1) Les résultats des référendums français et hollandais sur la Constitution européenne ont porté un coup sérieux au projet néolibéral de l’Union européenne. Le projet de constitution de l’Union Européenne est mort et l’Union Européenne elle-même connaît maintenant une crise de légitimité. Le traité constitutionnel constituait le concentré de l’agenda néolibéral promu par les gouvernements européens, aussi bien ceux de centre droit que de centre gauche. Il découlait de la façon antidémocratique dont s’est construite l’Union Européenne depuis les années cinquante, au seul bénéfice des multinationales et des actionnaires. En conséquence, le rejet populaire du traité prend le sens d’un rejet populaire de l’agenda néolibéral, aussi bien au niveau national qu’au niveau européen.
Mais il faut prendre conscience que la course à la mise en œuvre de politiques de libre marché s’est accélérée du fait de la concurrence entre les capitalismes européens, américain (US) et chinois. C’est ainsi que l’on peut constater de nouvelles mesures de privatisation, des attaques contre les retraites, alors que les gouvernements allemand et britannique proposent de repousser l’âge de la retraite à 67 ans, ainsi que de nouvelles attaques contre la protection sociale, la santé et l’éducation. Ces attaques attisent les résistances, comme le montrent les grèves récentes en Belgique, en France et en Italie ainsi que les manifestations étudiantes et les occupations, également en Italie.
2) La gauche radicale a connu récemment de nouveaux succès au Danemark et en Angleterre et, par-dessus tout, en Allemagne, avec le succès du Parti de Gauche aux élections fédérales.
Ce succès est le résultat d’une campagne unitaire de la gauche allemande. Pour la première fois depuis la Seconde Guerre Mondiale, une alliance large regroupant la quasi totalité de la gauche a soutenu le nouveau parti de gauche. Cet événement a initié un dialogue entre le Parti de Gauche et le mouvement social afin d’articuler luttes parlementaires et luttes extra-parlementaires contre les politiques néolibérales. C’est d’autant plus urgent que le nouveau gouvernement a déjà annoncé de nouvelles et sévères restrictions dans le système de protection sociale. En Allemagne, les forces de gauche préparent une campagne contre la politique et les menaces du nouveau gouvernement néolibéral. Cette campagne débutera par une journée de mobilisation en Mars prochain. Les forces de gauche ont aussi pris l’initiative d’une large coalition pour protester contre la tenue du G8 en 2007 en Allemagne et elles appellent à une mobilisation européenne.
La Gauche Anticapitaliste Européenne considère que cette rupture dans le plus puissant et le plus important parti social-démocrate européen possède une grande signification, révèle de nouveaux développements dans la crise de la social-démocratie et constitue un pas en avant dans la construction d’une alternative de gauche.
3) Les cercles dirigeants de l’Union européenne sont déterminés à poursuivre leurs politiques néolibérales de destruction des acquis sociaux obtenus par les précédentes générations ouvrières. L’une de ces attaques auxquelles nous sommes confrontés concerne les retraites et la tentative de repousser l’âge de la retraite.
Dans cet affrontement entre les classes populaires et le grand capital, la directive sur les services, également connue sous le nom de « directive Bolkestein », est d’une importance fondamentale. Son objectif principal est de baisser les salaires et de diminuer les droits des travailleurs dans tous les pays de l’Union Européenne. Nous rejetons une politique qui vise à diviser pour régner et qui cherche à dresser les travailleurs d’Europe de l’Est contre ceux d’Europe de l’Ouest. Nous rejetons le « nivellement par le bas » sur les pires conditions qui existent en Europe et qu’on nous demande d’accepter.
Nous soulignons que cette directive découle des accords OMC / AGCS et de la stratégie de Lisbonne pour une Europe néolibérale, acceptée par le conseil de l’Union Européenne en 2000 et révisée en 2005.
Quel que soit leur pays d’origine, dans chaque pays les travailleurs doivent bénéficier des mêmes droits et des mêmes salaires, en vigueur dans le pays où ils travaillent. Nous proposons qu’à travers toute l’Europe le mouvement ouvrier coordonne sa politique et ses mobilisations pour obtenir la sécurité du travail et des salaires décents sur tout le continent.
Ensemble, nous pouvons obtenir des acquis pour tous. Divisés nous serons mis en concurrence dans un processus de « nivellement par le bas ».
Les organisations, les partis et les mouvements impliqués dans la Conférence de la Gauche Anticapitaliste Européenne participeront activement et soutiendront les initiatives prévues début 2006 contre la Directive Services (Directive Bolkestein) lors de la réunion du Parlement Européen qui débattra de cette mesure.
