Surnommée « Keystone of the Pacific » en raison de sa position centrale dans la géopolitique asiatique, l’île d’Okinawa subit depuis la seconde guerre mondiale les conséquences des décisions des stratèges de Tokyo et de Washington. Après avoir été le théâtre en 1945 de l’un des affrontements les plus sanglants de la guerre du Pacifique [1], Okinawa est devenue une colonie militaire américaine. Occupée par les Etats-Unis jusqu’en 1972 – vingt ans de plus que le reste du Japon –, elle est désormais gratifiée de 37 bases américaines, soit 26 000 militaires et leurs familles pour une population locale de 1,35 million d’habitants [2].
Une telle concentration militaire sur un territoire restreint – 100 kilomètres de long pour une quinzaine de large – et dans des zones à forte densité de population pose d’innombrables problèmes quotidiens : nuisances sonores très supérieures aux seuils autorisés, criminalité, accidents lors de manœuvres et dangerosité de certains entraînements, en particulier les exercices à balles réelles.
« Ces bases, je les hais », commence M. Tomohiro Yara, qui réside à proximité de Kadena, la plus vaste et la plus active des installations aériennes américaines en Extrême-Orient. « Il arrive que, même à 2 ou 3 heures du matin, je sois réveillé par le bruit des appareils. Je peux voir les jets passer au-dessus de ma tête, et parfois des parties métalliques ou des objets tombent dans mon jardin. » Le problème des bases est redevenu une question nationale en 1995, après le viol d’une fillette par trois marines. « Cela a été un véritable choc pour l’opinion publique. La situation d’Okinawa n’avait plus été médiatisée depuis le retour sous administration japonaise en 1972 », se souvient un journaliste, membre du comité éditorial du quotidien local The Okinawa Times.
Pour autant, les mêmes problèmes perdurent, avec pour symbole la base aérienne de Futemma, qui occupe 4 800 hectares en plein cœur d’une ville de plus de 80 000 habitants. On peut encore apercevoir à proximité l’emplacement d’un bâtiment de l’université détruit par le crash d’un hélicoptère américain, le 13 août 2004.
L’hôte le plus généreux d’Asie
Malgré les plages paradisiaques et les complexes hôteliers, l’atmosphère d’Okinawa est lourde du ras-le-bol de la population locale face au maintien du statu quo, alors que la guerre froide est terminée depuis longtemps. Située à 1 500 kilomètres de Tokyo, bordée par l’océan pacifique d’un côté et par la mer de Chine orientale de l’autre, la préfecture la plus méridionale du Japon donne ainsi l’impression étrange d’avoir été oubliée dans une autre époque.
Selon M. Yara, « la situation va changer. La population japonaise comme les dirigeants n’ont pas eu l’habitude de réfléchir aux questions liées à la défense car, durant la guerre froide, le pays était placé sous la protection du parapluie nucléaire américain. Mais on ne peut pas toujours compter sur les Etats-Unis, et il est aujourd’hui impossible d’éviter cette discussion ». C’est tout l’objet du nouvel accord stratégique entre Tokyo et Washington, dont un rapport d’étape a dessiné les principales dispositions [3]. La signature définitive de cet accord devait, en principe, avoir lieu avant le 31 mars. Il prévoit notamment un redéploiement de troupes américaines, soit 7 000 marines, d’Okinawa vers l’île de Guam, territoire américain situé dans l’archipel des Mariannes. Plus vaste et beaucoup moins peuplée qu’Okinawa, Guam serait aussi mieux située, selon les stratèges du Pentagone, pour répondre à l’activité des groupes islamistes radicaux opérant en Asie du Sud-Est.
Cette décision – dont le calendrier de mise en œuvre n’a pas été précisé – n’est pas aussi spectaculaire qu’il y paraît, si on la rapporte au total des troupes des Etats-Unis stationnées au Japon ou si on la compare au schéma retenu en Corée du Sud. Le Japon, qui héberge 89 bases américaines, comptera encore 40 000 soldats américains sur son sol après le transfert vers Guam, financé par l’Etat japonais pour un montant proche de 9 milliards de dollars, selon les informations publiées par le quotidien national The Japan Times [4]. L’archipel conserve ainsi ses rôles d’allié le plus proche et de pilier de la stratégie américaine en Asie.
