Les séquelles du typhon Nargis, qui a frappé la Birmanie les 3 et 4 mai, se lisent partout dans le district de Kyauktan, au sud-est de Rangoun. Sur les talus, où les vagues meurtrières se mesurent à la quantité de limon déposé. Dans les rizières, où les hommes marchent toujours dans l’eau jusqu’à la taille. Dans les monastères, où les moines arpentent, hagards, les gravats de reliques qui leur restent.
Selon les ONG, près de trois semaines après le passage du typhon, seulement 20 % des besoins de cette crise, sans précédent dans ce pays, seraient réellement pris en charge. Lundi 19 mai, la junte se résignait à réévaluer le nombre des victimes du cyclone : 77 738 morts et 55 917 disparus, même si des estimations indépendantes évoquent jusqu’à 200 000 morts.
A la pagode de Kyauktan, seul un Bouddha monumental est resté debout après le cyclone. Mais il y a perdu sa main doite, celle toujours levée, censée protéger du danger.
Au bord d’une route cahoteuse, une mère fixe l’horizon boueux autour de sa cabane rafistolée. La truie qu’elle élevait est morte pendant le cyclone. Alors, faute d’aide humanitaire, ce n’est plus son jeune garçon qu’elle allaite, mais les deux porcins orphelins qui ont survécu.
Dans ce district, les vents du typhon ont pourtant soufflé un peu moins fort, et les morts ont été enterrés un peu plus vite qu’ailleurs. Le gouvernement birman a même jugé la zone « peu sinistrée ». Aussi, l’ampleur des dégâts constatés ici permet-elle de deviner les ravages dans les zones plus touchées du delta de l’Irrawaddy, sur lesquelles la junte impose toujours un strict « huis clos ».
Plus de deux semaines après la catastrophe, seuls des Birmans bénévoles ou engagés par une ONG peuvent apporter de l’aide aux sinistrés. Et encore, pas dans toutes les zones. Les humanitaires étrangers, eux, sont priés de rester à Rangoun. La police et l’armée ont été déployées autour de la capitale et dans les zones affectées pour contrôler les déplacements.
LE PROBLÈME DE LA NOURRITURE
Le long des voies étroites qui enjambent les innombrables bras de mer du district de Kyauktan, les récits se ressemblent, mais chacun a son histoire. « Le vent est monté, monté, il sifflait puis grondait à cadence régulière, et puis, tout d’un coup, il s’est retourné et tous les arbres sont tombés, se souvient une grand-mère, devant sa maison endommagée. Alors j’ai pris les enfants par la main et j’ai couru sur la route. »
Dans l’une des pagodes du district, vieille de cent quatre-vingts ans, le cyclone n’a épargné que la dalle de carrelage blanc. Les toitures se sont envolées, la charpente a été éventrée. Les piliers brisés ont dévoilé la brique rouge sous les dorures. C’est pourtant là, comme dans de nombreux villages, que la plupart des habitants sont venus se réfugier.
« On a vécu en communauté pendant environ une semaine avant que les gens commencent à rentrer chez eux », raconte l’un des moines, 30 ans, dans la moiteur de ce début de mousson. Pas de morts ici, selon lui, mais 170 maisons détruites et beaucoup de blessures. Des plaies liées aux tôles et aux noix de coco qui volaient.
Dans les autres régions du delta, plus inondées, c’est le sel qui a blessé. Des victimes sont restées des heures agrippées aux troncs des cocotiers. Les masses d’eau salées balayées par le cyclone ont décapé la peau et brûlé les ventres et les cuisses.
Les morts, dans le district de Kyauktan, ont souvent été le fait des arbres tombés sur les maisons. Dans le reste du delta, les victimes, hommes et animaux – parfois des familles et des villages entiers – sont essentiellement mortes noyées par des vagues gigantesques de 4m à 6 mètres de haut soulevées par le cyclone.
