Un mois après sa création, le fichier de police Edvige (Exploitation documentaire et valorisation de l’information générale), qui compile les données sur les personnes de plus de 13 ans « susceptibles de porter atteinte à l’ordre public », ainsi que sur toute personne exerçant un rôle « politique, économique, social ou religieux significatif », suscite toujours autant de réactions. Après les recours déposés devant le Conseil d’Etat par un collectif d’associations et de syndicats (Ligue des droits de l’homme, Amnesty International, CGT, FSU, FO, CFDT) afin d’obtenir l’annulation de ce fichier, plusieurs personnalités politiques se saisissent de l’affaire.
Etienne Tête, adjoint au maire de Lyon et conseiller régional Vert en Rhône-Alpes, a décidé de déposer un recours devant le Conseil d’Etat pour « traduire l’inquiétude politique en termes juridiques ». « Ce qui me scandalise, c’est que l’on puisse ficher tout le monde, ce n’est pas un fichier pour la sécurité publique », a lancé l’élu lyonnais, dont le recours se fonde en grande partie sur la Convention européenne des droits de l’homme et un arrêt rendu en 2006 par la Cour européenne des droits de l’homme contre la Suède.
Corinne Lepage, vice-présidente du MoDem, a déposé, jeudi 31 juillet, son propre recours devant le Conseil d’Etat pour annuler le décret qui a abouti à la création de ce fichier. Le recours de Mme Lepage vise plus particulièrement le « fichage des élus et responsables politiques », une évolution qui « porte atteinte gravement aux libertés publiques et [qui ne peut] en toute hypothèse pas être instaurée par décret mais par la loi ».
Mme Lepage contredit en outre les affirmations du ministère de l’intérieur selon lesquelles les informations qui figureront dans le fichier étaient déjà susceptibles d’être recueillies par les Renseignements généraux (RG). La création d’Edvige est une conséquence de la fusion de la DST (direction de la surveillance du territoire) et des RG, actée le 1er juillet. Pour Mme Lepage, d’une « pratique des RG » qui était « artisanale » et déjà largement contestée, on passe à « échelle industrielle » incompatible avec une société démocratique.
Tout recours devant le Conseil d’Etat doit être déposé au maximum deux mois et deux jours après la parution du décret au Journal officiel, à savoir le 29 août. Corinne Lepage confirme être en contact avec d’autres associations ayant déjà effectué la même démarche, et n’écarte pas l’idée d’une « défense collective » lorsque les actions seront instruites.
Un autre fichier, nommé Cristina (Centralisation du renseignement intérieur pour la sécurité du territoire et les intérêts nationaux), également issu de la fusion des Renseignements généraux, a été créé parallèlement à Edvige. Issu des données de la DST, Cristina, qui contient des données personnelles sur les personnes fichées et leur entourage, est classé « secret-défense » et n’est pas soumis à la vigilance de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
Sentant que la fronde contre Edvige prenait de l’ampleur (une pétition mise en ligne depuis le 10 juillet a recueilli plus de 60 000 signatures), le ministère de l’intérieur a indiqué qu’il était prêt à consulter la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) « très en amont » pour toute nouvelle création de fichiers de police. Dans une lettre envoyée à la Halde, qui demandait des « précisions » sur Edvige, Michèle Alliot-Marie a proposé qu’une convention qui doit être signée dans les prochains jours entre les deux parties soit « enrichie par l’intégration d’une semblable perspective ».