Marie-George Buffet, 59 ans, a été réélue dimanche à 67,72% pour un quatrième mandat à la tête du Parti communiste français, après le vote des délégués réunis lors du 34e Congrès du PCF à La Défense. Elle avait obtenu 91 % des voix en 2006.Trois listes « alternatives » étaient soumises au vote. Marie-Pierre Vieu, élue des Hautes-Pyrénées, soutenue par les « communistes unitaires » a obtenu 16,38% des voix.Le député-maire « orthodoxe » de Vénissieux (Rhône) André Gerin et Nicolas Marchand, un « identitaire », ont respectivement obtenu 10,26% et 5,62%. Ces listes seront représentées proportionnellement au sein du Conseil national (parlement) du PCF, aux côtés des 178 membres de la liste Buffet. Marie-George Buffet, élue secrétaire nationale en 2001 dans le cadre d’une direction bicéphale avec Robert Hue, avait pris la tête du parti seule en 2002. Elle a été réélue en 2003, puis 2006.
Sans vagues, les 900 délégués communistes avaient déjà adopté hier à une large majorité (68,7%) la « base commune », une feuille de route soutenue par Marie-George Buffet, que devra appliquer la prochaine direction. C’est donc sans surprise qu’elle rempile à la tête du parti. « On nous prédisait de la sueur, du sang et des larmes. Tout s’est passé tranquillement, dans un climat d’écoute », trompétait hier le porte-parole du PCF, Olivier Dartigolles, sitôt après l’annonce du score, « dans la fourchette haute de (ses) attentes ». Et ce alors que le 34e congrès s’estait ouvert sous haute tension, sur fond de discordes et d’accusations d’évictions.
Sujet pourtant inflammable, l’avenir du parti a notamment été débattu dans le calme, après trois jours de débats qui ont quelque peu tiré les traits. Le texte d’orientation propose une poursuite du PCF, assortie de profondes transformations. Certes, les délégués se sont attardés sur le périmètre de ces « transformations », jugées par certains « trop cosmétiques ». « Allons le plus loin possible, nous avons beaucoup de progrès à faire mais nous sommes très clairs là-dessus », rassure Pierre Laurent, pressenti pour intégrer la nouvelle direction, qui juge que « le texte laisse ouvert le débat sur ce chantier ». « On prend là des décisions d’offensive pas de statu quo », renchérit Dartigolles.
Un enthousiasme que ne partagent pas les communistes « unitaires », critiquant « des gages données à l’aile la plus dure » du parti. La mention de « « métamorphoses » a été trappée », relève l’un d’eux. Selon Pierre Zarka, « on a même reculé par rapport au texte » initial. En off du congrès, les unitaires, ont d’ailleurs organisé samedi une soirée, sous la bannière « Qui se ressemble se rassemble », pour appeler à la création d’une nouvelle force politique.
Marie-George Buffet a déjà annoncé que le parti serait géré par une direction collégiale de six à dix membres, qui doit être désignée mercredi lors de la première réunion du nouveau Conseil national (parlement) du PCF. La numéro un communiste a plusieurs fois répété qu’elle n’irait pas jusqu’au bout de son mandat de trois ans, et pourrait céder sa place d’ici un an ou deux. « Il n’y pas dans cette salle des hommes et des femmes qui seraient du côté de la diversité en présentant des listes alternatives, et des hommes et des femmes qui seraient représentants de la fermeture et l’immobilisme en étant sur la liste présentée par le Conseil national », a déclaré Marie-George Buffet dans la matinée, sous les applaudissements. « Nous devons travailler ensemble », a-t-elle lancé. Elle a également assuré qu’elle mettrait « toutes (s)es forces dans les mois qui viennent pour faire en sorte que ce Conseil national soit une équipe au service des communistes et du combat communiste ».
* Paru sur Libération.fr. LAURE EQUY (avec AFP).
Buffet retrousse les manches du PCF
Congrès. Confrontée à trois listes, la secrétaire nationale rempile.
Réélue hier à la tête du PCF, Marie-George Buffet a enfin pu souffler. « On nous avait promis un congrès à feu et à sang, un congrès de fractures ou une oraison funèbre pour notre parti », a rappelé la responsable communiste qui n’a pas caché avoir entamé jeudi, « le ventre noué », les quatre jours de travaux à La Défense (Hauts-de-Seine). Confiant ressentir « une immense fierté », elle a, dès après le vote, appelé ses troupes à jouer collectif, en multipliant les initiatives de riposte à Nicolas Sarkozy et en ouvrant le chantier d’une profonde modernisation du PCF. « Au lendemain du congrès, nous devons travailler tous ensemble », a intimé Buffet. Une posture rassembleuse et offensive visant à ressouder le parti alors que la secrétaire nationale, reconduite pour un quatrième mandat avec 67,72 % des voix, était confrontée à trois listes « alternatives ».