Dans la vieille pagode, près de Kyauktan, où tous les habitants des villages alentour s’étaient réfugiés très vite, comme ailleurs, le problème de la nourriture s’est posé. « On avait quelques réserves, mais après, normalement, les journaliers ont à manger quand ils travaillent. Or, là, ils ne peuvent pas à cause des champs inondés », explique le même moine. Une réelle menace de crise nutritionnelle existe, selon les diététiciens de plusieurs ONG à Rangoun. Car la saison des semences, en théorie, a commencé le 15 mai.
Franck, humanitaire pour le compte d’Action contre la faim (ACF) et l’un des rares expatriés à avoir pu se rendre sur les lieux les plus sinistrés, notamment à Bogalay, l’une des villes martyres du delta de l’Irrawaddy, avant d’être renvoyé sur Rangoun, raconte : « Les pêcheurs ont perdu leur bateau et leurs filets, les commerçants n’ont plus de boutique… Surtout, les gens ont perdu tout leur argent, et les prêts sont à des taux inaccessibles… »
MOINS DE 1 KG DE RIZ ET 40 G DE POMMES DE TERRE PAR FAMILLE
Beaucoup de sinistrés ont commencé à réparer, à redresser les maisons et les poteaux électriques avec des cordes. Mais le prix des matériaux a explosé et, dans certains endroits, la matière première elle-même manque.
A Kyauktan, il n’y a pas d’humanitaires. Depuis la catastrophe, la pagode n’a reçu la visite des militaires qu’une seule fois et pour une distribution modique : moins de 1 kg de riz et 40 g de pommes de terre par famille. Or, selon ACF, l’une des rares ONG françaises, avec Médecins du monde, autorisées à travailler par la junte, c’est 50 kg à 60 kg pour quinze jours et pour une famille qui seraient nécessaires.
« Je le dis très librement : le gouvernement ne nous aide pas du tout », gronde un villageois de 56 ans, père de quatre enfants. Comme dans les régions sinistrées, dans la pagode et dans les villages alentour, on s’en remet à l’aide des civils ou des religieux, bouddhistes ou hindouistes.
Suite aux appels répétés du gouvernement aux bonnes volontés, mais surtout exaspérés par la façon dont leur gouvernement rejette l’aide internationale, de nombreux Birmans se sont organisés pour des distributions, parfois avec le soutien logistique de leur société.
Thura, 28 ans, un Birman de Rangoun, fonctionnaire, est de ceux-là, et raconte son effarement. D’après ce qu’il a constaté lors de distributions, l’armée est surtout présente « dans les villes ». Elle sécurise les grands axes, gère des camps de réfugiés, organise des distributions homéopathiques le long des routes où les sinistrés affluent. Mais elle ne se rend jamais dans les zones à l’écart… sauf accompagnée de caméras.
E.V.
* LE MONDE | 21.05.08 | 14h36 • Mis à jour le 21.05.08 | 14h43.
Le recul des mangroves en Birmanie a aggravé l’impact du typhon
Le fort recul des mangroves a aggravé l’impact du typhon Nargis, qui a frappé la Birmanie début mai. Les mangroves sont des forêts tropicales constituées de palétuviers, qui ont la particularité de se développer dans les zones côtières où se mélangent eau douce et eau salée.
« Les mangroves, qui peuvent atteindre 40 m de hauteur et s’étendre sur plusieurs kilomètres entre le front de mer et la côte, peuvent en grande partie disperser l’énergie des tempêtes tropicales », dit Christophe Proisy, chercheur à l’Institut de recherche sur le développement (IRD). En effet, les palétuviers maintiennent le sol et offrent une forte résistance au vent.
Encore faut-il que cet écosystème particulier soit bien préservé. Or, si la Birmanie comptait il y a vingt ans de nombreuses mangroves dans le delta de l’Irrawaddy, le gouvernement militaire a encouragé leur conversion en rizières, afin d’assurer l’autosuffisance alimentaire du pays. Au total, selon la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), leur superficie dans le delta a diminué de moitié depuis 1975, passant à 100 000 hectares.