La Corée du Sud, elle, devrait voir d’ici à 2008 le départ de 12 500 de ses 37 500 GI [5]. Dans cet autre bastion militaire américain de la région, la protestation populaire et les efforts de réconciliation avec la Corée du Nord orientent la politique vers une prise de distance à l’égard de l’allié américain au profit d’une politique plus multilatérale, sans toutefois remettre en question le traité de 1954 [6].
La différence entre les deux pays apparaît aussi sur le plan financier. Le Japon, « hôte le plus généreux » des troupes américaines à l’étranger, consacre à celles-ci plus de 4 milliards de dollars par an, couvrant 75 % des coûts de stationnement, alors que la Corée du Sud ne prend en charge que 40 % de ces mêmes coûts, pour une contribution totale d’un peu plus de 840 millions de dollars [7].
Au-delà de la reconfiguration post-guerre froide de la présence militaire américaine en Asie, le nouvel accord bilatéral consacrera une évolution de la politique étrangère et de défense du Japon vers le renforcement sans précédent de son alliance politique et militaire avec les Etats-Unis. Il transformera en effet une « coopération qui avait pour seul objet la défense du Japon ou potentiellement la stabilité dans la région » en une « alliance globale », indiquait la secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice lors de la présentation du rapport préliminaire du 29 octobre 2005 [8].
Qualifié d’« historique », l’accord constitue la troisième grande étape dans les relations entre les deux pays depuis la signature de la capitulation du Japon le 2 septembre 1945. Le traité de sécurité signé en septembre 1951, conjointement au traité de paix de San Francisco, prévoyait le maintien de bases et de troupes américaines dans l’archipel, vaste territoire démilitarisé aux portes duquel se déroule alors la guerre de Corée. En janvier 1960, ce pacte, qui reflétait un rapport de forces désormais révolu, est révisé et transformé en traité de sécurité mutuelle et de coopération. Conclu pour une durée de dix ans à l’issue de laquelle chaque partie peut se retirer sur simple préavis d’une année, ce traité introduit la notion de réciprocité et impose aux Etats-Unis de consulter Tokyo avant d’utiliser leurs bases japonaises ou d’introduire des armes nucléaires sur le territoire de l’archipel. Quarante-six ans plus tard, la nouvelle alliance amplifie ce partenariat stratégique pour le rendre opérationnel en toute circonstance.
Cette évolution s’inscrit dans une tendance apparue après les critiques de la « communauté internationale » à l’encontre du Japon pour sa pratique d’une « diplomatie du chéquier », lors de la guerre du Golfe de 1991. La « guerre contre le terrorisme » menée par Washington depuis le 11 septembre 2001 et la volonté de Tokyo de réaffirmer son engagement aux côtés de son allié ont accéléré le mouvement. De même que l’arrivée à la tête du gouvernement nippon de M. Junichiro Koizumi, proche du président George W. Bush, en avril 2001.
Les bases de la nouvelle alliance ont été posées par la législation spéciale post-2001, qui a autorisé la participation des Forces d’autodéfense japonaises (FAD) [9] à des missions globales hors Nations unies – contrairement aux précédentes interventions, depuis celle au Cambodge, en 1992 –, et ne relevant pas légalement et formellement du traité bilatéral de 1960, comme l’analyse Régine Serra, spécialiste de la politique étrangère et de défense du Japon [10]. Après la « loi spéciale sur la lutte contre le terrorisme » qui, en octobre 2001, avait permis l’envoi des FAD dans l’océan indien comme soutien arrière à la coalition internationale contre le régime taliban en Afghanistan, la « loi spéciale pour soutenir la reconstruction de l’Irak » autorisait en 2003 l’intervention nippone à Samawa, dans le sud du pays.
