Contribution de INFO BIRMANIE – septembre 2008
Le 14 août 2007, la junte a annoncé une nouvelle hausse des prix des carburants. Aggravant de façon considérable le coût de la vie, cette décision provoque la colère du peuple birman, dont les conditions de vie ne cessent de se détériorer depuis plus d’une dizaine d’années. Le 19 août 2007 éclatent les premières manifestations contre le coût de la vie, emmenées par plusieurs membres de la Ligue Nationale pour la Démocratie (LND), le parti d’Aung San Suu Kyi, ainsi que plusieurs leaders de la Génération 88 dont Min Ko Naing. Le 21 août, alors que d’autres marches menées par des membres de la LND tentent de s’organiser à Rangoun, la junte procède aux premières arrestations d’opposants. Treize figures de l’opposition démocratique, membre de la « Génération des étudiants de 88 », sont ainsi arrêtées. Dans les jours qui suivent, le régime procèdera à des dizaines d’autres arrestations.
La vague de protestation s’étend dans tous le pays. Les moines bouddhistes commencent à se mobiliser. Le 28 août, dans la localité côtière de Sittwe (Etat Rakhine) les moines participent au côté de la population à une manifestation contre l’augmentation du coût de la vie, exprimant ainsi leur solidarité avec le peuple birman. Le 5 septembre, 600 bonzes entament une marche à Pakkoku (500 km au Nord de Rangoun) et protestent contre les conditions de pauvreté que connaît la population. L’armée réplique, tire en l’air et brutalise les moines récalcitrants. Dix moines sont arrêtés et plusieurs autres, dont le vénérable U Sandima, sont grièvement blessés lors de cette manifestation.
Dès lors, la mobilisation ne cesse de s’accroître. Progressivement, les revendications sociales tendent à s’effacer pour laisser la place à des revendications beaucoup plus politiques, avec le boycott des offrandes des membres du régime, puis les demandes de libération des prisonniers politiques et l’ouverture de négociations avec l’opposition. A partir du mois de septembre, les manifestations deviennent quotidiennes dans Rangoon et plusieurs grandes villes du pays, et les discours se radicalisent, les moines appelant qualifiant le régime de ‘dictature militaire diabolique’. Entre le 20 et le 26 septembre, chacune des manifestations rassemble plusieurs dizaines de milliers de manifestants.
A partir du 26 septembre, l’armée commence à réprimer les manifestations jusqu’alors tolérées. Des coups de feu sont tirés, les rues bloquées, les manifestants sont arrêtés et embarqués à bord de camions de l’armée. Durant la journée du 26 septembre, près de 500 moines sont arrêtés. Malgré les heurts directs avec l’armée, près de 100.000 manifestants sont dans les rues le lendemain, qui sera une journée d’une terrible violence avec plusieurs dizaines de morts et de disparus, et des centaines de blessés graves. Le bilan de plusieurs organisations birmanes s’élève à 138 morts, contre 10 d’après le recensement officiel de la junte.
Tandis que le régime parvient à étouffer les manifestations, commence alors une période de traque aux manifestants. Des raids nocturnes ont lieu tous les soirs dans les habitations et les monastères, les militaires étant épaulés de membres des milices civiles USDA et Swan Arr Shin. Plus de 3.000 personnes passent quelques jours ou semaines en prison pour avoir soutenu le mouvement des moines. La plupart des activistes politiques arrêtés au cours du mouvement de protestation sont toujours en détention. Plus d’un millier de moines sont arrêtés. Les violences infligées au cours des interrogatoires, les mauvais traitements et les privations multiples de nourriture, d’eau et de soins infligés aux personnes détenues suite aux manifestations, sont rapportés dans tous les témoignages d’anciens prisonniers.
Depuis le mois de septembre 2007, la répression des opposants a été continue, en atteste les arrestations incessantes ces douze derniers mois. Des dizaines de personnes ont été arrêtées en novembre et en décembre, mais aussi plus récemment : ainsi, début septembre 08 une leader du mouvement safran a elle aussi été arrêtée alors qu’elle se cachait depuis des mois.
Entre le 19 août et le 2 octobre 2007, dans près de 66 villes du pays, 227 manifestations anti-junte auront été organisées. Plus de 135 moines et 600 activistes politiques sont toujours emprisonnés, et le nombre de prisonniers politique a presque doublé durant ces douze derniers mois, s’établissant aujourd’hui à 2100 personnes emprisonnées pour délit d’opinion. Les demandes populaires exprimées au cours de la révolution safran ont toutes été balayées d’un revers de la main par la junte, qui continue de diriger de façon unilatérale le pays. Aung San Suu Kyi est toujours assignée à résidence et privée de son rôle de leader politique de l’opposition, et le régime n’a satisfait à aucune des demandes de la communauté internationale concernant l’ouverture politique et le dialogue, et la libération de tous les prisonniers politiques.
Pour aller plus loin :
Info Birmanie : rapport de mission « La Birmanie après la révolution safran », janvier 2008
FIDH / Confédération syndicale internationale, rapport de mission « Burma’s « Saffron Revolution » is not over, Time for the international community to act », décembre 2007 (http://www.fidh.org/IMG/pdf/BURMA-DEC2007.pdf)