La répression policière, extrêmement dure, tente de contenir un mouvement social de protestation d’une rare ampleur. Elle a conduit à des arrestations et gardes à vue.
Ce mouvement, qui couve depuis plusieurs mois, a été déclenché par la publication, en janvier 2008, des résultats du concours d’entrée à la compagnie Phosphates de Gafsa, le principal employeur de la région. La population et des associations de défense ont dénoncé la corruption, les fraudes et le népotisme auxquels a donné lieu ce recrutement.
Des manifestations et des grèves ont alors éclaté dans tous les secteurs d’activité, touchant toutes les générations : jeunes, femmes, syndicalistes, enseignants, commerçants. La répression, comme d’habitude, a été brutale : barrages policiers, manifestants encerclés et molestés.
Certains syndicalistes, victimes de passages à tabac et de mauvais traitements, ont été visés. Le secrétaire général de l’enseignement de base de Redeyef, Adnane Hajji, a révélé les manipulations de la phase de recrutement à la compagnie, allant jusqu’à dénoncer la complicité de cadres syndicaux locaux. Cela lui a valu le gel de son statut par la centrale syndicale, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), et sa traduction devant un conseil de discipline. Il a été arrêté alors qu’il souffre d’une grave insuffisance rénale. Son épouse a entamé une grève de la faim jusqu’à sa libération, intervenue quelques jours plus tard.
Le paysage social de cette région oubliée du « miracle économique tunisien », un des gisements de phosphates les plus importants du monde, est très sombre. En 2007, le taux de chômage avoisinait 40 %, pour une moyenne nationale de 14 %. Les jeunes diplômés sont particulièrement touchés, ce qui explique leur frustration et leur colère à la parution des résultats.
De plus, des pathologies liées à la pollution apparaissent alors que l’accès aux soins est difficile pour beaucoup. Les revendications les plus urgentes avancées sont la résorption du chômage, la création de grands projets industriels et l’affectation de moyens financiers au développement. Pour le moment, le président de la République, Ben Ali, reste sourd et s’oppose à toute implication budgétaire accrue de l’État.
Le gouvernement a choisi la répression par peur d’une extension de la lutte à d’autres domaines, tant le mécontentement grandit dans le pays. Concernant sa politique, Ben Ali n’a pas besoin d’esquiver les questions gênantes, car elles ne sont même pas posées. La liberté d’expression et d’information est inexistante, et l’ensemble des organes de presse nationaux observent le black-out sur la situation sociale du pays.
Cette répression survient à l’occasion de l’« examen périodique universel », nouveau mécanisme de l’ONU pour évaluer les États en matière de droits de l’Homme. Au cours de celui-ci, le régime tunisien a su convaincre le jury de sa parfaite respectabilité ! Une déception pour les ONG nationales et internationales de défense des droits de l’Homme.
Le 13 avril, des rassemblements de soutien se sont tenus en Tunisie, en Belgique et en France, notamment à Nantes, où vivent de nombreux Tunisiens originaires de la région.
Selon le journal algérien El Khabar, 135 Gafsiens ont passé la frontière vers l’Algérie pour fuir faim et misère. Ils sont depuis retenus près de la frontière dans la wilaya de Tebessa.
Alors que Sarkozy s’apprête à se rendre en Tunisie, du 28 au 30 avril, nous devons organiser une solidarité internationale avec les déshérités de Gafsa, condamner la répression violente et dénoncer le caractère policier du régime tunisien.
Notes
• Contact : Comité de soutien aux habitants du bassin minier, 3, rue de Nantes, 75019 Paris. Courriel : bassin.minier hotmail.fr