Au-delà du renforcement du leadership nippo-américain dans la « lutte contre la terreur », selon l’expression du secrétaire américain à la défense Donald Rumsfeld, lors de la présentation à la presse du rapport d’étape, le 29 octobre 2005, à Washington, l’extension du partenariat entre Tokyo et Washington est surtout motivée par l’émergence de la puissance chinoise. Moins d’un an après la signature, le 28 juin 2005, d’un accord de défense entre les Etats-Unis et l’Inde, la nouvelle alliance avec le Japon s’inscrit dans la stratégie américaine de « containment » de Pékin. Pointée du doigt par Washington pour l’absence de transparence de ses investissements militaires, la Chine a également été désignée par Tokyo aux côtés de la Corée du Nord comme « préoccupation sécuritaire » dans son programme de défense nationale pour l’année fiscale 2005.
La lutte d’influence entre les deux géants asiatiques se joue sur fond de différends territoriaux, notamment concernant les îles Senkaku (Diaoyu en chinois), et de querelles historiques nourrissant le nationalisme populaire de chaque côté [11]. Le texte préliminaire à l’alliance globale fait ainsi référence dans les nouvelles menaces envisagées à l’« invasion d’îles lointaines ».
Les inquiétudes stratégiques du Japon vis-à-vis du régime de Pékin sont renforcées par la perspective d’une éventuelle réunification de la Corée. Celle-ci signifierait l’émergence d’une puissance moyenne, potentiellement détentrice d’armes nucléaires, et dont la diplomatie penche vers la Chine, à Pyongyang mais aussi à Séoul, à la faveur de l’évolution sociale et politique en cours.
Alors que « la possibilité d’un conflit interétatique majeur demeure plus élevée en Asie que dans d’autres régions », selon le rapport du projet 2020 du National Intelligence Council pour la CIA [12], Tokyo semble bien décidé à s’affirmer comme une puissance diplomatique et militaire de premier rang sur la scène régionale et au plan international, posture inédite depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Or malgré des équipements militaires très sophistiqués et un budget de la défense important, aux environs de 40 milliards de dollars annuels – ce qui le place au quatrième rang mondial des dépenses militaires, derrière les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France –, le Japon est limité dans ses interventions à l’étranger par sa constitution pacifiste et par le blocage de sa candidature comme membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. Pour retrouver un rôle diplomatique à part entière et un statut de puissance militaire « normale », le renforcement de la coopération en matière de défense avec les Etats-Unis apparaît donc comme la voie la plus efficace.
L’un des outils majeurs de cette politique est le « renforcement de l’interopérabilité » entre les forces des deux pays, tel que le prévoit le rapport préliminaire du 29 octobre 2005. Le concept, qui est l’un des piliers de la transformation militaire américaine, se traduira par une réorganisation en profondeur des centres décisionnels américains et japonais, dans le but de faciliter le partage d’informations, les entraînements et les opérations conjoints. A Okinawa, les Etats-Unis soulignent leur volonté de permettre un usage commun de certaines de leurs bases. « Contrairement à ce qu’affirment les gouvernements japonais et américain, le transfert vers Guam pourrait bien ne pas alléger le poids des bases sur l’île puisque les Forces d’autodéfense vont sans doute prendre la place des militaires américains », déplore Takeshi Yamaguchi, enseignant au département des sciences de l’éducation de l’université des Ryukyu, à Okinawa.
Sont aussi programmés le transfert du commandement de la défense aérienne japonaise sur la base de Yokota, au nord-ouest de Tokyo, afin de le rapprocher de son homologue américain, ainsi que la création d’un centre conjoint de coordination des opérations. La base de Camp Zama, actuel quartier général de l’armée américaine, également à proximité de Tokyo, deviendra quant à elle le quartier général d’un corps expéditionnaire commun.
En corollaire de cette interopérabilité est prévue la « transition des Forces d’autodéfense vers un statut de force opérationnelle conjointe ». Le rôle et les missions de la nouvelle structure ne sont pas définis avec précision dans le rapport d’étape, mais celle-ci n’est pas limitée dans ses interventions à une stricte défense du territoire japonais comme c’est le cas des FAD actuellement. C’est d’ailleurs toute la subtilité de l’accord, suffisamment imprécis et dépourvu de restrictions pour pouvoir être utilisé selon le bon vouloir de ses contractants. « Cette transformation des forces japonaises est une violation de la constitution », s’indigne le professeur Yamaguchi.
