Le 22 avril 1988, répondant à l’appel du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) pour le boycott actif des élections régionales en Nouvelle-Calédonie, des militants kanaks investissaient le poste de gendarmerie de Fayaoué, sur l’île d’Ouvéa. L’intervention de l’armée française, le 5 mai, dans la grotte de Gossanah, fut sanglante : 19 morts parmi les Kanaks (tous les blessés ayant été achevés). Ces événements n’ont pas été limités à Ouvéa, même si c’est là qu’ils ont été les plus tragiques.
La répression qui suit est brutale et massive. Dans un rapport de force défavorable, les indépendantistes, emmenés par Jean-Marie Tjibaou, signent les accords de Matignon-Oudinot, qui ramènent provisoirement le calme sur le territoire. Le leurre d’une indépendance possible sous dix ans par une voie pacifique séduit de nombreux Kanaks, lassés par des années de violences et des dizaines de morts. La corruption individuelle de responsables ou de chefs de tribus détruira en partie le mouvement indépendantiste.
Vingt ans après, la situation coloniale persiste, le pouvoir politique et économique est toujours principalement entre les mains des Caldoches ou des métropolitains, la spoliation de terres kanakes se poursuit, l’environnement continue à se dégrader, sous l’action d’industriels qui ne cherchent que des profits immédiats. Sur le plan social, les patrons privilégient toujours l’embauche de métropolitains dociles à celle des Kanaks, interdisant tout débouché professionnel à beaucoup de jeunes. La spéculation immobilière pousse de plus en plus de familles vers les bidonvilles qui entourent Nouméa.
Dans cette situation, l’Union syndicale des travailleurs kanaks et des exploités (USTKE) qui, depuis 24 ans, défend pied à pied les intérêts des travailleurs, quelle que soit leur communauté, est devenue la première organisation syndicale du territoire. Face à des patrons voyous, pour qui le profit immédiat est le seul horizon et l’avenir du territoire le dernier souci, les syndicalistes ne peuvent qu’avoir recours à des méthodes radicales. Le 10 avril, l’USTKE a organisé une journée de grève générale, la dixième depuis le début de l’année, bloquant les entreprises des responsables du Medef local.
L’arrivée au pouvoir de Sarkozy a donné des ailes à la droite coloniale revancharde. Certains n’hésitent plus à remettre ouvertement en cause l’accord de Nouméa, signé en 1998, qu’ils n’appliquent pas. Cet accord prévoyait, entre autres mesures, un calendrier de transfert de compétences vers le territoire, la priorité à la formation des jeunes du territoire et à leur embauche.
Confronté à la déliquescence des organisations politiques issues des rangs indépendantistes, l’USTKE a fait le choix, en novembre 2007, de construire un parti politique pour relayer, dans les institutions, ses revendications et porter les revendications indépendantistes. La création du Parti travailliste en Kanaky (PT) bouscule les partis qui cogèrent la situation coloniale et ont abandonné la perspective d’indépendance à moyen terme. Elle ulcère la droite qui pensait avoir maté les Kanaks en corrompant quelques responsables placés à la tête d’administrations d’où ils distribuent les emplois à leur guise.
Les bons scores obtenus aux élections municipales par le PT ne font que renforcer la haine contre l’USTKE. Un nouveau haut-commissaire de la République a été nommé pour remplacer le précédent, jugé lâche face aux manifestations du syndicat. Le nouveau haussaire met en œuvre tous les moyens dont il dispose pour essayer de casser le syndicat, avant que le PT ne prenne trop d’ampleur : envoi systématique du GIGN sur les piquets de grève, répression violente des manifestations, multiplication des arrestations et des inculpations de dirigeants. La justice coloniale criminalise le mouvement social et le Medef local veut faire interdire le droit de grève si la cause ne dépend pas directement de l’entreprise : ainsi les grèves pour les retraites ou l’accès à l’emploi seraient illicites… Le rêve éveillé de certains.
La lutte pour les libertés politiques et syndicales en Kanaky nous concerne tous. On voit, partout en France, des tentatives de criminalisation du mouvement social, la solidarité avec les travailleurs en Nouvelle-Calédonie ne peut que renforcer les luttes de tous les travailleurs.
Bernard Alleton
* Paru dans Rouge n° 2248, 17/04/2008.
MEETING UNITAIRE CONTRE LA RÉPRESSION ANTISYNDICALE EN KANAKY
Lundi 21 avril, à 19 h, Bourse du Travail, 29, boulevard du Temple, Paris 3e (M° République). Avec comme intervenant notamment : Corinne Perron (USTKE), Annick Coupé (Solidaires), José Bové (Via Campesina), Jacky Foureau (CGT), Olivier Besancenot.
* Paru dans Rouge n° 2248, 17/04/2008.
Solidarité avec l’USTKE !
Le 21 avril sera rendu à Nouméa le verdict concernant les 19 syndicalistes de l’USTKE pour lesquels le procureur requiert des peines de prison allant de 1 mois à 1 an ferme (6 mois ferme pour le président du syndicat) pour incitation ou participation à une manifestation violemment réprimée le 17 janvier dernier.
Pour plus de détails sur l’origine de ce conflit, voir la rubrique d’ESSF ainsi que :
http://solidaritekanaky.org/spip.php ?article65
http://solidaritekanaky.org/spip.php ?article101
http://www.ustke.org/syndicat/
Alors que la situation est extrêmement tendue an Nouvelle-Calédonie, 20 ans jour pour jour après les évènements qui ont ensanglanté cette colonie française. Ce jugement aura de graves répercussions en Kanaky mais il concerne également tous les syndicalistes victimes de répression sur le territoire français, l’information n’est diffusée que par trop peu de médias, c’est pourquoi :
Lundi 21 avril à 19h aura lieu à Paris (Bourse du Travail, 29 bd du temple, 75003, métro République) un meeting pour informer sur ce qu’il se passe actuellement en Nouvelle-Calédonie et sensibiliser plus généralement sur la répression anti-syndicale.
Interviendront :
Corinne Perron (USTKE)
Yves Salesse (Coordination Nationale des Collectifs Unitaires)
Annick Coupé (Solidaires)
José Bové (Via Campesina)
Patrick Pelloux (Médecin urgentiste)
Jacky Foureau (CGT)
Alain Mosconi (STC)
Olivier Besancenot (LCR)
Jérémy Berthuin (CNT)
Bellaciao
Soutiens :
Mouvement des Jeunes Kanak en France, Association d’Information et de Soutien aux Droits du Peuple kanak, USTKE, LCR, CNT, CGT, Union syndicale Solidaires, ATTAC, Cedetim, Bellaciao, Les Verts, PCF, PCOF, Confédération Paysanne, Coordination Nationale des Collectifs Unitaires, SNPES-PJJ-FSU...