À quelle occasion CAOVA a été créée ?
1. Le lancement de notre Comité d’Aide et d’Orientation des Victimes de l’Amiante en 2002 fait suite à l’émergence de trois problèmes touchant à la santé publique en Suisse Romande :
2. L’augmentation du nombre de victimes de l’amiante. Il s’agit d’une réelle épidémie qui frappe les pays industrialisés quoique la plupart aient abandonné l’usage de l’amiante avant la fin du siècle passé et plus encore que les pays appauvris où les multinationales de l’amiante, dont Eternit, où sont exploitées leurs mines et leurs usines. On estime que dans les pays industrialisés qui ont interdit l’amiante, le nombre maximum de victimes sera atteint vers 2020.
2. L’absence d’information, de prévention et de protection des salarié-e-s qui ont été et sont encore exposées à l’amiante, notamment ceux et celles qui sont immigré-e-s qui ont quitté la Suisse et vivent toujours dans l’ignorance des risques.
3. Le refus par les pouvoirs publics et les entreprises privées d’effectuer enfin les travaux de décontamination des bâtiments dont l’urgence était pourtant démontrée dès 1985 avec la publication de la liste dite des 4 000 bâtiments, notamment.
Quels sont les buts de cette association ?
Nos buts sont :
1. Aider les victimes et leurs proches en les entourant et conseillant de notre mieux quant aux démarches juridiques et médicales à entreprendre pour faire valoir leurs droits aux soins médicaux, à la protection juridique et aux indemnisations.
2. Informer et organiser les personnes qui ont pu respirer de l’amiante, tant avant son abandon en 1994, qu’après, lors du déflocage des ouvrages notamment, ceci afin que leurs employeurs et la SUVA leur délivrent un certificat d’exposition professionnelle à l’amiante. C’est ce document officiel que nous exigeons par exemple pour la cinquantaine de travailleurs qui ont été gravement exposés lors du déflocage « sauvage » du Collège d’Entre-Bois à Lausanne au cours de l’été 2003. Mais de nombreuses autres personnes exposées proviennent des secteurs professionnels les plus divers : fabrique d’amiante-ciment Eternit à Payerne, chantiers du bâtiment et du génie-civil où ces produits étaient mis en œuvre, chantiers de flocage et de déflocage des bâtiments, installations techniques, wagons de chemin de fer, travaux de transformation et d’entretien des bâtiments et équipements contenant de l’amiante, etc.
3. Exiger des pouvoir publics et privés qu’ils prennent enfin leurs responsabilités face aux risques de l’amiante. Ayant importé, transformé et dispersé l’équivalent d’une centaine de kilos de fibres mortelles par habitant en Suisse, ces risques demeurent puisque seule une faible partie de cette masse a été éliminée.
Par qui est-ce que CAOVA a été créée ?
Par des parents et proches de victimes malades ou décédées des suites d’une exposition à l’amiante et des militants syndicaux (notamment du SIB) et politiques dont certains avaient déjà été actifs sur la question durant les dernières décennies.
Les activités de l’association CAOVA ?
Concrètement nous cherchons à informer les personnes qui ont été exposées sur leurs lieux de travail par le passé, puisque leurs employeurs refusent toujours de le faire. Comme la plupart d’entre-elles ont été tenues dans l’ignorance des risques, cette information les incitera à prévenir leur médecin qui pourra les suivre en conséquence et ainsi prévenir à temps les risques de cancers, dont le redoutable mésothéliome, qui peut se manifester jusqu’à 40 ans après l’exposition.
Pour ce faire, nous utilisons tous les médias qui nous en donnent l’occasion, nos dépliants et fiches d’informations, les conférences publiques, les projections de films, notre site Internet et notre réseau de contacts à travers toute la Suisse romande.
De plus nous entretenons des relations étroites avec les organisations analogues en Suisse allemande (Asbestopfer), France, Italie, Nicaragua, Brésil notamment ainsi qu’avec Ban Asbestos qui coordonne la lutte pour l’interdiction de l’amiante dans le monde.