Fin du pacifisme institutionnel ?
La Constitution de 1947, élaborée par les forces d’occupation américaines d’alors, sous le commandement du général Douglas MacArthur, affirme dans son article 9 le renoncement du peuple japonais à la guerre, à l’usage de la force dans le règlement des conflits internationaux et au maintien d’un potentiel de guerre. Elle avait très rapidement fait l’objet d’une révision implicite puisque, dans le contexte de la guerre froide, MacArthur avait demandé au Japon, en 1950, la constitution d’une Réserve nationale de police constituée de 75 000 hommes, qui donna naissance quatre ans plus tard aux FAD, actuellement formées de 240 000 hommes environ. L’ampleur des débats sur la constitutionnalité de ces forces est parfaitement illustrée par le fait que celle-ci n’a été formellement reconnue par le Parti social-démocrate (Shakai minshuto) qu’en... 1993 [13].
La modification du statut des FAD dans le cadre de l’alliance avec les Etats-Unis intervient en plein débat sur la réforme de la constitution. Le parti de M. Koizumi a présenté, le 22 novembre 2005, un projet qui les transforme en « forces armées ». Toutefois, aucun calendrier n’a été fixé pour l’instant, et la réforme nécessite un vote positif des deux tiers aux deux chambres du Parlement ainsi qu’une majorité populaire par référendum.
Quoique la modestie adoptée après la capitulation en 1945 tende à s’estomper au profit d’un retour du nationalisme au sein de la classe politique, la population reste attachée à son pacifisme constitutionnel. Comme l’explique Osamu Nishi, professeur à la faculté de droit de Komazawa, à Tokyo : « Si une majorité d’opinions sont favorables à une révision constitutionnelle, la révision de l’article 9 ne remporte pas nécessairement l’adhésion. » Toutefois, « les mentalités sont en train de changer, constate Shohei Muta, chercheur au centre asiatique des archives nationales japonaises (Japan Center for Asian Historical Records), à Tokyo. La période de récession a fait progresser les idées des conservateurs dans l’opinion et provoqué un glissement politique vers la droite. Le premier ministre Koizumi défend une ligne plus conservatrice que ses prédécesseurs, notamment sur les questions historiques. Un autre signe est que, particulièrement ces dernières années,certains médias ont évolué vers des positions politiques très à droite. Les idées de gauche se font de moins en moins entendre ».
La signature du traité de 1960 avait déclenché des manifestations qui affectèrent la vie politique du pays pendant deux mois et entraînèrent l’annulation de la visite du président Dwight Eisenhower. Le principal reproche de l’opposition était alors qu’à la différence du traité de 1951, imposé par les vainqueurs à la fin de la période d’occupation, « l’accord de 1960 était le fruit d’une négociation menée par un gouvernement libre et agissant de son plein gré » [14]. Bien qu’adopté par la Chambre des représentants, au terme d’un vote-surprise, le traité de 1960 s’inscrivait dans un cadre démocratique. Son actuelle révision suscite une vive opposition, notamment de la part des dirigeants et de la population dans les préfectures où sont localisées les bases américaines. Ainsi la ville d’Iwakuni, au sud-ouest de Hiroshima, où le plan de redéploiement prévoit un renforcement des unités de la base américaine, a pris l’initiative d’organiser le 12 mars 2006 un référendum. Cette consultation, purement symbolique, a donné une écrasante majorité (89 % des votants) au rejet du projet. Mais ces protestations locales sont de peu de poids, le redéploiement étant décidé au sommet par les seuls gouvernements, sans consultation populaire ni parlementaire.
Le renforcement de l’interopérabilité implique également la transformation militaire des forces japonaises afin qu’elles restent au niveau de leurs homologues américaines, notamment sur le plan technologique. C’est pourquoi le futur accord prévoit un double mouvement de « développement des capacités respectives de défense » et d’« optimisation des bénéfices des innovations technologiques ».