« La Birmanie n’est pas seule dans ce cas, dit François Fromard, du CNRS, à Toulouse : Dans toute l’Asie, on a détruit les mangroves pour développer la riziculture ou la culture de crevettes, ou pour l’urbanisation. Il y a une prise de conscience depuis quelques années de leur rôle protecteur, mais les comportements ne changent pas encore. »
Hervé Kempf
Le delta de l’Irrawaddy, grenier à riz dévasté
C’est le grenier à riz du pays – la principale denrée de base pour 57 millions de Birmans – que le typhon Nargis a ravagé le 3 mai. Les réticences de la junte à ouvrir l’accès aux zones sinistrées interdisent encore toute estimation des dégâts et toute projection sur les conséquences de la catastrophe à long terme. Le delta de l’Irrawaddy fournit environ 65 % de la production nationale sur ses terres basses irriguées en abondance, soit environ la moitié de toutes les terres irriguées du pays.
La Birmanie fut dans les années 1950, après son indépendance (et à la faveur du déclin de l’ex-Indochine française dans la guerre), le premier exportateur de riz du monde. Des décennies de gabegie sous administration militaire en ont fait un pays tout juste autosuffisant pour son alimentation.
Sa production de 30 millions de tonnes avait tendance à se tasser depuis deux ans mais, à la faveur d’économies réalisées par ailleurs, le gouvernement avait autorisé les exportateurs à vendre 600 000 tonnes pour l’année en cours, en vue de profiter des hausses des cours sur les marchés mondiaux. Ce gain financier est probablement compromis.
L’urgence agricole a été chiffrée à 243 millions de dollars par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), dans une première estimation qui ne tient que partiellement compte de dommages encore impossibles à évaluer. La proportion de rizières détruites, le nombre d’animaux de trait morts ou indisponibles, les habitations détruites interdisant aux cultivateurs d’envisager de revenir sur leur terrain…
DIFFICILE REDÉMARRAGE DE L’AGRICULTURE
Les stocks de semences qui avaient été engrangées en prévision de la prochaine campagne, plantées en avril-mai, ont été en grande partie détruits ou épuisés par les survivants. Ils devront être reconstitués à partir d’importations auprès des pays voisins, comme la Thaïlande, premier exportateur du monde. Il faudra également substituer aux buffles morts des tracteurs « made in China », bon marché, pour permettre la reprise du travail de la terre.
La pénurie de carburant, hors de prix pour un cultivateur, aggrave encore la situation. Enfin, les terres ont reçu de l’océan Indien, dans le raz-de-marée provoqué par le typhon, une quantité d’eau salée qui va rendre difficile le redémarrage de l’agriculture.
En outre, le delta fournit normalement 50 % de la volaille et 40 % des porcs de la production nationale. Une demande d’aide urgente pour 20 millions de dollars en vue de remettre sur pied ces productions indissociables de l’activité des riziculteurs est sur la table des organisations internationales.
Les deux semaines de tergiversations de la junte face aux pressions étrangères pour qu’elle ouvre son territoire aux experts internationaux dans les zones sinistrées font d’ores et déjà craindre le pire. Selon des estimations indépendantes, ces blocages pourraient faire doubler les besoins en riz, chiffrés à 50 000 tonnes pour six mois.
Francis Deron
* LE MONDE | 21.05.08 | 14h38 • Mis à jour le 22.05.08 | 16h51.
« La population birmane n’est pas dupe du rôle du régime militaire »
Selon une estimation de l’ONU, seulement un quart des sinistrés du cyclone Nargis auraient obtenu de l’aide. Concrètement, à quoi les victimes du cyclone Nargis ont-elles accès ?
Olympe Doutremot – Depuis la catastrophe, il y a eu différents types d’aides. La première a été celle organisée par la communauté birmane elle-même. Lorsqu’ils le pouvaient, les voisins se sont entraidés. Des initiatives personnelles ont vu le jour : certains chanteurs ont organisé des collectes ; les moines, partie intégrante de la communauté, ont participé à cet élan. A Rangoun, les militaires ont déblayé les grands axes des innombrables arbres déracinés, afin de permettre à nouveau l’accès à l’ancienne capitale et son contrôle.
