Associer carrières et biodiversité ? L’initiative peut sembler osée. C’est pourtant bien celle qu’a prise l’Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction (Unicem), fédération de syndicats professionnels, en présentant, mardi 28 octobre, une étude montrant l’importance des carrières dans la préservation de la biodiversité.
L’étude en question, qui concerne les carrières de roches massives (granit, calcaire, etc.), a été réalisée sous la direction d’un comité scientifique où siégeaient des personnalités aussi incontestables que Robert Barbault, du Muséum national d’histoire naturelle, un des plus éminents spécialistes de la biodiversité. Sur les trente-cinq carrières sur lesquelles elle a porté, 362 espèces animales - dont certaines menacées - ont été recensées dans les groupes biologiques ciblés (oiseaux, insectes et reptiles), soit - selon les groupes - de 35 % à 55 % du nombre total d’espèces connues en France. Et 1 092 espèces végétales ont été trouvées.
Une précédente étude, portant cette fois sur les carrières alluvionnaires (sables, graviers), avait abouti, en 2002, à des conclusions comparables. « Nous sommes l’exemple curieux d’une industrie qui favorise la biodiversité », se réjouit Dominique Hoestlandt, président de l’Unicem et directeur général adjoint de Lafarge Béton Granulats.
L’explication est simple : « Les carrières rajeunissent les milieux naturels », résume Christian Béranger, président de la commission environnement de l’Unicem. Par les perturbations qu’elles provoquent, les carrières introduisent un certain nombre de ruptures : création de falaises, apparition de parois sableuses, de plans d’eau, mise à nu du substrat minéral... Certaines espèces vont venir coloniser ces milieux neufs.
Bernard Frochot, ancien directeur du département d’écologie de l’université de Bourgogne, cite les exemples de l’hirondelle des rivages, qui vient nicher sur les fronts sableux verticaux des carrières alluvionnaires, et du hibou grand-duc, qui habite les éboulis naturels. « Il avait quasiment disparu de la moitié nord de la France, mais les carrières lui fournissent un habitat de substitution, note-t-il. Il n’est pas rare de le voir nicher à quelques dizaines de mètres des bulldozers, sans que cela semble le gêner. »
« PRESSION HUMAINE À ZÉRO »
« Quand l’exploitation d’un site s’achève, la pression humaine tombe quasiment à zéro : il n’y a ni labours, ni pesticides, ni fréquentation, ni exploitation du bois », observe Bernard Frochot, qui voit aussi un avantage aux carrières alluvionnaires : souvent inondées, elles compensent en partie la disparition progressive des zones humides naturelles.
Tout n’est pourtant pas parfait dans le monde des carrières. Ne serait-ce que parce que seulement 900 sites sur les 3 000 que compte le territoire hexagonal ont signé à ce jour la charte de l’environnement mise en place par l’Unicem en 2005. Mais la perception du secteur comme destructeur des milieux naturels a sans doute vécu. Des associations de défense de l’environnement se sont d’ailleurs associées à des industriels, à l’image du Fonds mondial pour la nature (WWF), qui a élaboré avec Lafarge un indice de biodiversité pour évaluer les sites du groupe.