Quelques chiffres sur ses activités (nombre de membres, personnes conseillées) :
Notre Comité compte une quinzaine de membres actifs, dont la moitié sont malades ou proches de personnes décédées des suites d’une exposition à l’amiante. Ceci dit CAOVA peut maintenant compter sur un large réseau de sympathisants et l’appui bénévole et compétent de juristes, médecins, laborants, syndicalistes, experts, ouvriers du bâtiment, enseignants, etc.
Situation dans le monde :
Quelle est la situation dans le monde ?
Elle est grave car, d’une part l’amiante utilisé par le passé constitue une bombe à retardement et d’autre part parce que l’amiante qui continue à être utilisé en prépare d’autres, ceci malgré le fait que le tonnage d’amiante utilisé dans le monde ait diminué depuis la fin des années 70. C’est pourquoi l’interdiction définitive et mondiale de l’amiante est essentielle et c’est cette exigence que nous porterons au prochain Forum Social Mondial à Porto Alegre en janvier 2005.
Pourquoi l’amiante est encore utilisé dans d’autres pays ?
Parce que la filière amiante rapporte d’énormes profits tant aux exportateurs du minéral qu’aux industries qui le mélangent à du ciment et aux marchands de matériaux de construction. L’affaire est d’autant plus profitable que ces entreprises comme la multinationale Suisse Eternit pourront refuser d’honorer les coûts sociaux (externalités) induits par leur production. Or ces coûts sociaux sont bien plus élevés que les énormes profits générés par le marché de l’amiante. En effet on estime à quelque 100 000 le nombre de victimes annuelles dans le monde qui devraient être soignées et indemnisées ; en Suisse les soins hospitaliers par malade de l’amiante sont supérieurs à FS 100 000 ; de gigantesques masses d’amiante devront être enlevées au prix fort des coques de navires, installations industrielles, enfin, l’assainissement des mines, fabriques-dépôts d’amiante et l’élimination du toxique ne pourra pas se faire sans de lourds investissements. C’est le prix de la dette écologique laissée par les multinationales que nous refusons de transférer impunément aux générations futures.
Les problèmes actuels sont probablement plutôt liés aux conditions de travail ?
Non, dès les années 70, nous avons prétendu que quelles que soient les mesures de protection sur les lieux de travail, l’amiante continuerait à tuer. La réalité a malheureusement confirmé cette analyse car ces nuages de fibres mortelles, invisibles, qui mesurent quelques microns ne sont plus maîtrisables. Seuls l’abandon et l’élimination de ce cancérigène omniprésent permettront d’enrayer l’épidémie. Le problème est que l’on savait depuis le début des années 50 que l’amiante provoquait des cancers pulmonaires et depuis 1962 qu’il provoquait des mésothéliomes. Or malgré ces signaux d’alarme, la Suisse a importé deux fois plus d’amiante que depuis le début du siècle !
Qu’en est-il de l’élimination de ses déchets d’amiante à plus long terme ?
C’est un grave problème car il y en a partout et en grande quantité. La décontamination des sites et ouvrages amiantes, le conditionnement des déchets, leur transport et leur élimination sont dangereux et coûteux. Comme on l’a vu par exemple à Entre-Bois, un déflocage bâclé peut être plus nuisible que laissé en l’état.
Quelles sont les perspectives à moyen et long terme ?
Les menaces qui pèsent sur les services publics chargés de la protection de la santé, la dégradation des conditions de travail, la fragilisation de la prévention professionnelle, la déréglementation mais aussi les pressions et menaces croissantes contre les syndicats et inspecteurs du travail font craindre que les exploitants d’amiante ne reprennent l’offensive. C’est pourquoi nous nous battons pour que les organisations internationales comme l’OMS, l’OIT se donnent les moyens contraignants pour faire appliquer les directives qu’elles ont édictées.
Quelles sont les propositions et moyens d’action de l’association ?