4) L’augmentation du chômage et de la pauvreté ainsi que le développement de la précarité et des bas salaires, dont les femmes et les jeunes sont les principales victimes, voilà les résultats des politiques néolibérales et des attaques contre les droits sociaux.
Ajoutée à la discrimination raciale et l’attitude provocatrice de la police à l’égard des jeunes, cette situation de pauvreté et de manque d’espérance constitue l’arrière-plan des émeutes qui ont explosé ce mois-ci dans les banlieues françaises. La seule réponse du gouvernement français et de la classe politique a été l’aggravation de la répression et l’instauration de l’état d’urgence sur la base d’une loi votée en 1955 lors de la guerre coloniale contre le peuple algérien. Cette loi autorise la suspension des libertés publiques, le droit pour la police et les préfets d’interdire réunions et manifestations ainsi que d’imposer le couvre-feu.
5) La guerre contre les pauvres et les immigrés ne peut constituer la réponse aux questions sociales. Au cours des derniers mois, nous avons connu une nouvelle étape de la militarisation de la frontière méditerranéenne de l’Europe, avec les affrontements de Ceuta et de Melilla et la mise en détention des réfugiés à Lampedusa, en Sicile et à Malte.
Nous condamnons la déportation des réfugiés dans les centres de rétentions de Libye. Dans la plupart des pays de l’Union Européenne, de nouvelles mesures contre les libertés publiques ont été votées depuis le 11 septembre 2001, sous prétexte de « lutte contre le terrorisme ». Au cours des derniers mois, dans les états européens, une vague de lois ont été votées : elles limitent nos droits. Elles approuvent la torture par la CIA ainsi que la création de centres de détention illégaux en Europe de l’Est, alors que des vols affrétés par les USA ont utilisé les aéroports de l’Union Européenne pour acheminer des otages dans ces centres ainsi que dans ceux de Bagram et de Guantanamo.
Nous condamnons la « guerre des civilisations » et l’islamophobie qui sous-tendent cette politique. Nous renouvelons notre opposition à la guerre et au racisme ainsi que notre engagement à défendre les droits de l’homme et notre rejet de « l’Europe forteresse. »
6) La Gauche Anticapitaliste Européenne est partie prenante du mouvement contre la guerre et l’occupation de l’Irak et de l’Afghanistan.
A nouveau, nous renouvelons notre engagement à mettre fin à ces occupations et à combattre l’impérialisme. Par dessus tout, nous nous opposons au rôle grandissant des états européens dans l’occupation de l’Irak, sous le parapluie de l’OTAN. A nouveau, nous réaffirmons notre détermination à démanteler l’OTAN et les alliances militaires semblables.
7) Le mouvement altermondialiste est la force motrice de la nouvelle résistance mondiale. C’est pourquoi nous serons présents, en tant que participants à la Gauche Anticapitaliste Européenne, aux futurs Forums Sociaux Mondiaux au Mali et au Venezuela. Nous y développerons les liens avec les mouvements et la nouvelle gauche d’Afrique et d’Amérique Latine. Nous tenons à saluer plus particulièrement les succès du peuple bolivien dans sa résistance aux privatisations et au pillage de ses ressources naturelles grâce à l’exigence de leur nationalisation dans l’intérêt du peuple, le développement du processus révolutionnaire au Venezuela et l’émergence d’une nouvelle gauche au Brésil. Nous participerons également au futur Forum Social Européen à Athènes et nous coordonnerons nos initiatives dans ce cadre.
Notre objectif n’est pas uniquement de résister aux attaques contre nos droits, nos conditions de vie et notre avenir mais aussi d’aider au développement d’une société alternative fondée sur la paix et non la guerre, la solidarité et non la concurrence, l’égalité et non la répression, la justice et non l’exploitation. C’est pourquoi, à l’occasion du premier anniversaire du référendum français, nous proposons de nous retrouver à Paris l’an prochain pour débattre de la construction d’une Europe de la justice sociale. Cette rencontre sera conçue pour faciliter le maximum de participation et d’investissement des exploités et des opprimés.
Signatures
Bloco de Esquerda (Portugal)
Deutsche Kommunistische Partei (Allemagne)
Espacio Alternativo (Espagne)
Esquerra Unida i Alternativa, (Catalogne)
Ligue Communiste Révolutionnaire (France)
Red/Green Alliance (Danemark),
Respect (Angleterre et Pays de Gales)
Scottish Socialist Party (Ecosse)
Socialist Party ((Angleterre et Pays de Gales)
Socialist Workers Party ((Angleterre et Pays de Gales)
SolidaritéS (Suisse)