a dit non », s’efforce de relativiser Mélenchon, soulignant une ouverture du côté des Alternatifs, qui ont donné « une réponse plutôt positive sous conditions ». Tout en déplorant que certains restent « prostrés dans une culture minoritaire », l’ex-socialiste se félicite de ses avancées par petits pas : « Au départ, personne ne se parlait, Besancenot a dit qu’on voulait créer un « nouveau PS ». Maintenant, au NPA, ils jugent que c’est un acte positif : on a progressé d’un cran. » Et la déclaration unitaire signée par dix organisations de gauche en soutien à la mobilisation sociale de jeudi a mis du baume au cœur du sénateur de l’Essonne, représentant, selon lui, un « signe encourageant » auquel il rêve de donner un débouché politique aux européennes.
Mais concilier les conditions posées par les composantes de l’arc du non relève du Rubik’s Cube. Les chevènementistes penchant pour un rassemblement de « toute la gauche prête à exercer des responsabilités gouvernementales » qui irait jusqu’au PS et exclut le NPA et LO. Une option « ni possible ni souhaitable » pour Mélenchon qui pose « le refus du traité de Lisbonne comme ticket d’entrée », écartant de facto le PS. « Ils font un tour de chauffe, mais ensuite ils devront choisir. Chez eux, les deux options font débat », croit savoir un responsable du PG. « Notre ligne est ambitieuse. Le PG croit que l’on se fait des illusions avec le PS, mais on pense qu’ils s’en font aussi avec le NPA », rétorque un chevènementiste.
Le parti de Besancenot, qui doit trancher cette question à son congrès de lancement début février, semble aussi traîner les pieds. « Si c’est pour faire un coup aux européennes et [si] au moment des régionales, la moitié du front retourne au bercail avec le PS, […] ça aura été destructeur », avait prévenu celui-ci, militant pour un « front durable ». « La gauche schizo, un pied dans la radicalité et l’autre avec le PS, ce n’est pas notre politique », ajoute Pierre-François Grond (NPA), regrettant « le cadre préétabli » du front PCF-PG. Un autre partenaire, sceptique : « Je ne vois pas le NPA entrer dans une démarche unitaire. Ils veulent profiter de leur élan de 2007 pour s’affirmer. »
Equation.Tout miel, le PG assure, de son côté, ne pas forcer la main : « On ne pratique pas la mise au pied du mur mais le débat argumenté. Et on ne pose aucun préalable. » Sur un front à durée indéterminée, Jean-Luc Mélenchon se dit « prêt à discuter » : « Comme pour les régionales, mais il y a un côté extraterrestre dans la question, car on ne connaît pas le mode de scrutin. » Sur l’indépendance à l’égard du PS exigée par le NPA, « que peut-on faire de plus que de le quitter ? » argue celui qui, avec le député socialiste du Nord Marc Dolez, avait claqué la porte du parti avant le congrès de Reims. Et d’oser une équation pour le moins ambitieuse : « La seule méthode pour régler la question encerclante[des alliances]est de passer devant le PS. Or, unis, on peut changer le centre de gravité à gauche. »
Pour en convaincre ses interlocuteurs, le PG ne ménage pas ses efforts, qui a commandé un sondage testant l’hypothèse d’une « liste d’union de l’autre gauche » avec PCF, PG, LO, NPA, et Alternatifs : créditée de 14,5 % des voix, celle-ci serait troisième, derrière le PS et l’UMP, selon l’enquête Ifop (1). Outre la mise sur pied d’une « plateforme commune » et d’un comité de liaison, le PCF et le PG prévoient une série de meetings communs à Montpellier, Marseille, Douai en février, et à Paris en mars. Et le cofondateur du PG pourrait se porter candidat en juin : « Il est en pleine réflexion, confie un proche. S’il n’y va pas, difficile de montrer son implication. Si jamais il perd, son affaire est compromise. »
(1) Réalisé les 22 et 23 janvier auprès de 876 personnes.