Les initiatives personnelles, bien qu’insuffisantes face à l’ampleur de la catastrophe, ont été menées pour remédier à l’impossibilité d’action dans laquelle se trouvaient les ONG déjà présentes. Ces ONG sont habituellement soumises à une régulation très stricte, en particulier concernant les déplacements de leurs équipes, régulation renforcée dès le lendemain de la catastrophe.
Quel rôle joue l’armée birmane sur le terrain, à la fois auprès des Birmans et avec les ONG ?
A la télévision nationale et dans les journaux de propagande, certains dirigeants militaires sont filmés dans des « villages-modèles » où l’armée distribue de l’eau et des vivres. En réalité, les sinistrés souhaitent quitter les régions du delta pour rejoindre Rangoun. Et c’est là qu’intervient l’armée, en bloquant les voies d’accès.
La raison majeure qui explique que, selon l’ONU, seulement un quart des sinistrés aient reçu de l’aide, est celle du refus de la junte de laisser entrer les humanitaires sur le territoire birman. La junte n’accepte que l’aide matérielle et souhaite être l’unique acteur de la distribution afin de ne pas faillir à sa mission, c’est-à-dire « la gestion des affaires birmanes par les Birmans ». Et les critiques dont elle est l’objet ne font que renforcer cette attitude de retranchement.
La population a-t-elle conscience que la junte empêche l’acheminement de l’aide internationale ?
Désormais, l’après-cyclone est très médiatisé, même en Birmanie. Dans le centre de Rangoun, des vendeurs à la sauvette proposent des vidéos de la catastrophe filmées dans des villages du delta. Les informations sur l’inertie de la junte et son incapacité à gérer la crise circulent rapidement. L’électricité et Internet ont désormais été rétablis dans la majeure partie de Rangoun. Un certain nombre de Birmans, malgré la censure qui existe sur le Net, notamment sur les sites de l’opposition en exil, a donc accès à la presse internationale.
La population ne peut plus désormais être dupe du fait que la junte empêche l’arrivée de l’aide internationale. Malgré un nationalisme exacerbé, la majeure partie de la population est consciente que l’armée faillit à sa tâche. Le sentiment partagé par tous est celui de la colère. Colère, mais pas encore révolte.
Propos recueillis par Marie Maurisse
* Olympe Doutremot, étudiante et chercheuse, vit à Rangoun.
* LEMONDE.FR | 20.05.08 | 13h53 • Mis à jour le 20.05.08 | 15h01.
Ban Ki-moon en Birmanie pour convaincre la junte d’accepter des secours massifs
Alors que le cyclone Nargis qui a ravagé la Birmanie les 2 et 3 mai a fait plus de 2,4 millions de sinistrés, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, est arrivé, jeudi 22 mai, à Rangoun, la capitale du pays, pour tenter de convaincre la junte d’accepter une aide humanitaire massive. C’est la première visite d’un secrétaire général de l’ONU en Birmanie depuis 1964. Cette mission s’annonce difficile.
Ban Ki-moon a débuté son séjour par un hommage aux victimes du cyclone, à la célèbre pagode Shwedagon, le sanctuaire bouddhiste le plus sacré du pays. Son voyage vise essentiellement à « sauver des vies » après la catastrophe qui a fait officiellement 133 600 morts et disparus, a-t-il déclaré à Bangkok, où il se trouvait précédemment.
Le programme du secrétaire général sud-coréen est chargé. Il doit d’abord s’entretenir avec diverses organisations humanitaires avant de se rendre dans des zones très affectées de la région du delta de l’Irrawaddy (sud-ouest), dévastée par le cyclone. Vendredi 23 mai, il doit rencontrer le numéro un de la junte, Than Shwe, et dix de ses adjoints, dans la nouvelle capitale administrative de Naypyidaw, située dans une région reculée du centre. Il repartira vers Rangoun dimanche pour participer à une conférence internationale d’appels de fonds, organisée sous l’égide de l’ONU et de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (Asean) qui doit, en principe, s’impliquer dans la coordination de l’aide internationale.
