Alerte rouge. A force de rogner sur les coûts, l’industrie nucléaire française néglige les conditions de travail d’une partie de ses salariés - en particulier ceux qui sont employés dans le cadre de la sous-traitance. C’est l’un des messages que la CGT vient de délivrer après les incidents survenus en juillet.
Déversement d’effluents radioactifs par la Socatri - une filiale d’Areva implantée au Tricastin (Vaucluse) -, contamination très légère de salariés dans ce même site, découverte de la fuite d’une canalisation à l’usine FBFC à Romans-sur-Isère (Drôme)... En moins d’un mois, plusieurs anomalies, sans lien entre elles, ont défrayé la chronique.
Mis à part le premier « pépin », ces dysfonctionnements seraient probablement passés inaperçus en temps ordinaire, commente Laurent Museau, élu CGC au comité central d’entreprise d’EDF. Mais la pollution de cours d’eau et d’une nappe phréatique dans le secteur du Tricastin ont « braqué les projecteurs » sur le parc électronucléaire. Les syndicats en ont tiré partie pour dénoncer des problèmes.
Parmi ces derniers, il y a la question - récurrente - de la sous-traitance. Chez EDF, qui confie une large partie de la maintenance à d’autres sociétés, environ 20 000 « salariés extérieurs » interviennent chaque année sur ses installations.
En 2007, ces activités sous-traitées représentaient un chiffre d’affaire de 1,5 milliard d’euros, dont 60 % sont captés par six grands groupes : Alstom, Areva, Bouygues, Onet, Suez, Vinci. Ceux-ci font eux-mêmes appel à d’autres entreprises pour des opérations très spécifiques.
Pour ces sous-traitants, la situation est devenue « insupportable », assure la CGT mines-énergie, car « les directions » ne cherchent qu’une chose : réduire les « coûts de maintenance et d’exploitation ». Résultat : « 80 % » des prestataires prétendraient « vouloir quitter le nucléaire ». « Nous nous inquiétons de leurs compétences, car les marchés sont de plus en plus serrés », renchérit Christophe Faucheux, de la CFDT chimie-énergie. Secrétaire nationale à la CFDT mines-métallurgie, Patricia Blancard déplore, elle, que les risques soient « externalisés » vers les sous-traitants. « La culture de la sûreté ne doit pas être détournée par une culture de la rentabilité », dit-elle.
Les incidents du début de l’été ne sont pas liés à la sous-traitance, pondère M. Museau, mais le contexte est difficile pour les personnels des prestataires qui s’occupent des « tâches les moins nobles » (échafaudage, gardiennage, nettoyage...). « EDF tire au maximum sur les prix », explique-t-il.
Le groupe, lui, met en avant « l’accord sur la sous-traitance socialement responsable » de 2006 qui garantit aux salariés que leurs interventions « s’effectueront dans les meilleures conditions d’emploi, de qualification, de travail et de santé-sécurité ». Chez Areva, on souligne que les prestataires extérieurs sont des professionnels « hautement spécialisés » qui partagent la même « culture de sûreté » que les autres industriels du nucléaire. « L’an passé, nous avons enregistré 13 incidents de niveau 1 contre 17 deux ans auparavant, ajoute-t-on. La sûreté progresse. »