Le Japon, comme les autres alliés de Washington en Asie-Pacifique, s’inquiète de l’écart croissant entre ses capacités et celles des Etats-Unis. Et ce dans la mesure où un certain nombre d’obstacles budgétaires, institutionnels et bureaucratiques freinent ou empêchent une transformation militaire aussi poussée que celle engagée par Washington, comme l’indique le compte-rendu d’une conférence organisée par l’Asia-Pacific Center for Security Studies (APCSS), institut de recherche rattaché au ministère de la défense américain [15].
Au centre de la coopération entre les deux pays, en particulier depuis le survol du territoire japonais par un missile balistique nord-coréen en 1998, la Ballistic missile defense (BMD) fera l’objet d’« améliorations dans la coordination des capacités respectives », indique le rapport du 29 octobre. Les transferts de technologie militaire américaine représentent un enjeu industriel majeur pour le Japon dans la mesure où une directive politique lui interdit, depuis 1967, l’exportation d’armements et de technologie militaire [16].
Une levée partielle de ce principe avait cependant été autorisée par le cabinet Koizumi en décembre 2004, dans le cadre de la coopération avec les Etats-Unis sur la défense antimissile. « Pour Mitsubishi et Kawasaki Heavy Industries, les deux principales industries d’armement japonaises, le défi technologique justifierait la levée de l’interdit » [17], souligne Régine Serra. L’Agence japonaise de la défense indiquait récemment son intention de se doter de 124 missiles Patriot d’ici à la fin 2010 : ils seraient d’abord importés des Etats-Unis, puis la production en serait transférée à Mitsubishi Heavy Industries Ltd. [18].
Les voisins asiatiques du Japon, qui ont encore en mémoire la colonisation nippone au siècle précédent, voient d’un mauvais œil cette évolution vers une remise en cause du système post-1945, axé sur le pacifisme. L’exacerbation des nationalismes et les enjeux stratégiques se conjuguent avec les nombreux traités de sécurité ou de coopération signés par les Etats-Unis en Asie-Pacifique pour entretenir un mouvement de course aux armements dans cette zone : elle est devenue le deuxième marché mondial de l’armement, après le Proche-Orient, avec un volume d’achat supérieur à 150 milliards de dollars entre 1990 et 2002 [19].
Pour les Etats alliés et partenaires de Washington, au premier rang desquels l’Australie, la Corée du Sud et Taïwan, l’objectif est, comme pour le Japon, de rester opérationnels vis-à-vis des forces américaines, car la probabilité d’opérations de coalition avec les Etats-Unis, comme en Afghanistan ou en Irak, s’accroît. Beaucoup d’entre eux acquièrent ainsi de nouveaux équipements américains, tel le système de combat naval Aegis pour l’Australie, le Japon et la Corée du Sud.
Certains Etats de la région expriment pourtant leurs critiques quant au caractère excessif des technologies militaires de pointe exportées en Asie par les Etats-Unis depuis l’instauration de la « révolution dans les affaires militaires » (Revolution in Military Affairs, RMA). Considérés comme appartenant au « domaine des idées, de l’innovation et de la technologie », avec une tendance à un « amour de la technologie pour la technologie », ces moyens seraient « inadaptés à des menaces de faible intensité, particulièrement au terrorisme ou aux opérations anti-insurrectionnelles », précise le compte-rendu d’une autre conférence organisée par l’APCSS [20].
Les participants s’y inquiètent des répercussions des transformations militaires sur la région. Dans la mesure où elles ont « pour objet la consolidation et le renforcement de la suprématie militaire américaine », celles-ci pourraient aboutir à la « création de nouvelles menaces ».
Les pays incapables de faire évoluer leur défense nationale pourraient en effet « réagir par des réponses asymétriques, comme des attaques de niveau faible, ou étendre leurs capacités en matière d’armes de destruction massive ». C’est tout le paradoxe de la politique de sécurité menée par Washington dans cette région.