Affaibli par son score désastreux à la présidentielle (1,93 %), le PCF a ouvert son congrès, secoué par les discordes, le départ de son ex-dirigeant, Robert Hue et les accusations d’évictions au sein de la future direction. Très remontés, les « communistes unitaires » avaient accusé la direction sortante de tenter de cadenasser le futur conseil national (parlement) et dénoncé un congrès « de repli », voire de « régression ».
La question de l’avenir du parti a été le chapitre cristallisant ces divisions. Soutenu par Buffet, le texte d’orientation, adopté à la majorité des 873 délégués (68,7 %), suggère la poursuite du PCF accompagnée de transformations. Reste à s’entendre sur leur périmètre. « Au lieu de nous jeter des mots à la figure, engageons concrètement ces transformations », expédie le porte-parole, Olivier Dartigolles. « Le texte est en recul », râle Pierre Zarka (unitaire), notant que la mention de « métamorphoses » a été trappée » et critiquant des « gages » donnés à l’aile « conservatrice », favorable au maintien du label « PCF ».
« Espoir ». A la tête d’une liste alternative, André Gerin, figure des « orthodoxes », n’a pourtant pas le sentiment d’être choyé, et a vu son offre de figurer dans la prochaine direction rejetée : « Marie-George nous a fait le coup de Jarnac ! » peste le député et maire de Vénissieux (Rhône), qui a obtenu 10,26 %. Egalement sur une ligne « identitaire », Nicolas Marchand, écarté de la liste de Buffet, a recueilli 5,62 % des voix.
Arrivée seconde, Marie-Pierre Vieu se réjouit de son score (16,38 %), y voyant « un signe d’espoir et de crédibilité pour l’extérieur ». Celle qui a créé la surprise en conduisant la liste soutenue par les « unitaires », appelle, pour résoudre « la crise » du PCF, à « n’écarter aucune hypothèse », y compris sa refonte au sein d’une autre force.
Mais la secrétaire fédérale des Hautes-Pyrénées se garde de s’inscrire dans « une optique de division, on ne va pas créer un courant au conseil national ». Déterminée, elle aussi, à l’apaisement, Buffet juge qu’aucun camp n’a le monopole de la « diversité », les membres de la liste officielle n’étant pas des « représentants de la fermeture et de l’immobilisme ». Et réfute l’émergence de courants, préférant parler d’« options sur le fond ».
« Fronts ». Histoire de remettre celui-ci d’attaque, la secrétaire nationale ne veut pas d’un PCF « ballotté d’un côté ou de l’autre de la gauche », mais opte pour une stratégie de « fronts » : aux européennes de 2009 (lire ci-dessous) ; pour « la défense et la promotion des libertés » ; et, en janvier, avec « de grands rassemblements devant des sites de production » ou des banques pour « dire qu’il n’y a pas de fatalité à la crise ».« J’entends que l’horizon est bouché à gauche. Nous allons dynamiter ce bouchon avec ces luttes », espère la députée de Seine-Saint-Denis.
Tentée de céder la place après « le coup sur la tête » de la présidentielle, elle a déjà annoncé son intention de passer la main en cours de mandat. Une direction collégiale de 6 à 10 membres, qu’elle coanimera avec Pierre Laurent, doit être nommée mercredi à la première réunion du nouveau conseil national. Une fois la « coordination » rodée, Buffet devrait, dans un ou deux ans, se « consacrer tranquillement à autre chose ».
Jean-Luc Mélenchon en « guest star »
Lancé le 24 octobre par le PCF, l’appel à un « front progressiste européen » pour le scrutin de 2009 a été très applaudi samedi par les délégués. Invité du congrès, l’ex-PS Jean-Luc Mélenchon a annoncé mi-novembre sa volonté de faire liste commune avec le PCF. Le fondateur du Parti de gauche (PG) se réjouit d’avoir « levé des malentendus : quand je parlais de Die Linke [parti allemand d’Oskar Lafontaine créé avec d’ex-communistes, ndlr], certains entendaient « fusion », ce qui n’est pas à l’ordre du jour ». Vacciné par « l’expérience de la nébuleuse des collectifs » antilibéraux, le député André Gerin a pourtant appelé à « ne pas se fourvoyer avec Mélenchon et sa tentative de constituer un PS bis ». La secrétaire fédérale Marie-Pierre Vieu applaudit, elle, l’initiative : « Si on retrouve l’alchimie de 2005 » avec l’arc du non de gauche au traité constitutionnel européen, « on peut créer l’événement. Mais il ne faut pas y aller sur la défensive ». Certains s’interrogent sur la possibilité d’agréger d’autres forces, refusant de se borner à un tête-à-tête avec le PG. Le PCF va organiser en janvier des rencontres publiques pour fixer les axes du rassemblement.
* Paru dans Libération du 15 décembre 2008.