OBTENIR DES AUTORISATIONS
Le premier des neuf hélicoptères du Programme alimentaire mondial (PAM) de l’ONU autorisés par la junte devait arriver jeudi à Rangoun. La flotte devrait permettre d’acheminer plus facilement l’aide aux populations de l’Irrawaddy. Autoriser ces hélicoptères, même si leur nombre demeure réduit, constituait déjà une concession sans précédent pour une junte recluse qui se méfie du monde extérieur.
Le régime militaire birman n’a toujours pas autorisé Le Mistral, un bâtiment de la marine nationale française, à acheminer les 1 000 tonnes de fret humanitaire qu’il transporte, qui permettraient de nourrir 100 000 personnes pendant quinze jours, et de fournir un abri à 60 000 sinistrés.
Quant aux médias officiels en Birmanie, ils n’évoquent même pas la visite de Ban Ki-moon. « L’aide fournie par des donateurs locaux et de l’étranger est systématiquement et en temps utile distribuée aux victimes de la tempête dans les zones affectées », a affirmé le New Light of Myanmar. « Les victimes ne doivent pas croire les informations fabriquées par des éléments destructeurs en Birmanie et à l’étranger », a-t-il ajouté.
* LEMONDE.FR avec AFP | 22.05.08 | 09h44 • Mis à jour le 22.05.08 | 10h03.
Deuil national de trois jours en Birmanie, Rangoun impose ses conditions à l’aide aux victimes de Nargis
La junte birmane a gagné le pari qui lui était prêté par des opposants de la diaspora. Elle a réussi à différer toute intervention humanitaire étrangère, notamment occidentale, dans la crise provoquée par le typhon Nargis, jusqu’à la clôture de ses opérations politiques visant à pérenniser son pouvoir.
L’Association des pays du Sud-Est asiatique (Asean), qui regroupe la Birmanie, Brunei, le Cambodge, l’Indonésie, le Laos, la Malaisie, les Philippines, Singapour et la Thaïlande) s’est prêtée à ce jeu. Réunis à Singapour, lundi 19 mai, ses ministres des affaires étrangères ont promu le groupement régional en coordinateur exclusif des distributions d’assistance matérielle et des soins apportés aux 2,5 millions de sinistrés du delta de l’Irrawaddy.
La Birmanie accordera des visas à une trentaine de médecins et infirmiers de chacun des pays de l’Association. Une centaine de médecins indiens et chinois sont déjà à pied d’œuvre par accord bilatéral.
Le régime birman a, par ailleurs, gelé toute possibilité d’entretiens à haut niveau jusqu’au vendredi 23 mai, en décrétant un deuil national du 20 au 22 mai. De plus, il a fait entériner par l’Asean l’idée d’une conférence internationale des donneurs d’aide qui se tiendra dimanche 25 à Rangoun, son ancienne capitale.
Entre-temps, samedi, les militaires auront fait voter, sans les témoins qu’auraient été les secouristes étrangers, la population de la région sinistrée par le typhon des 2 et 3 mai sur la Constitution qu’ils entendent promulguer pour conserver les rênes du pouvoir après des élections générales en 2010.
« PAS D’ACCÈS INCONTRÔLÉ »
Le chef de la diplomatie singapourienne, George Yeo, s’exprimant au nom de l’Asean, a précisé la nature de l’intervention. « Nous allons établir un mécanisme pour permettre à l’aide d’arriver du monde entier » mais « il n’y aura pas d’accès incontrôlé » des équipes étrangères aux sinistrés, a-t-il dit. Il a rejeté l’insistance de son homologue français, Bernard Kouchner, pour une aide dépassant la volonté des militaires birmans car elle créerait, selon lui, « une complication inutile » et risquerait de causer « davantage de souffrances » aux Birmans.
Selon le quotidien de Bangkok The Nation, mardi, « l’Asean s’implique d’une façon effroyablement tardive, et devra réfléchir à sa responsabilité quand cette urgence aura été surmontée ». L’Asean avait déjà été l’objet de vives critiques en 2007 pour son impuissance à modérer la répression birmane face à l’opposition.