Comme nous agissons sur un terrain extrêmement sensible qui touche à d’énormes intérêts financiers et politiques, il ne nous est pas possible ici de dévoiler tous nos projets. Comme partout ailleurs, nous subissons de nombreuses pressions visant à nous museler. Dans ce dessein, nos adversaires utilisent l’arme de l’ignorance : « Les gens finiront bien par oublier l’amiante », l’arme de l’omission : « Ne publions pas trop de statistiques qui risquent de créer la panique », et celle du mensonge : « Comme l’amiante a été abandonné, il n’y a plus de risques ». Ces moyens permettent de masquer tous les risques différés dans le temps tels que ceux qui sont provoqués par les cancérogènes, les biocides, les neurotoxiques solvants, métaux lourds, aluminium et probablement par les OGM. En effet, la relation entre leur cause toxique et leurs effets cliniques est brouillée par la longue durée qui sépare l’exposition de la pathologie. Ainsi « disparaissent » les victimes professionnelles qui en souffrent et en meurent plusieurs décennies plus tard car elles sont dispersées dans leur pays d’immigration, sans plus de lien contractuel avec l’employeur et éloignées de leur assurance professionnelle. Lorsque les malades ou leurs proches se manifestent, rien n’est plus facile à l’assurance professionnelle que de nier le contact du malade avec l’amiante ou d’attribuer son cancer son mode de vie, noyant ainsi la victime dans la masse des cancéreux anonymes.
Divers :
Les solutions de remplacement posent-elles aussi des problèmes ?
Ce qui a posé un problème c’est le remplacement progressif des matériaux traditionnels par l’amiante ! Il faut donc revenir et c’est ce qu’a dû faire Eternit aux anciens agglomérés de bois-ciment qu’il avait détrônés dans les années 30 au profit de son amiante-ciment, au plâtre comme protection traditionnelle contre le feu, au métal comme matériaux de couverture et de bardage. Les matières plastiques recyclables permettent de remplacer la plupart des autres produits en amiante-ciment tels que tuyaux, bacs à fleurs, etc.
Quant aux fibres dites de substitution, nous ne les croyons ni indispensables, ni dépourvues de risques. Les dites MMMF (Man Made Minerai Fibres) telles que celles de verre, de pierre ou céramiques, peuvent s’avérer dangereuses. Il a fallu plus d’un demi-siècle pour s’apercevoir que l’amiante était cancérogène : or comme nous n’avons que peu de recul pour les fibres « like asbestos », le principe de précaution doit être immédiatement appliqué. Ainsi le scandale de l’amiante nous servira au moins de leçon.
Pensez-vous que les risques soient sous-évalués, en Suisse ?
Deux risques sont sous-évalués, l’amiante qui subsiste actuellement dans les ouvrages et surtout l’amiante qui est déposé dans les voies respiratoires des travailleurs qui l’ont manipulé dans l’ignorance des risques et contre leur gré. La plupart des travailleurs en Suisse ne sont plus informés des risques comme ils l’étaient encore dans les années 80 La récente publication d’une brochure par la SUVA permettant aux travailleurs de reconnaître l’amiante ne suffit pas et peut être contre-productive puisqu’elle tend à responsabiliser l’employé alors que c’est à l’employeur respectivement au propriétaire, à l’architecte ou à l’entrepreneur à repérer préalablement dans tout chantier de transformation ou de démolition la présence d’amiante dans les futurs travaux.
Comment devrait-on traiter cette question à présent ?
Il faut d’une part que les pouvoir publics appliquent les décisions qu’ils ont prises jadis vis-à-vis de la protection de la santé de la population et surtout qu’ils exigent des employeurs et de la SUVA que les personnes exposées professionnellement en Suisse soient informées et suivies médicalement où qu’elles se trouvent. Les accusations de « mise en danger de la vie d’autrui » et de « non-assistance à personne en danger » s’avèrent de plus en plus justifiées.
Quelles solutions existent pour les déchets d’amiante ?
Comme pour tout cancérogène volatil, il existe à notre connaissance deux principes : le confinement des fibres dans des enceintes étanches à l’air et l’eau qui peuvent transporter les fibres et la neutralisation de leur toxicité dans des fours à très haute température comme les cimenteries. Le recyclage des déchets d’amiante en les agglomérant dans des matrices de ciment, de plâtre ou de, résines est la pire des solutions.
Quels sont les risques de la mise en décharge ?
Les risques de l’amiante n’existent que si ses fibres sont présentes dans l’air que pourraient inhaler des êtres humains. Ainsi, toute solution de confinement sûr et définitif de l’amiante et de ses composés peut être satisfaisante. Les solutions techniques ne manquent pas autant que la volonté politique de les mettre en œuvre.