Rose Kabuye, responsable du protocole présidentiel rwandais et ancienne maire de Kigali, a été arrêtée en Allemagne et extradée vers la France. Elle est mise en examen pour complicité de meurtre dans l’attentat contre l’avion présidentiel rwandais de 1994, qui coûta la vie à douze personnes, dont le président rwandais de l’époque Juvénal Habyarimana, et le président burundais Cyprien Ntaryamira, ainsi qu’à trois Français, membres de l’équipage.
Cette arrestation fait suite à un rapport établi par l’ancien juge Jean-Louis Bruguière, fidèle soutien de Sarkozy et candidat UMP battu aux élections législatives dans le Lot-et-Garonne, qui est, selon l’analyse de Colette Braeckman [1], à charge contre les autorités de Kigali. En quelques lignes, il écarte les différentes hypothèses concernant les auteurs de l’attentat contre l’avion présidentiel, notamment celle impliquant la France et les milieux extrémistes hutus, avec des arguments peu convaincants, et il consacre plusieurs dizaines de pages à tenter de faire porter la responsabilité aux dirigeants actuels du Rwanda, en premier lieu Paul Kagame. Il s’appuie sur deux témoins clés. Le premier, Emmanuel Ruzigana, a indiqué, en décembre 2006, que son témoignage a été déformé. Le second, Joshua Ruzibiza vient de se rétracter.
Pour les autorités françaises, ce rapport sert avant tout à faire oublier les complicités de la France dans le génocide rwandais et à permettre au capitaine Barril, qui travailla étroitement avec les éléments de l’armée rwandaise impliqués dans le génocide, de se soustraire à l’invitation de la mission d’information parlementaire française. Il s’agit de brouiller le discours des dirigeants du Rwanda sur les responsabilités françaises, en organisant des fuites auprès du journaliste Stephen Smith, sur l’inculpation de Kagame et de ses proches. Surtout, il s’agit d’imposer une vision révisionniste de l’histoire, puisque Jean-Louis Bruguière défend l’idée que le génocide serait la conséquence de l’attentat contre l’avion présidentiel, alors que de nombreuses preuves démontrent que le génocide avait été préparé minutieusement pendant des mois par les tenants du « Hutu Power », les mêmes qui travaillaient en étroite collaboration avec l’armée française.
Cette offensive juridique du pouvoir français contre le Rwanda risque d’avoir un effet boomerang. Maintenant qu’il y a inculpation, les autorités rwandaises vont connaître l’ensemble des pièces du dossier et elles vont pouvoir exiger des compléments d’enquête et des interrogatoires de témoins. Ce procès peut fort bien être celui de la politique de la France au Rwanda avant, pendant et après le génocide.