Le scénario est bien rôdé. Le 29 septembre, la commission des comptes de la Sécu annonce un fort déficit (8,9 milliards d’euros, dont 4,2 milliards pour l’assurance-maladie et 5,5 pour la vieillesse) et le ministère présente les mesures d’économie dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale. Le rapport estime, sans faire de lien avec le déficit, que les exonérations de cotisations atteindront 33 milliards d’euros en 2009.
Le directeur de l’assurance-maladie préconisait de remettre en cause le remboursement à 100 % des maladies de longue durée (ALD). En raison du tollé qu’avait provoqué ce ballon d’essai, la mesure n’est pas retenue… pour le moment. Mais plusieurs études, dont celle portant sur le bouclier sanitaire, sont en cours, afin « de rééquilibrer le partage entre les assurances complémentaires et l’assurance-maladie obligatoire ». Elles ont pour point commun de transférer aux malades les dépenses de santé financées actuellement par les cotisations sociales.
Dans l’immédiat, plusieurs mesures d’économie sont retenues. Une taxe est imposée aux complémentaires de santé. Elle rapportera 1 milliard d’euros, qui sera récupéré sur les assurés. Les mutuelles ont déjà annoncé qu’elles seraient dans l’obligation de répercuter ce prélèvement en procédant à une augmentation de leurs tarifs.
De nouveaux médicaments, considérés comme peu efficaces, ne seront plus remboursés. Pour autant, ils ne seront pas retirés du marché et seront vendus à prix libre, donc bien plus chers. Le gouvernement ne veut pas toucher aux superprofits des laboratoires ! Les patients, qui consultent un spécialiste sans passer auparavant par leur médecin traitant, verront leur remboursement réduit de 50 à 40 %, au lieu de 70 % pour les malades qui ont suivi « le parcours de soins ».
La campagne de lutte contre les fraudes sera intensifiée. Les caisses primaires ont de moins en moins les moyens de remplir leur mission de service public, mais elles consacrent une part croissante de leurs activités à la chasse à l’assuré social fraudeur. Les fraudes conséquentes, de plusieurs milliards, celles des employeurs qui ne déclarent pas toutefois les accidents de travail, ne sont toutefois pas recherchées !
Le gouvernement confirme la transformation, en dette de 27 milliards d’euros, de déficits transférés à la Cades, une caisse ayant « pour mission d’amortir cette dette sociale » au bénéfice des banques et au détriment des assurés sociaux, lesquels paient une cotisation spécifique, la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS).
Et comble du cynisme, les hôpitaux devraient limiter la délivrance de médicaments coûteux, comme les traitements anticancéreux. Tant pis pour le malade qui ne rentrera pas dans l’enveloppe. En cas de dépassement, l’établissement serait puni, en perdant des crédits l’année suivante. Par ailleurs, l’instauration d’une complémentaire de santé devient obligatoire dans toutes les entreprises, à partir du 1er janvier 2009 (loi Fillon de 2003). À défaut, les employeurs devront payer une taxe. Bien souvent, cette couverture est confiée à des assurances privées.
Un système proche de celui des États-Unis s’instaure peu à peu : la CMU pour les pauvres et l’assurance d’entreprise pour ceux qui bénéficient d’un emploi. La Sécu réduit son champ de couverture et pourrait disparaître progressivement, plusieurs de ses activités devant être confiées aux agences régionales de santé (ARS), chargées de détruire l’hôpital et la Sécu. ■
Stéphane Bernard
* Paru dans Rouge n° 2268, 02/10/2008.
Sécurité sociale : inquiétantes annonces
La prochaine loi sur le financement de la Sécurité sociale, qui sera débattue au Parlement à partir de la fin octobre, risque de contenir de graves régressions concernant le remboursement et la limitation des soins.
Pour 2009, le gouvernement voulait remettre en cause le remboursement à 100 % des soins des maladies longues et coûteuses. Si, devant le tollé suscité par cette mesure, le pouvoir semble avoir momentanément reculé, il a cependant déjà arrêté un plan d’économie de quatre milliards et les mesures annoncées (même si les arbitrages ne sont pas encore définitifs) sont extrêmement inquiétantes.
Tout d’abord une certitude, un milliard de dépenses sera transféré vers les complémentaires (mutuelles ou assurances). Il faut toute la mauvaise foi de la ministre de la Santé pour affirmer que ce transfert n’aura pas d’incidence sur les cotisations. Les assureurs privés se sont d’ailleurs empressés de la contredire et d’affirmer qu’ils allaient répercuter ces hausses sur le tarifs des complémentaires santé.
Pour limiter les dépenses de soins de ville, la ministre a annoncé que la nouvelle revalorisation des honoraires des médecins – ceux-ci demandent un passage à 23 euros de la consultation des généralistes – sera conditionnée à la maîtrise des dépenses. Pour « gagner plus », les libéraux devront donc prescrire moins. C’est un intéressement des médecins libéraux, qui ont déjà bénéficié de fortes revalorisations aux cours des dernières années, à un rationnement des soins.
Le gouvernement envisage aussi de rembourser moins, voire pas du tout, les actes dont le « service médical rendu » serait estimé « insuffisant », comme cela a déjà été fait pour les médicaments. Pour bénéficier de ces actes, le patient serait contraint d’en payer tout ou partie.
Dans les hôpitaux, serait instituée une limitation comptable des dépenses de médicaments onéreux (comme les anticancéreux). Elle ne devrait pas être dépassée, faute de quoi l’hôpital serait pénalisé l’année suivante. En clair, il faudra donc sélectionner les malades à qui l’on consentira un traitement, tant pis pour les autres.
Déremboursement des soins par la Sécurité sociale, sélection des malades à soigner, la mobilisation doit être à la hauteur de l’attaque à l’occasion du vote du projet de loi de financement de la Sécurité sociale et du projet de loi de privatisation de l’hôpital « Patients, santé et territoires ». Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, sera présenté le 29 septembre. Il sera débattu au parlement à partir de la fin octobre.
Jean-Claude Delavigne
* Paru dans Rouge n° 2266, 18/09/2008.