SNCF : Une grève en demi-teinte
La grève de la SNCF, le mardi 10 juin, aura été suivie avec des hauts et des bas, selon les endroits. Par ailleurs, le préavis de grève, qui portait principalement sur les attaques contre les effets de la libéralisation/filialisation du fret, ne couvrait, pour FO et la CGT, que les cheminots de l’aiguillage, des guichets et des conducteurs de train. Pour SUD-Rail, le préavis concernait tous les services.
De fait, les assemblées générales (AG) du matin étaient assez peu nombreuses et les taux de grévistes du 22 mai, où la grève servait avant tout à couvrir les cheminots se rendant aux AG, n’ont pas été égalés. Cependant, dans plusieurs dépôts de conducteurs, les taux de grévistes dépassaient les 50 %, voire les 70 %, et, la plupart du temps, la grève a été reconduite. Mais il s’agissait de reconductions peu dynamiques, se faisant dans l’espoir qu’il y ait un endroit où la grève serait plus forte qu’ailleurs et qu’il fallait reconduire « au cas où », pour rejoindre des collègues un peu plus nombreux.
Par ailleurs, la direction de la SNCF a tout fait pour désamorcer la grève en amont. Elle a annoncé qu’elle gelait les modifications du RH077 (réglementation du travail interne mis à mal par la création de la « famille fret ») et qu’elle octroyait 200 euros aux cheminots sur la paye du mois de juin, au titre des bons résultats de l’entreprise en 2007. De plus, les cheminots sont comme les autres salariés : pour le moins dubitatifs face aux confédérations syndicales qui appellent les salariés à se défendre les uns derrière les autres et en ordre dispersé. Pour mobiliser dans un contexte difficile, il y a mieux !
Mais il ne faut pas se leurrer, la SNCF envisage de remettre le couvert au mois de juillet, avec la création de son entité « indépendante » fret. Au final, cette politique est catastrophique au niveau des transports : outre de la dégradation programmée des conditions de travail des cheminots, des dizaines de milliers de camions supplémentaires prendront la route, au nom de la rentabilité. Les raisons de se mobiliser sont intactes.
Correspondants
* Paru dans Rouge n° 2256, 12/06/2008.
SNCF : Retour de la mobilisation
La direction de la SNCF cherche à flexibiliser les conditions de travail dans le fret. Sa part dans ce trafic baisse, car il n’est plus considéré comme un service public.
De 27 % à 30 % de grévistes à la SNCF le 22 mai, c’est une bonne surprise. Après le service minimum et l’attaque contre le régime de retraite des cheminots, la direction a marqué des points, mais les cheminots viennent de montrer qu’ils n’ont pas dit leur dernier mot et qu’il faudra compter avec leur capacité de résistance.
Cette grève intervient dans un contexte social tendu à la SNCF, notamment au fret. Avec l’arrivée de la concurrence dans ce secteur, la direction entend modifier la réglementation du travail des conducteurs et des personnels chargés de la manœuvre des wagons, en introduisant davantage de flexibilité. Si le privé ne représente que 5 à 8 % des trafics, il sert de laboratoire pour le dumping social. Dans ces entreprises (Veolia, ECR, etc.), les personnels sont polyvalents et peuvent être à disposition de leur patron, de sept heures à neuf heures, comme dans la grande distribution, avec une coupure de trois à quatre heures d’attente dans la journée. C’est ce type d’organisation que la direction de la SNCF veut introduire, notamment dans le fret. L’ensemble des syndicats refuse cette flexibilité et menace d’un conflit long courant juin. Le président de la SNCF, Guillaume Pépy, social-libéral sarko-compatible, fait quelques concessions limitées, mais dresse surtout les autres cheminots et l’opinion publique contre « les grévistes irresponsables qui font le jeu de la concurrence ».
En vérité, si le fret SNCF est mal en point aujourd’hui, la responsabilité en incombe avant tout aux pouvoirs publics, qui n’ont jamais su résister au lobby de la route ni voulu considérer le transport de marchandises comme faisant partie du service public ferroviaire. La direction SNCF est également responsable car, depuis de nombreuses années, elle n’a de cesse de réduire les coûts et de sélectionner les clients les plus rentables. Ce qui se traduit par une baisse importante du trafic (50 milliards de tonnes/km en 2000, 40 milliards en 2007). Ce qui pourrait faire la force de la SNCF (entreprise intégrée, couverture du territoire, premier transporteur routier) n’est pas utilisé avec la gestion par activités. Il n’y a plus d’organisation interne permettant la synergie et la complémentarité, c’est la concurrence à tous les étages ! Ainsi, aujourd’hui, des trains de fret ne peuvent pas être acheminés alors que des conducteurs disponibles ne sont pas utilisables car ils appartiennent à une autre activité (TER, voyageurs, etc.).
Le 29 mai, une réunion de négociation était prévue. Il est clair que si la direction ne retire pas son projet, il y aura mobilisation. Tous les cheminots sont concernés car, après le fret, c’est le trafic voyageurs qui doit être ouvert à la concurrence en 2010. Il faut faire reculer la direction sur sa première attaque d’envergure contre le statut des cheminots.
Charles Tenor
* Paru dans Rouge n° 2254, 29/05/2008.
Condamnation de la SNCF
Mardi 6 mai, le conseil des prud’hommes de Paris a rendu sa décision, dans l’affaire opposant 45 cheminots de la région Paris rive gauche à la direction de la SNCF. Soutenus par le syndicat SUD-Rail, les agents réclamaient l’application d’un point de l’accord sur les 35 heures et le respect du nombre de repos périodiques. Après un an de procédure, la direction de la SNCF a été condamnée. Elle devra dédommager les agents à hauteur de 180 euros par année et rembourser les frais de justice.
La direction avait cru bon de ne pas vouloir traiter ce problème en interne, pourtant porté depuis plusieurs années par les délégués du personnel. Elle pensait ainsi dégoûter les agents et s’affranchir de tout dédommagement. Mais les cheminots ne se sont pas démontés, et ils sont allés jusqu’au bout : la direction ne peut aujourd’hui que constater qu’elle a eu tort ! Cette affaire est bien la preuve qu’en s’organisant, en luttant collectivement, les salariés peuvent faire valoir leurs droits et en gagner de nouveaux. À force de supprimer du personnel, la SNCF n’est plus en mesure de respecter la réglementation du travail. Les conditions de travail se dégradent au même rythme que les bénéfices de l’entreprise augmentent ! C’est fou, mais c’est pourtant la réalité : pendant que la SNCF annonce plus de 1 milliard d’euros de bénéfices et en reverse plus de 120 millions à l’État, les cheminots luttent pour faire respecter leurs droits.
* Paru dans Rouge n° 2253, 22/05/2008. (Au jour le jour)