Les représentants des organisations de Tibétains en exil sont réunis cette semaine à Dharamsala, en Inde, pour débattre dans l’urgence de l’impasse totale dans laquelle se trouvent les pourparlers entamés avec Pékin. Ils doivent aujourd’hui réévaluer toute la stratégie mise en œuvre ces dernières années par le dalaï-lama. En effet, le régime chinois vient de clore brutalement la porte des négociations.
Le lundi 10 novembre, le département du « front uni » du Parti communiste chinois (PCC), a convoqué une conférence de presse pour annoncer sans ambages l’« échec » des pourparlers. Dans la foulée, le vice-ministre Zhu Weiqun a déclaré que « l’unification de la mère patrie, l’intégrité territoriale et la dignité nationale représentent les intérêts les plus élevés du peuple chinois. » Dénonçant le « séparatisme », il a rejeté tout compromis sur le statut du Tibet, affirmant que la revendication d’« autonomie réelle » pour les « zones de peuplement tibétain » revenait à réclamer une « indépendance partielle » et n’était qu’une « indépendance sous une forme déguisée ».
Le récent cycle de rencontre entre des représentants du gouvernement tibétain en exil et les autorités chinoise avait été amorcé à la veille des Jeux de Pékin. Il fallait alors faire une geste, vu l’ampleur du mouvement spontané de solidarité qui s’était manifesté après les émeutes du printemps à Lhassa. L’échéance olympique passée, le PCC a jugé qu’il pouvait laisser tomber les faux-semblants. Il n’avait malheureusement pas tort. La conférence de presse du 10 novembre n’a provoqué aucune tempête diplomatique.
Nombreux sont en France ceux qui ont cru que Nicolas Sarkozy s’engageait effectivement (bien que tardivement) auprès des Tibétains. Sa participation à la cérémonie d’ouverture des Jeux avait déjà dissipé cette illusion. L’importance toute particulière qu’il a accordé, en tant que représentant de l’Union européenne, à la présidence chinoise lors du sommet ASEM d’octobre dernier à Pékin confirme la nature de ses priorités. La défense de la cause tibétaine n’était que gesticulation théâtrale.
Les Tibétains se retrouvent d’autant plus isolés aujourd’hui qu’ils ont pu espérer bénéficier de l’appui des puissances occidentales et se sont ouvertement soulevés. Ils subissent aujourd’hui la répression. Il faut trouver les moyens de relancer la solidarité internationale, sans plus s’en remettre à la realpolitik des gouvernants occidentaux.
Post scriptum, le 19 novembre 2008 : Pékin vient de réveiller la polémique franco-chinoise en faisant pression sur Sarkozy pour qu’il ne rencontre pas, comme prévu, le dalaï-lama en Pologne, à l’occasion du 25è anniversaire du prix Nobel de la Paix à Lech Walesa.
Il est probable que cette fois-ci Sarkozy n’annulera pas la rencontre, comme il l’avait (honteusement) fait à la veille des Jeux olympiques de Pékin. Ces tensions se produisent alors que le sommet annuel entre la Chine et l’Union européenne se tiendra à Lyon le 1er décembre, ce qui n’est pas anodin.
Mais les rencontres routinières de chefs d’Etat occidentaux avec le dalaï-lama ne sont plus que des alibis. Il reste qu’aucune tempête diplomatique n’a suivi la déclaration chinoise du 10 décembre. Qui ne dit mot consent.
Pour un article sur les relations franco-chinoise, voir sur ESSF : Pierre Rousset, Les relations France-Chine ou le psychodrame préolympique en perspective