Cette directive, que les associations antiracistes et de défense des droits de l’Homme appellent la « directive de la honte », c’est le cadeau que la présidence slovène lègue à la présidence française, qui débute en juillet. Les 27 gouvernements de l’Union se sont entendus sur un texte que le Parlement européen est appelé à adopter dans les mêmes termes, selon le principe de la codécision [1]. Même si les eurodéputés sont majoritairement de droite, la pression de la mobilisation ne sera pas forcément sans effets. Ce texte de la Commission est travaillé depuis septembre 2005, et les négociations n’ont pas été simples entre les gouvernements. Alors que les ministres de l’Intérieur et de l’Immigration des pays membres se sont retrouvés, le 5 juin, pour adopter le texte définitif, c’est la veille qu’une des dispositions les plus controversées a fini par être aménagée. Comme certains États refusent d’assurer l’aide juridictionnelle pour les sans-papiers, la commission a consenti à la financer partiellement. Mais cette directive est avant tout liberticide.
Le texte prévoit que l’enfermement en rétention des étrangers pourra être porté à dix-huit mois. Il organise aussi un véritable bannissement de tout expulsé, avec l’interdiction systématique du territoire des 27 États de l’Union pendant cinq ans. Les enfants, même non accompagnés, pourront être reconduits à la frontière, voire largués dans un pays par lequel ils ont transité, même s’ils n’y ont aucune attache. Ni les femmes enceintes, ni les malades ne feront exception. Hortefeux croit nous rassurer en déclarant à la presse qu’en France la rétention pourrait rester limitée à 32 jours et les mineurs isolés rester non expulsables. L’expérience montre qu’une fois adoptée, la directive ouvre la voie à un durcissement généralisé et légitimé d’avance. Sans même attendre l’adoption de la directive, l’Espagne vient d’annoncer le passage de la durée maximale de rétention de 30 à 40 jours et l’Italie de deux à dix-huit mois.
Face à cette directive, les Églises ont exprimé leurs « craintes », dans des termes bien mesurés. Cela n’en témoigne pas moins d’un vaste mouvement d’opinion contre l’Europe forteresse et l’enfermement des étrangers. La tribune libre parue dans Le Monde du 7 juin exprime, par ses signatures [2], les potentialités de ce mouvement d’opinion. La mobilisation devra être assez puissante, engageant tout le mouvement syndical et associatif, pour compromettre le « pacte européen de l’immigration » que Sarkozy veut sceller en Europe.
Emmanuel Sieglmann
Notes
1. Procédure législative communautaire qui confère au Parlement européen le pouvoir d’arrêter les actes conjointement avec le Conseil des ministres.
2. Gérard Aschieri (FSU), Francine Blanche (CGT), Laurent Cantet (cinéaste), Marc Peschanski (Inserm), Aminata Traore (ancienne ministre de la Culture du Mali).
* Paru dans Rouge n° 2256, 12/06/2008.
MANIFESTATION EN SOLIDARITÉ AVEC LES SANS-PAPIERS CONTRE LA DIRECTIVE DE LA HONTE
samedi 14 juin, 14 h, M° Odéon (Paris)
Faire échec à la directive de la honte
Communiqué de la LCR
La directive dite de « retour » sera examinée par le Parlement européen le 18 juin. Cette directive, qui permet de porter à 18 mois l’enfermement en centre de rétention, est profondément liberticide. De plus, elle organise un véritable bannissement des expulsés en leur interdisant le territoire des 27 états de l’Union européenne, pendant cinq ans. Les enfants, même non accompagnés, pourront être reconduits à la frontière. Toutes ces scandaleuses dispositions concerneront également les femmes enceintes et les malades. Les déclarations lénifiantes de B. Hortefeux sur le maintien, en France, d’une durée en centre de rétention de 32 jours, ne doivent pas faire illusion. La porte est ouverte pour un durcissement généralisé. La chasse aux roms reprend de plus belle depuis l’élection de Berlusconi. L’Espagne et l’Italie ont déjà allongé la durée de rétention. Cette nouvelle offensive qui vise les immigrés intervient en pleine grève des sans-papiers pour leur régularisation. C’est pourquoi, la LCR participera avec Olivier Besancenot, son porte-parole, à la manifestation du samedi 14 juin, à 14h, à l’Odéon, contre la directive de la honte et pour la solidarité avec les sans-papiers.
Le 13 juin 2008
SANS-PAPIERS : Contre la directive de la honte
Le 18 juin, la « directive retour » sera soumise au vote du Parlement européen, à Strasbourg. Préparée par les vingt-sept États membres de l’Union européenne (UE), cette directive prévoit un durcissement général très grave en matière de chasse aux immigrés. L’enfermement des sans-papiers, dont le seul tort aura été de braver l’Europe forteresse en vue d’une vie meilleure, pourra atteindre dix-huit mois. Pourront être détenus, puis expulsés, les femmes enceintes ou les mineurs, ces derniers pouvant même être reconduits dans un pays tiers où ils n’ont aucune attache. Les États européens ne seront pas tenus de délivrer un titre de séjour aux étrangers gravement malades. Les immigrés expulsés se verront systématiquement interdire le territoire de toute l’Union pendant au moins cinq ans. Les États membres n’auront plus à fournir une aide juridictionnelle gratuite aux sans-papiers.
Un durcissement d’une gravité aussi exceptionnelle dessine les projets répressifs d’une Europe libérale, et ils ne tarderont pas à s’étendre à tous. Les États surfent sur une poussée de la xénophobie en Europe, qu’ils n’hésitent pas à encourager par ailleurs. Ainsi, l’élection de Berlusconi a été suivie de pogroms anti-Roms en Italie, que le milliardaire populiste a immédiatement salués par des mesures plus répressives à l’égard des sans-papiers.
Pour autant, il n’est pas dit que la directive de la honte parvienne à s’imposer. Le Parlement dispose en la matière d’un pouvoir de codécision avec le Conseil des ministres de l’UE. Tout dépendra de la mobilisation antiraciste dans les différents États membres. En France, le collectif Uni(e)s contre une immigration jetable1 appelle à manifester, le samedi 14 juin, à partir de 14 heures (métro Odéon à Paris). C’est dans toute l’Europe que doit se faire entendre le rejet massif de cette ignominie. C’est d’autant plus important en France, que Sarkozy s’apprête à assurer la présidence de l’UE à partir du 1er juillet, avec l’objectif de renforcer la coopération policière et d’interdire les régularisations massives. Comme les travailleurs sans papiers en grève, n’hésitons pas à pourrir ses projets d’avenir.
Emmanuel Sieglmann
Notes
1. www.contreimmigrationjetable.org
* Paru dans Rouge n° 2255, 05/06/2008.