Les Etats-Unis, dont les navires militaires attendent, comme Le Mistral français, aux limites des eaux territoriales birmanes, de pouvoir débarquer leurs cargaisons de secours, « réservent leur réponse » sur leur participation à la conférence de Rangoun.
Pour la Chine, « la Birmanie est un pays souverain. Au bout du compte, [toute aide] doit s’en remettre à son gouvernement et à son peuple », insiste-t-on à Pékin.
Il reste au secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, quelques jours pour tenter d’infléchir la position des militaires birmans qui bloquent une aide destinée à plus de 2 millions de désespérés privés d’alimentation et de soins depuis deux semaines.
Francis Deron
Rangoun va accueillir une conférence des donateurs pour les victimes du cyclone
La Birmanie a montré de tardifs signes d’ouverture, lundi 19 mai, soit dix-sept jours après le passage du cyclone Nargis, qui a fait, selon un nouveau bilan de la junte au pouvoir, près de 134 000 morts et disparus, ainsi que 10 milliards de dollars de dégâts. Le pays a prévu d’accueillir, dimanche à Rangoun, une « conférence internationale des donateurs », organisée par l’ONU et l’Association des nations du Sud-Est asiatique (Asean), à laquelle sont conviés les ministres du monde entier. Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon sera présent, après une première visite dans le pays prévue mercredi et jeudi.
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Les Etats-Unis ont fait savoir qu’ils « réservent leur décision » sur leur participation à la conférence, jusqu’à ce qu’ils aient « une meilleure idée des détails de ce qui est proposé », a déclaré lundi le porte-parole du département d’Etat, Sean McCormack. Sous le couvert de l’anonymat, un haut responsable du département d’Etat a en tous cas pratiquement exclu que la secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice, y participe.
Le chef de la diplomatie française, Bernard Kouchner, a sévèrement jugé le projet de conférence. « C’est de l’aide de la main à la main et du cœur au cœur qu’il faut apporter, ce n’est pas une conférence des donateurs avec des ronds de jambe », a-t-il déclaré sur Europe 1. M. Kouchner a relevé que cette conférence était prévue dans six jours, et que « pendant ce temps-là, les gens meurent ». Il a cependant indiqué que « bien sûr », la France serait au rendez-vous, et enverrait soit le directeur Asie du Quai-d’Orsay, soit un secrétaire d’Etat.
« AIDE VENANT DES QUATRE COINS DU MONDE »
Plus tôt dans la journée, la junte militaire avait décrété trois jours de deuil national, de mardi à jeudi, et son chef, le généralissime Than Shwe, reclus la plupart du temps dans le centre du pays, s’est rendu dans des zones dévastées du sud-ouest, après avoir visité la veille des camps de rescapés près de Rangoun. Surtout, la Birmanie a accepté que l’Asean coordonne l’aide étrangère en faveur des sinistrés.
Réunis spécialement à Singapour, les ministres des affaires étrangères du bloc asiatique « sont convenus d’établir un mécanisme de coordination de l’aide dirigé par l’Asean », a déclaré à des journalistes le chef de la diplomatie singapourienne, George Yeo. Il a précisé que la junte avait accepté le soutien d’équipes médicales en provenance de tous les pays de l’Asean. « Nous établirons un mécanisme permettant à l’aide venant des quatre coins du monde d’entrer en Birmanie », a-t-il ajouté, précisant que, pour l’heure, les demandes des travailleurs humanitaires non originaires de l’Asean seraient étudiées au cas par cas.
L’Asean privilégie le dialogue à l’égard de la Birmanie, son partenaire le plus imprévisible. Depuis que la Birmanie a intégré le groupe en 1997, l’association a toujours observé beaucoup de retenue vis-à-vis de la junte, conformément à sa philosophie générale de non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats. Outre la Birmanie, l’Asean comprend Brunei, le Cambodge, l’Indonésie, le Laos, la Malaisie, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam.